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lundi 10 décembre 2012

Décade parisienne



Nous voici rentrés « chez nous » (encore du mal  à dire ce « chez nous »). Je ressens encore un peu cet éclatement entre mes deux lieux. Avant de partir de Paris, impression qu’il y avait encore mille choses que j’aurais voulu faire, expos ou films cochés sur Télérama. En même temps envie d’être ici. Le voyage est long et on n’est pas des fans, c’est un euphémisme, des longs trajets en voiture. Ensuite on privilégiera sûrement le train mais pour le moment on a encore pas mal de bricoles à trimballer. Ah je rêve de téléportation ! Etre ici, être là-bas, le temps d’un clin d’œil !

Ma décade parisienne a en tout cas été très occupée. Beaucoup de choses liées à l’opération du fiston (qui s’est bien passée), beaucoup de moments à se retrouver comme on avait rarement eu l’occasion de le faire depuis plusieurs années, ce qui est très agréable. Mes activités en lien avec l’APA aussi que j’ai évoquées dans mon précédent billet. Et puis aussi bien sûr une bonne pilée d’activités culturelles diverses.

J’ai pas mal été au cinéma notamment. Voici pour mémoire mes films vus avec mes brefs commentaires non dans l’ordre où je les ai vus mais du moins au plus marquant :

Augustine : intéressant d’un point de vue documentaire, mais assez plat dans la façon de filmer. Les clairs-obscurs sont sans doute voulus mais leur présence excessive épuise le regard et contribue à l’ambiance sinistre du film. Les interviews de malades trop pesamment démonstratives sont en trop. Soko en Augustine est excellente, c’est l’atout principal du film, par contre Chiara Mastroianni et Vincent Lindon me paraissent peu convaincants comme l’ensemble des seconds rôles d’ailleurs. 

Paperboy : moi, ça m’a plu alors que ce film a été très décrié par beaucoup. Il y a un climat très bien rendu, on ressent cette ambiance sensuelle, moite et délétère. L’Amérique des grands espaces et de la nature profonde recèle aussi ces paumés frustes et hyper-violents, hors-la-loi sans foi ni loi et figures récurrentes de la littérature et du cinéma américain, je pense en particulier à l’effrayant Délivrance. Il y a certes ici dans les scènes de bayou une complaisance dans le sanguinolent gratuite et inutile, tant qu’à faire j’aurais volontiers troqué un part de cette violence pour un peu plus d’aguicheuse Kidmann, laquelle ne m’a pas laissé insensible.

Au-delà des collines : c’est un film intéressant, loin de tout manichéisme, la description de la Roumanie rurale post Ceausescu est convaincante, le pope et ses nonnes croient bien faire. Mais la psychologie des jeunes femmes, leurs besoins et enfermements respectifs sont cependant si évidentes d’emblée, la progression régulière vers l’issue tragique est tellement sans surprise, que le film malgré ses qualités est assez ennuyeux, d’autant qu’il est un peu long.

Après Mai : j’ai beaucoup aimé. C’est un film parfaitement « juste » qui ramène avec conviction dans l’époque. Les visages, les façons d’être, de se mouvoir, de parler des jeunes acteurs m’ont paru exactement ça, le casting est vraiment réussi car les looks d’aujourd'hui sont sacrément différents, il fallait les trouver ces jeunes qui colleraient à ce point. Tous les détails et décors collent excellemment, (ah la « bavasse » qui tourne au fond d’un local du PSU), mais aussi les émois adolescents, la façon dont se nouent ou se dénouent les idylles amoureuses, comme les discussions tant politiques qu’existentielles. On pouvait être ailleurs ces années là (à Lyon pour moi), dans des histoires groupusculaires différentes, avoir forcément des vécus (et des névroses) personnelles différentes (pour moi plus apparatchik coincé, genre Michel Recanati, pour ceux qui ont vu Mourir à trente ans) mais n’empêche on s’y retrouve.
J’ai entendu beaucoup de critiques négatives parlant d’artificialité, de fausseté, de dialogues irréels auxquels on ne pouvait croire. Pourtant il y avait bien ce genre de débat entre révolution sociale et politique et/ou personnelle, Vive la révolution et la Ligue ou les Marxistes-Léninistes comme il y a eu beaucoup de ces grandes fêtes tristes et beaucoup de voyageurs, sur place ou à l’autre bout du monde, qui ne revenaient pas. C’est qu’on est en 71, pas fin 68 ou en 69, et le climat avait foncièrement changé. C’est peut-être ce qui a surpris et désarçonnés certains. Ces débats ne sont pas tous explicités, heureusement sinon c’aurait été affreusement ennuyeux, mais c’est ce qui en rend la perception pas évidente pour les gens qui n’ont pas traversé cette période. J’aimerais bien que mes fils aillent voir et que je puisse parler avec eux de ce qu’ils en ressentiront.
Cela dit, sur ce fond excellemment recréé, il y aussi un effet de distance voulue, qui est donné, il me semble, par un certain traitement de l’image, de la lumière, ces lumières par exemple souvent mordorées. C’est l’époque mais c’est aussi l’époque telle qu’elle perdure en Olivier Assayas, quarante ans plus tard, dans la lumière et/ou derrière le voile du souvenir (c’est pareil !). La longue séquence dans la fête, l’errance douloureuse de Gilles, celle plus tragique de Laure est particulièrement significative, elle est manifestement recréée dans l’esprit de l’homme mûr d’aujourd'hui et constitue à mon sens le point d’orgue du film même si celui-ci  se poursuit un long moment encore. 

