Non, pas vraiment Ici-Paris
comme le canard vaguement graveleux de faits divers de notre enfance (est-ce
que ça existe toujours, ce truc, dans les profondeurs de la presse ?),
plutôt Ici et Paris.
Ici, car hier a encore été
une superbe journée. Un coup d’Autan en fin de nuit et en début de journée, les
craquements de la maison et du jardin et les étals secoués des commerçants au
marché. Mais le vent n’a pas duré. Ciel pur, dégagé. Dans l’après-midi l’air
était frais, juste ce qu’il faut, et au soleil, il faisait délicieusement doux.
J’ai enfourché mon vélo et suis parti le long de la Rigole. Magnifique lumière
tout du long, éclairant de biais entre les arbres, faisant se succéder les
plages d’ombre et de soleil. Je filais sud, sud-ouest, donc le soleil plutôt
devant moi. Comment ne pas vouloir le suivre ! Le tout accompagné en plus
du doux chuchotement de l’eau. Plusieurs fois je me suis arrêté pour contempler
brièvement quelques aperçus de campagne particulièrement harmonieux et qui auraient
fait de belles images du genre de celles qu’affectionne et que réussit si bien
l’ami Nuages dans les campagnes ardennaises. Ainsi ce champ, avec les courbes très marquées des lignes de
labourage, derrière et légèrement en hauteur sur le coteau, une ferme et les bouquets
d’arbre qui l’entourent, quelques pins et quelques cyprès, donnant de la
verticalité, une lumière presque rasante, accusant les ombres, un ciel clair
d’un côté et sombre de l’autre où une barre de nuages s’était formée et où s’annonçait
la nuit. J’ai regretté de ne pas avoir mon appareil photo. Je reviendrai à cet
endroit pour le photographier mais retrouverais-je une aussi belle lumière ?
Pour l’instant je mets l’image dans ma tête, à défaut de la mettre dans la
boîte et ce n’est pas forcément moins bien. En tout cas, porté par mon
exaltation, je me suis laissé entraîner plus loin que ce que j’avais prévu, je crois
que j’aurais pu pédaler jusqu’au Seuil de Naurouze à la poursuite du soleil
déclinant ! Bon, j’ai tourné avant tout de même, je suis revenu par les
routes au pied des collines, en ayant un peu froid dès le soleil couché, un peu
tendu aussi, car je n’ai pas d’équipement de nuit et je ne devais pas être très
visible entre chien et loup !
Et Paris donc, puisque je
l’ai promis, mais en quelques lignes…
Une semaine riche, famille, cinés,
expos …
Côté famille, ce fut un bon
cru. Je redoute toujours un peu ces réunions festives qui ont tendance à
s’éterniser, où certains ne sont là que par obligation et où passent
d’inévitables tensions, même si elles restent discrètes, à l’effectif trop
nombreux et qui n’est guère favorable aux rencontres et échanges en profondeur.
Là tout s’est bien passé. Une chose était très plaisante. Les cousins et
cousines de la génération de mes fils sont tous à Paris, après avoir été, qui à
Cambridge, qui en Californie, qui en Finlande et qui en Chine les précédentes
années, cela faisait donc longtemps qu’ils ne s’étaient pas retrouvés tous
ensemble, c’étaient des ados, les voici jeunes adultes, ils avaient l’air
vraiment ravis et dans une immédiate complicité qui faisait plaisir à voir et
j’ai eu l’impression que leur tonicité se communiquait un peu à toute
l’assemblée. S. est venu avec son amie taïwanaise, certes elle n’a aucune
famille ici et il était assez logique qu’elle se rattache à nous un soir comme
celui-ci, mais je crois que ça dit un peu plus, comme aussi le fait que S. se
soit mis à l’apprentissage du chinois avec énergie. Voir cette relation qui
semble se construire dans la durée n’est pas pour nous déplaire, même si là-dessus
nous n’avons rien à dire et nul pouvoir évidemment.
