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lundi 20 janvier 2014

Semaine parisienne



Dans le train qui me ramène vers Toulouse je repasse en mémoire ma semaine parisienne…
Encore une fois je reviens avec un certain sentiment de bousculade, d’incomplétude. J’ai été très envahi, trop, par mes activités pour l’APA. C’est la contrepartie de mon départ en province, quand je viens à Paris on groupe de multiples activités ou rendez-vous qui occupent mon temps et du coup me frustrent un peu côté sorties ou flâneries.
On a arrêté en comité de rédaction le contenu du prochain numéro de La Faute à Rousseau, ne reste plus maintenant qu’à faire le montage ; on a tenu plusieurs réunions pour organiser divers événements, comme la Table-ronde que nous consacrerons à Ego numericus au mois de mars ; j’ai rencontré une réalisatrice qui prépare un documentaire sur le journal en ligne ; etc…

Plusieurs moments famille aussi avec mes fils, avec mon père. Je sens qu’il vieillit ces temps-ci, je le trouve plus lent en tout, moins optimiste, laissant percer ses anxiétés, souvent sur de toutes petites choses. Cela dit, il est tout de même en très bonne forme, sa conversation reste vive, il entretient sa forme physique, ainsi nous sommes allés nager dans la piscine sur le toit de son immeuble, il tient toujours à monter et descendre à pied les sept étages qui séparent son appartement de la piscine. Mais il ne rajeunira pas et donc je me dis qu’il faut profiter de lui, de sa présence, et lui offrir la mienne, autant que je peux.
J’ai eu le plaisir aussi de dîner avec une amie du web d’autrefois. J’étais content de revoir « chère brune », gaie, très en forme, bien plus qu’en d’autres occasions. Mais là aussi le temps est passé et ce n’est plus pareil, il n’y a plus en moi ce frémissement, ce battement de cœur, cette espérance d’autre chose qui, un temps, ont électrisé mes rencontres avec elle.

Plus beaucoup de temps alors pour le reste. Deux expositions qui ne m’ont qu’à moitié accrochées. Astérix, à la BnF, j’ai regardé ça un peu de loin, me promener entre les planches originales des albums n’a pas ravivé en moi de multiples madeleines, comme l’aurait fait Tintin ou Mortimer. Les Kanak, quai Branly, là aussi je suis resté assez extérieur, me regardant regarder. C’est assez fréquent ça avec moi, pour les expos ethnologiques ou d’art premiers. Soit j’entre en réelle communication avec les œuvres et alors je peux me sentir ravi au sens propre, embarqué, soit je n’y entre pas. Ça n’a pas forcément à voir avec la qualité intrinsèque de l’exposition, ça tient plutôt à ma propre disposition d’esprit du moment sans que je sache trop ce qui l’explique.
Côté cinéma trois films. Suzanne qui m’a beaucoup plu. Un film sombre mais plein d’amour et qui du coup rend heureux malgré les drames et les deuils. Le montage est rapide, voire brutal, ce qui renforce l’intensité émotionnelle. Les acteurs sont excellents, spécialement Sara Forestier. On pense à Pialat et à Sandrine Bonnaire dans A nos amours. La réminiscence qui se crée en nous est sans doute voulue, le titre et le prénom Suzanne ne sont certainement pas là par hasard. The Lunchbox, bien aussi, plaisant, savoureux (quasiment au sens propre), à la fois gai et triste. Que la femme est belle ! Que les sentiments sont délicats. C’est un joli conte avec une happy end fortement suggérée. Mais ce n’est qu’un conte, tout est fait pour qu’on le ressente ainsi ce qui laisse au spectateur, ou du moins m’a laissé à moi, une impression dominante de douce mélancolie. J’ai été par contre très déçu par Mére et fils. C’est intéressant sur des rapports assez pathologiques à l’intérieur d’une famille comme aussi en tant que document sur la Roumanie contemporaine et ses fractures. Mais je me suis ennuyé face à ces accumulations de paroles et d’images au plus près des personnages, portées par une caméra ultra mobile qui épuise le regard, interdit toute mise à distance. C’est qu’on ne ressent aucune empathie envers les personnages, il n’y a donc aucune identification possible, on reste extérieur, c’est cela je pense qui fait la différence fondamentale avec les deux premiers films évoqués. (Je reconnais cependant que la dernière scène, la confrontation entre les deux familles, celle du responsable de l’accident et celle de la victime est très forte et parvient enfin à émouvoir, sans doute justement parce que les personnages laissent percer leurs faiblesses ce qui les humanisent).

