Depuis un bon moment j’avais
deux billets dans le sas. Des amorces de billets plutôt, pas complètement
rédigés. Un « Point final » commencé il y a plus d’un mois puis
abandonné, un « Paresse » démarré plus récemment où je parlais de mes
semaines parisiennes puis sur la Côte d’azur, du retour ici, des trois semaines que nous
y passons avec les parents, de certains jolis
moments que l’on saisit mais aussi de l’âge qui étend son ombre, une
préfiguration de ce que nous serons, si vite (même si je suis toujours
admiratif de l’activité et de l’élan de mon père et souhaiterais être comme lui
à son âge !). J’avais commencé aussi d’y évoquer une sorte de langueur estivale
m’empêchant de me mettre sérieusement à quoi que ce soit, m’empêchant justement
d’écrire, une langueur qui m’a fait papillonner et qui m’a désagréablement
plombé.
Et puis non, je laisse
tomber « Paresse ». Et je reviens à « Point final ». Comme
si « Paresse » était un remord, comme une tentative à demi consciente
de retarder l’échéance, comme une petite voix venue du blog lui-même qui me
dirait : encore un moment, Monsieur le bourreau.
J’ai toujours eu du mal à
tourner des pages, à dire « c’est fini », pour les grandes choses
comme pour les petites. Cela a été vrai pour tout, dans ma vie amoureuse, comme
dans ma vie professionnelle. Je suis un homme de fidélité, de stabilité, de
conservation. Avec excès sûrement, c’est la rançon de ma difficulté à affronter
le risque et le changement. Plus profondément même c’est sans doute le signe d’une
certaine peur de la vie. C’est ainsi.
Mais il faut que je dise
« c’est fini » pour ce qui est de ces Chroniques. Des chroniques
certes ce n’est pas un journal, ça n’implique pas une fréquence élevée, mais il
y faut tout de même un minimum de régularité temporelle. Ce n’est plus le cas.
J’oublie le blog pendant des semaines, je ne l’ouvre même pas, sans parler d’y
écrire. Tout de même je clique de temps en temps sur les avis de mises à jour
que m’envoie mon agrégateur et suis ainsi à peu près mes plus proches amis de
la blogosphère (le peu qu’il en reste). Mais je ne fais plus de promenades de
liens en liens, de découvertes en découvertes, je n’interviens plus dans les
commentaires. Par moments certes des envies d’écriture sur le blog me passent par
la tête, à partir d’une réflexion, d’un ressenti, mais ce sont comme des bulles
légères, sans que je ne pose le moindre mot. Parfois aussi je me dis que
puisque j’ai un blog il me faut un minimum l’entretenir et je me force pour
produire un billet, pour passer d’une idée qui trotte à des mots posés sur
l’écran. Ainsi en a-t-il été pour plusieurs des entrées au cours de ces
derniers mois. Une fois que je m’y attelle, il est vrai que j’y prends un
certain plaisir comme j’ai plaisir aussi à voir le billet terminé, à sentir
qu’il est bien tourné, agréable à lire. Plaisir encore d’avoir un retour ou un
autre, une appréciation positive. Savoir qu’il y a des lecteurs, fussent-ils
une poignée, qui se retrouvent et prennent plaisir à mes mots partagés est
toujours un bonheur. Ces échos amicaux ont largement contribué à ce que je
continue, cahin-caha. Mais il n’empêche désormais je ressens mes interventions
sur ce blog comme vraiment trop artificielles. En vérité c’est le cas depuis
longtemps. En fait depuis le début de ce nouveau blog. Plus de deux ans déjà
mais moins de cent billets. Ces Chroniques étaient d’ailleurs elles-mêmes une
tentative de reprise, avec une ligne d’écriture un peu différente, après que
j’ai eu décidé d’en terminer avec Valclair (2003-2012). En fait la mayonnaise
(si j’ose dire !) entre ce nouveau blog et moi n’a jamais pris. Je n’ai
pas trouvé la bonne formule, celle dans laquelle je me serais trouvé à l’aise. Sans
doute sans me l’avouer aurais-je voulu retrouver les élans, les enthousiasmes qui
avaient porté Valclair dans les temps les plus riches de l’aventure
relationnelle et d’écriture de ma blogosphère vers le milieu de la précédente
décennie et cela évidemment c’était impossible, parce que le temps est passé et
que tout bouge, tout change…
Alors il vaut mieux finir vraiment
plutôt que de laisser ce blog s’effilocher de plus en plus au gré de billets de
plus en plus rares et, je le crains, de plus en plus tirés au forceps. C’est
mieux. C’est plus clair. En tout cas ça me dégage l’esprit des questionnements
autour du blog, continuer ou pas, faire ou non un billet de ceci ou de cela. Ça
dégage, ne serait-ce que psychologiquement, de l’espace mental pour d’autres
choses.
Ce n’est pas sans hésitation
ni sans regret que je m’arrête. Il en fallu du temps à ce billet pour
mûrir. Puis encore un peu de temps, une fois qu’il a été prêt, pour faire le
clic le mettant en ligne. Mais voilà, c’est fait. Il faut voir cela en positif.
C’est bien de tourner des pages. Cette fois c’est définitif. Enfin je pense. Il
ne faut jurer de rien. On en connaît de ces vieux chanteurs ou vieux acteurs qui
multiplient les dernières et puis qui la saison d’après reviennent mais force
est de constater que c’est en général assez pathétique. On va tâcher d’éviter.
J’écrirai toujours bien sûr.
Des choses très diversifiées. Mes articles dans La Faute à Rousseau, mon rapide
journal memento, parfois quelques pages plus intimes pour moi seul quand le
besoin s’en fait sentir, des petites nouvelles plaisir (et maintenant qu’il est
devenu aisé et pas trop couteux d’éditer à la carte, j’en ferai sans doute un
ou deux recueils publics), enfin ce travail en cours autour de la saisie de mes
journaux manuscrits d’autrefois et de tout ce que cette démarche fait remonter,
un travail qui pour l’heure me plaît bien. Mais, sans doute, au total écrirais-je
moins. Il faut garder le temps de vivre et de savourer, avec ce qu’il y faut de
lenteur, ce qui passe à notre portée. La vie désormais passe trop vite pour
qu’on passe trop de temps à l’écrire.
Peut-être réactiverais-je aussi
un peu mon compte Facebook dormant. Non naturellement pour l’abreuver sans
cesse d’infos ou photos en tout genre, ce serait parfaitement contradictoire
avec ce que j’ai écrit plus haut, mais juste pour donner ici ou là un coup de
cœur de lecture ou de cinéma, pour relayer quelques actions ou publications de
l’APA et pour donner quelques nouvelles à ceux de mes lecteurs qui pratiquent
le réseau. Mais ce n’est même pas sûr et resteront alors, pour ceux qui
voudront bien, quelques mails à l’occasion et puis, avec les plus proches, les
rencontres In Real Life.
A toutes celles, tous ceux,
qui m’ont suivi, de très longue date ou plus récemment, je dis merci de leur
présence exprimée ou silencieuse et j’adresse mes pensées amicales, chargé pour
chacun(e) de toutes les nuances ou sentiments particuliers en lien avec ce que
nous avons partagé au cours de ces plus de dix années.