Côté culture surtout dire ce
qui est sorti du lot…
Tabou, côté cinéma. La première
partie est sans doute un peu longue et un peu appuyée dans la caractérisation
des personnages spécialement de Madame Santa. Mais elle est indispensable et
contribue à nous mettre dans un état de réceptivité maximale pour accueillir la
seconde partie qui est une pure merveille, on est totalement absorbé dans une
sorte de bulle poétique et mélancolique qui parle avec force et à chacun du
temps passé et des amours défuntes. En même temps le film, sans avoir l’air d’y
toucher, dit beaucoup sur la société coloniale, sur son délitement, sur ce qui
en survit dans le Portugal d’aujourd'hui. Et puis que la langue portugaise est
belle ! À nos oreilles en tout cas elle semble porteuse de poésie par sa
seule musicalité.
Raphaël, côté exposition. Là encore
j’ai été saisi d’émotion face à certaines toiles, de cette sorte d’émotion qui
vous sort littéralement de vous-même comme je l’avais évoqué pour la
Sainte-Anne de Vinci. Ici ce sont les portraits qui m’ont bouleversé. Je ne
sais plus qui a dit quelque chose comme « l’art du portrait c’est de
rendre l’absent présent ». C’est tout à fait ça. Regardez-les, regardez
particulièrement les regards, les personnages, les personnes plutôt sortent de
la toile, elles sont là, près de vous, avec vous, et pourtant elles ne sont que
poussière depuis plusieurs siècles, ça a quelque chose de bouleversant.
Le reste ne manquait pas
d’intérêt mais sans offrir ce plus que confère l’émotion. L’expo sur les Cartes marines (intéressant mais
bof !) à la BNF, l’expo sur les 100
photos du siècle (ensemble trop hétéroclite), Six siècles d'art du livre au MLM (très jolie expo dans un espace un peu trop resserré), le film Les bêtes du Sud sauvage, pas mal, spectaculaire, un peu pesant
parfois et qui s’oublie, Anna Karénine (première demi-heure difficile, il faut
accepter de rentrer dans la convention de théâtralisation, l’heure qui suit, ça
va, on est dedans, belles images, belle passion, la fin, ça s’éternise, ça déborde, on n’en peut plus, l'artificialité de l'ensemble nous rattrape.
Heureusement il y a Keira Knightley, bon Dieu qu’elle est belle, regardez son
sourire, le léger défaut de sa dentition, cette canine légèrement mal plantée,
tout est là, c’est ce qui l’humanise, outre la qualité de son jeu
naturellement, ce n’est pas juste une icône glamour).
Donna Velata de Raphaël, juste pour mémoire, parmi beaucoup d'autres portraits, à la présence aussi intense. Mais comme d'habitude la reproduction ne rend pas la magie de l'original. En allant chercher sur internet il y avait au moins 20 images de ce tableau, toutes dans des teintes différentes, j'ai choisi celle-ci aux teintes assez douces mais je suis incapable de dire si c'est la plus fidèle à l'original!
J'ai quand même bien l'impression qu'à l'avenir tu trouveras prétextes à venir sur Paris, te faire quelques "shoots" culturels en intraveineuses !!
RépondreSupprimer:-))
Et bonne fin d'année !
Anna Karénine, j'ai détesté : fade, mièvre, artificiel, même pas beau. Je n'ai rien retrouvé du livre dans ce navet.
RépondreSupprimerSinon "Tabou", c'est effectivment l'un des grands films de cette fin d'année.
Carmilla
Oui, Alain, Paris certes mais Toulouse aussi qui est plein de ressources.
RépondreSupprimerC'est vrai Carmilla qu'en sortant de Karénine c'était plutôt l'exaspération qui dominait pour moi aussi, mais bon de belles images quand même, navet est un peu fort mais artificiel et boursouflé sûrement.