Le paysage défile. Jolie lumière changeante. Passage dans des nappes de brouillard puis moments de soleil, parfois net, parfois voilé. Beaucoup d’eau dans les champs et les fossés. Le TGV n’est pas très plein. Je suis en première, j’ai de la place, personne en face de moi, je peux étendre les jambes, j’ai pu me mettre dans le sens de la marche, ce qui est plaisant pour laisser le regard errer au fil du paysage. J’aperçois dans le sas entre les deux voitures une jeune femme qui tente de bercer un bébé qu’elle tient dans une poche kangourou sur son ventre. Une jolie brunette aux cheveux bouclés, un visage un peu rond et très mobile, elle sourit beaucoup malgré l’enfant qui pleure, elle lui parle, je crois même que par moments elle lui chantonne quelque chose que je n’entends pas, dans ses girations, tantôt elle me fait face, tantôt elle me tourne le dos. Il y a quelque chose dans la façon dont elle se déplace, dans son visage, dans la courbe de sa nuque qui m’émeut très fort. Je passe de mon carnet, au paysage, à l’attirante jeune femme et puis, de temps à autre aussi, je reviens à mon livre, qui lui me fait voyager entre Afrique et Suède, L’œil du léopard, de Mankell qui est décidément un auteur excellent. J’aime ces temps de flottements ferroviaires ! 

Ecrit sur mon carnet dans le train hier, mis en forme et en ligne ce matin

jeudi 9 janvier 2014

Carnet d'adresses



Comme tous les ans j’ai profité de cette période des vœux pour adresser à quelques personnes chères de ma blogosphère, d’anciennes amies du net avec lesquelles des liens forts quoique espacés se maintiennent, des courriers qui sont une façon de donner quelques nouvelles un peu plus personnalisées que ce que je peux écrire sur mon blog. 

Mais, faisant cela, je me suis amusé aussi à faire le tour du carnet d’adresses de la messagerie liée à mon ancien blog. J’ai vu réapparaître des noms presque oubliés. Certains ne m’ont pas évoqués grand-chose. Peu en fait, car, derrière la plupart de ces noms, me sont revenus avec assez de force la mémoire de nombreux échanges épistolaires ainsi que de diverses rencontres IRL, comme on disait (In Real Life). Ils datent pour beaucoup de plusieurs années, en un temps où la vie blogosphérique, les publications, les commentaires déposés, les échanges privés, étaient bien plus nombreux, bien plus intenses. Pour moi le pic était dans les années 2007-2008 et je crois que ça a été le cas pour beaucoup. J’ai vraiment l’impression qu’il y a eu une sorte d’âge d’or des blogs personnels et intimes dans ces années-là avant que les modes de communication ne se diversifient avec l’émergence des réseaux. C’est peut-être une erreur de perspective lié à ma perception personnelle, mais en tout cas je suis sûr que c’est vrai pour le petit canton de la blogosphère que je fréquentais. 

Bref, à la suite de cette tournée, j’ai eu envie de faire un signe à tous ces blogueurs/blogueuses, mes contacts actuels comme certains très anciens avec lesquels je n’ai pas échangé parfois depuis plusieurs années.
Je leur ai adressé une photo prise au matin de Noël depuis ma fenêtre. C’était, après une violente averse matinale et tandis que le ciel se dégageait soudain, un superbe arc-en-ciel au-dessus de la place centrale de ma petite ville, couronnant la halle et son beffroi. Le soleil après la pluie, l’arc-en-ciel, symbole d’espérance, cela me paraissait une belle façon de faire coucou en ce temps des vœux pour l’année nouvelle. C’était une façon donc aussi de donner, et notamment à celles et ceux qui certainement ne me lisent plus, des nouvelles de l’ancien V., un vieux parisien s’il en était, en montrant son nouveau lieu de vie provincial. 

Bien sûr j’imagine que parmi toutes ces adresses mail, dont certaines datent de plusieurs années, liées à des pseudos ou à des blogs anciens, il y en aura qui n’existent plus et mon message se perdra. Certains de ces correspondant(e)s peut-être même ne sont plus sur cette terre ou alors ont si radicalement coupés avec leur temps de blogueur que c’en serait presque pareil, à l’égard d’un envoi leur venant de ce monde là. Il y a d’autres personnes auxquelles j’ai pensé en faisant cette plongée et dont je ne retrouve même pas trace, parce que nos correspondances dataient d’avant mon changement de machine, fait en catastrophe après un crash d’ordinateur qui m’a privé de pas mal de données que je n’avais pas pris soin de sauvegarder. Mais tout ça ne fait rien, ça m’a fait plaisir de lancer au loin cette brassée de photos. Des messages arriveront et d’autres pas. Un peu comme avec une bouteille jetée à la mer avec ce piquant que confère la part hasardeuse de l’entreprise. Certains, certaines, peut-être, m’en feront retour ce qui mettra un peu d’animation sur la vieille boîte mail de l’ami V., forcément très assoupie. Dans ce message vers les anciens, volontairement je n’ai pas évoqué l’existence de ce nouveau blog, car je n’aurais pas voulu que mon envoi apparaisse comme une forme de retape. Si certains ont envie de venir vers ces nouvelles pages ils en trouveront bien le chemin.

samedi 4 janvier 2014

Cinéma 2013



Comme tous les ans à cette période je fais mon petit bilan cinéma, pour moi-même surtout, notant pour mieux m’en souvenir, ceux qui m’ont le plus marqués, qui laissent une trace quelques mois après les avoir vus et puis aussi, pour donner l’envie à mes lecteurs de découvrir certains films qui peut-être seront passés un peu inaperçus.

