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dimanche 3 novembre 2013

Les chatons



L’autre jour, alors que l’on mettait un peu d’ordre dans le coin où l’on regroupe tout ce qu’on récupère de bois pour la cheminée, on a fait fuir, en soulevant une panière de petit bois, la grosse chatte noire à demi sauvage qui a pour territoire les rues et jardins avoisinants. Au fond du grand coffre où l’on entasse des sections de branches un peu plus importantes, trois petites boules de poil. Après un premier mouvement de recul dû à la surprise, on s’est approché mieux, je me suis décidé à y mettre la main, non sans une certaine répulsion. Mais non ça ne mord pas, ni ne va se briser entre mes doigts ! J’ai pris les boules l’une après l’autre puis les ai remises délicatement à leur place. Il y a là deux chatons tout à fait noirs, un autre complètement blanc. Ils sont doux, tièdes, ils ouvrent à peine les yeux. Ils ont le poil lisse, ils sont mignons, ils ont l’air en bonne santé. La voisine, plus experte, vient les examiner à son tour : deux femelles, un mâle.
Qu’en faire ? Un instant me traverse l’esprit d’en garder un. Je sais bien qu’il n’en est pas question, D. a toujours dit qu’elle ne voudrait jamais d’animaux à la maison et cela est bien convenu entre nous. Pas question bien sûr de les euthanasier. Les donner donc. Pas de candidats autour de nous. Il y aurait la ressource du marché, s’y poster avec une pancarte « chatons à donner », on l’a vu faire, je crois que ça marche. On téléphone à la Mairie qui nous passe la police municipale. Justement, ce même jour, ils ont une personne qui doit se rendre au refuge pour animaux d’une petite ville voisine, on peut leur confier. J’installe donc les trois chatons dans une boîte à chaussures et je vais les porter. Non sans un certain malaise. Survivront-ils ? Trouveront-ils preneurs ?
L’après-midi, le lendemain, on aperçoit la chatte, qui tourne à la recherche de ses petits, l’âme en peine ou, en tout cas, la mamelle douloureuse. Ça fait peine. Mais je crois que nous avons bien fait. Cette chatte, et d’autres de ses congénères sans doute, avaient pris l’habitude ces dernières années, notamment pendant toute la période entre l’incendie et la réhabilitation de la maison, lorsque le jardin était devenu une véritable jungle, de venir faire leurs petits ici. Depuis qu’on est là on se bat pour faire fuir les chats qui viennent dans le jardin (enfin on se bat est un grand mot, on ne leur jette pas des pierres, simplement on fait des grands gestes pour les éloigner) et, de fait, on en voit désormais plus rarement qu’au début de notre présence régulière ici.
Ces chats, en particulier cette belle chatte noire, n’ont pas l’air faméliques du tout. Il doit y avoir certainement une ou des maisons proches qui les nourrissent. Ce ne sont que des demi-sauvages. Disons plutôt des sans propriétaires attitrés. A moins même qu’ils n’aient des propriétaires mais qui les laissent vagabonder.
J’ai été un peu triste en tout cas, pour cette chatte et pour ces chatons, de couper ainsi violemment ce lien qui les unissait, cette transmission de vie. Réaction d’urbain sans doute. Nos grands-mères ne se privaient pas autrefois de garder un chaton d’une portée et de noyer impitoyablement les autres. Quelle horreur !

Je suis seul à la maison pour quelques jours. J’en ai profité, outre pour avancer sur quelques travaux et articles que je dois à l’APA, pour faire une plongée dans des textes anciens, réfléchir à ce que je voulais en faire et, de fil en aiguille, sur l’évolution et le sens de toutes mes activités d’écriture depuis des années. Ça m’a plutôt plombé, peut-être mettrais-je en forme ces réflexions et ressentis dans un prochain billet. La maison se refroidit progressivement mais je n’ai pas encore allumé le chauffage ni même fait de feu dans la cheminée. Un moment de lecture un peu long et on se retrouve frigorifié. Pourtant le temps reste très doux. Hier, c’était incroyable, il faisait bien plus chaud à l’extérieur qu’à l’intérieur, j’ai déjeuné sur la terrasse, puis, après avoir fait un tour, je me suis réinstallé à lire dans le jardin jusqu’à la tombée du soir. Les tomates vont finir par mûrir, deux ou trois sont prêtes à être cueillies, je vais les croquer ce soir. Deux nouvelles roses encore sont écloses, une jaune et une rouge. La vigne vierge a brusquement roussi en quelques jours et commence à perdre ses feuilles. Tandis que je lisais, une mésange s’est posée et est restée un long moment sur un des piliers de pierre sur lequel s’appuie la tonnelle. C’est vraiment un joli petit oiseau, élégant et gracile. J’ai écouté son chant. C’est un visiteur bien plus rare dans ce jardin que les merles et les martinets. Et je me dis à l’écouter, que l’éloignement des chats, aussi désagréable ait-t-il été, n’est pas un malheur pour tout le monde. Ils ne se seraient pas encombré de considérations morales si d’aventure la petite mésange était tombée entre leurs crocs.

2 commentaires:

  1. Ah les citadins à la campagne....!
    Pour l'instant tu as encore comme libellé "vie provinciale"
    Bientôt viendra "vie d'un campagnard" ....

    tu nous expliqueras alors que tu as gardé un chaton et noyé les autres...
    :-)

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  2. Campagne, je ne sais pas... Je suis dans une petite ville, alors cela restera vie provinciale, et finalement cet entre deux ville-campagne me convient bien...

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