J’ai aussi été voir l’exposition à la Cinémathèque sur Les Enfants du Paradis, excellente exposition. Plaisir à revoir en contexte quelques extraits du film. Les acteurs ont tendance à surjouer par rapport à ce que sont les modes de jeux dominants aujourd'hui. Mais ça fait partie du charme et de l’aura de poésie qui entoure le film, créant une espèce de mise à distance, comme les décors et les décors dans les décors. Et Arletty et Barrault sont magiques !
D’autres expos aussi pendant ce séjour et l’occasion de percevoir combien conditions de visite et état personnel d’attente jouent. On entre ou on n’entre pas en communion.
Je ne suis pas du tout rentré dans Hokusaï à Guimet contrairement à Elizabeth. Sans doute est-ce parce que j’ai eu la mauvaise idée d’y aller dimanche sans réaliser que c’était jour de gratuité et qu’il y aurait un monde fou. Ces petites pièces nécessitent particulièrement qu’on puisse les approcher et s’en pénétrer dans un relatif silence et concentration : là je n’ai pas eu l’impression de voir beaucoup mieux que ce que m’aurait apporté une bonne reproduction, il n’y a pas eu la magie de ce contact direct avec la puissance de l’œuvre elle-même dont parle Elizabeth et que j’avais pour ma part ressenti avec une intensité merveilleuse devant la Sainte-Anne de Léonard.
Par contre j’ai beaucoup apprécié l’exposition Bohèmes. Je partage l’impression de Guillaume selon lequel il y en a en vérité deux expositions en une. Mais c’est très stimulant. Et si le fil qui les relie est ténu, il existe cependant. Il y a des œuvres vraiment très belles certaines que l’on a plaisir à revoir, d’autres que l’on découvre. Et c’est vraiment plaisant d’être confronté en un relativement petit nombre d’œuvres à tant de styles picturaux, c’est l’avantage des expos thématiques. Enfin j’ai été voir cette expo mercredi dans la soirée, il y avait relativement peu de monde, ça change tout, il faut profiter des nocturnes en général plus tranquilles pour visiter les expositions.

Et puis voilà, nous sommes repartis. J’espérais aller voir Tabou mais une visite impromptue dans notre dernier jour parisien m’en a empêché, mais je ne m’en plains pas, plaisir des visites.
Et nous voici à nouveau ici.
Temps frais et clair, vif et revigorant.
Samedi marché puis achats de pieds de vigne, de framboisiers, de cassisiers, de groseillers. Puis une bonne partie de l’après-midi occupée aux plantations dans le jardin. C’est vraiment exotique pour moi ça (à Paris c’était D. qui s’occupait des quelques plantes de notre mini jardin). J’y ai choppé un certain mal de dos, par maladresse sans doute, il faut faire les choses en douceur plus qu’en force mais j’apprendrai et puis que ça fait du bien aussi d’avoir les mains dans la terre !
Hier dimanche brocante sur la place. J’ai craqué pour une poêle à châtaignes et pour une chaise qui renversée se transforme en escabeau, idéal pour accéder aux rayons les plus hauts de ma bibliothèque. Aïe, si maintenant je me mets à chiner, moi qui veux m’alléger ! L’après-midi presque trois heures de marche revigorante sur les pentes de la Montagne noire, dans l’ombre froide de la forêt d’abord puis sous le soleil d’hiver, bas déjà, sur le plateau, les Pyrénées au loin noyées dans la brume et le contrejour mais les collines du Lauraguais au pied dans une belle lumière mordorée. Retour à la voiture, très rafraichis, à la nuit tombée mais ensuite à la maison une soupe devant un feu de bois !
Autre lieu, autres mœurs !

3 commentaires:

  1. une vie bien "vivifiante" vue d'ici en tout cas :)

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  2. Hier, à l'heure ou tu étais sur la montagne noire, et que tu regardais vers les Pyrénées, moi j'étais sur une crête, tout près du pic du midi de Bigorre. Le petit point noir dans la blancheur de la neige, c'était moi ;o)

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  3. Cela dit ça doit être pas mal par chez toi aussi, Wictoria: douceur et pieds dans l'eau j'imagine...
    Et oui, Cassy, il m'avait bien semblé voir, là-bas, du côté du Plat d'Espet une petite forme qui te ressemblait... Blague à part un de ces jours je viendrai...
    Ah la téléportation!!!

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