Beaucoup moins de films vus au cinéma en 2013, conséquence bien sûr de mon installation dans ma petite ville de province. 45 seulement au compteur, contre 61 en 2012. On peut en voir la liste complète avec ma cotation sur ma page cinéma. Ces cotations évidemment sont tout ce qu’il y a d’approximatif, il est tellement difficile de comparer des objets aussi différents et puis l’ambiance personnelle du moment joue, l’état de plus ou moins grande réceptivité dans lequel on est en entrant dans la salle, les effets d’attente aussi liées aux critiques lues.
Je suis bon public et j’ai vraiment pris plaisir à tout ce que l’on verra coté à partir et au dessus de xx(-) soit 36 films sur 45. Pour ceux qui sont cotés entre x(-) et x(+) les réserves ou la déception l’emportent. 

Peu cependant m’ont véritablement enthousiasmés cette année. La Trilogie Bill Douglas est sans doute le film, enfin les films, qui m’ont les plus marqués et les seuls auxquels j’ai donné un xxx. On pourra trouver l’article que j’ai donné à l’APA à leur propos à partir de cette page. J’ai particulièrement apprécié aussi, dans des genres très différents, Django Unchained et La Grande Belleza, L’Attentat et Singué Sabor. Une mention spéciale aussi à Rebelle un film sur les enfants soldats en Afrique, très dur, mais très fort, pas besoin d’explications ou de commentaires, le film est vu à travers du regard de son personnage principal, une jeune fille qui dialogue avec les fantômes des défunts et parvient à survivre au milieu de ce maelstrom de violence. C’est un film passé assez inaperçu. Contrepartie à être ici : grâce au ciné-club j’ai vu certains films qu’à Paris j’aurais peut-être laissé passer, parce qu’ils auraient été noyés dans la déferlante des sorties hebdomadaires sous le flot de ceux dont on parle plus. Très fort aussi et très dur également, Rêves d’or, sur l’odyssée de gamins du Guatemala cherchant à rejoindre les USA mirifiques. Deux beaux films qui disent notre monde et ses terribles fractures, mais qui le disent au travers d’images fortes et magnifique, d’œuvres d’arts accomplies et non de discours convenus. Très attachant aussi et cette fois infiniment plus optimiste, Wadja, sur une jeune saoudienne qui veut, comme les garçons, pouvoir faire du vélo. Je me suis régalé aussi à d’autres films plus légers, bien conduits et superbement interprétés comme, par exemple, Blue Jasmine, un bon cru de Woody Allen (extraordinaire Kate Blanchett) ou Tirez la langue, Mademoiselle, (superbe Louise Bourgoin), ou encore Le temps de l’aventure (Emmanuelle Devos resplendissante dans la lumière d’un bel amour passant) mais il y en a d’autres dans ces veines plutôt plaisantes et qui font passer un très bon moment sans pour autant être dépourvus de fond.
J’ai aussi attribué un xxx au magnifique Gangs of New York de Scorsese que je ne connaissais pas mais qui n’est pas de sortie récente et n’a donc pas sa place dans ce palmarès. Ça aussi c’est un des bonheurs que m’a permis le ciné club local.
Quelques déceptions : La vie d’Adèle par exemple. Déception certes toute relative : j’ai bien aimé quand même et il y a certaines scènes d’une très grande force, notamment tout ce qui tourne autour de la rencontre et de l’entrée dans l’état amoureux mais c’est vraiment un peu long, comme souvent Kechiche, et il y a des lourdeurs, dans les scènes de sexe par exemple ou dans la façon de mettre en avant le contraste sociologique entre les amoureuses, famille « fruits de mer » versus famille « spaghettis bolognaises », ça manque un peu de subtilité (frappant de voir, par contraste, comment dans la BD cette opposition, présente également, se laisse juste deviner avec délicatesse). Bref ce n’est pas le chef d’œuvre absolu que l’on a dit. Plus fortement décevant Inside Lwenyn Davies, pas franchement mauvais mais enfin les Coen font du Coen sans inventivité particulière, ou, bien plus mauvais, carrément verbeux et ennuyeux, The Master.

En compensation de cette moindre fréquentation des salles obscures je me mets à regarder un peu plus la télévision. En particulier j’ai commencé à découvrir le monde des séries et il y en a de vraiment remarquables. Je me suis régalé avec Borgen dont j’ai pu voir aussi les précédentes saisons. Magnifique aussi, images somptueuses, inventivité cinématographique, art du raccourci et gouffres psychologiques, Top of the Lake de Jeanne Campion. Enfin j’attends avec impatience le retour de Real Humans et de ses hubots, une série qui, au delà et de son intensité dramatique et de l’efficacité de son récit qui sait nous tenir en haleine de jeudi en jeudi, pose des questions cruciales sur le devenir de l’humain en un temps où se profilent les symbioses homme/machines.