Nous voici rentrés
« chez nous » (encore du mal à
dire ce « chez nous »). Je ressens encore un peu cet éclatement entre
mes deux lieux. Avant de partir de Paris, impression qu’il y avait encore mille
choses que j’aurais voulu faire, expos ou films cochés sur Télérama. En même
temps envie d’être ici. Le voyage est long et on n’est pas des fans, c’est un
euphémisme, des longs trajets en voiture. Ensuite on privilégiera sûrement le
train mais pour le moment on a encore pas mal de bricoles à trimballer. Ah je
rêve de téléportation ! Etre ici, être là-bas, le temps d’un clin
d’œil !
Ma décade parisienne a en
tout cas été très occupée. Beaucoup de choses liées à l’opération du fiston
(qui s’est bien passée), beaucoup de moments à se retrouver comme on avait
rarement eu l’occasion de le faire depuis plusieurs années, ce qui est très
agréable. Mes activités en lien avec l’APA aussi que j’ai évoquées dans mon précédent billet. Et puis aussi bien sûr une bonne pilée d’activités
culturelles diverses.
J’ai pas mal été au cinéma
notamment. Voici pour mémoire mes films vus avec mes brefs commentaires non
dans l’ordre où je les ai vus mais du moins au plus marquant :
Augustine : intéressant
d’un point de vue documentaire, mais assez plat dans la façon de filmer. Les
clairs-obscurs sont sans doute voulus mais leur présence excessive épuise le
regard et contribue à l’ambiance sinistre du film. Les interviews de malades
trop pesamment démonstratives sont en trop. Soko en Augustine est excellente,
c’est l’atout principal du film, par contre Chiara Mastroianni et Vincent
Lindon me paraissent peu convaincants comme l’ensemble des seconds rôles
d’ailleurs.
Paperboy : moi, ça m’a
plu alors que ce film a été très décrié par beaucoup. Il y a un climat très
bien rendu, on ressent cette ambiance sensuelle, moite et délétère. L’Amérique des
grands espaces et de la nature profonde recèle aussi ces paumés frustes et
hyper-violents, hors-la-loi sans foi ni loi et figures récurrentes de la littérature
et du cinéma américain, je pense en particulier à l’effrayant Délivrance. Il y
a certes ici dans les scènes de bayou une complaisance dans le sanguinolent
gratuite et inutile, tant qu’à faire j’aurais volontiers troqué un part de
cette violence pour un peu plus d’aguicheuse Kidmann, laquelle ne m’a pas
laissé insensible.
Au-delà des collines :
c’est un film intéressant, loin de tout manichéisme, la description de la
Roumanie rurale post Ceausescu est convaincante, le pope et ses nonnes croient
bien faire. Mais la psychologie des jeunes femmes, leurs besoins et
enfermements respectifs sont cependant si évidentes d’emblée, la progression
régulière vers l’issue tragique est tellement sans surprise, que le film malgré
ses qualités est assez ennuyeux, d’autant qu’il est un peu long.
Après Mai : j’ai
beaucoup aimé. C’est un film parfaitement « juste » qui ramène avec
conviction dans l’époque. Les visages, les façons d’être, de se mouvoir, de
parler des jeunes acteurs m’ont paru exactement ça, le casting est vraiment
réussi car les looks d’aujourd'hui sont sacrément différents, il fallait les
trouver ces jeunes qui colleraient à ce point. Tous les détails et décors
collent excellemment, (ah la « bavasse » qui tourne au fond d’un
local du PSU), mais aussi les émois adolescents, la façon dont se nouent ou se
dénouent les idylles amoureuses, comme les discussions tant politiques
qu’existentielles. On pouvait être ailleurs ces années là (à Lyon pour moi),
dans des histoires groupusculaires différentes, avoir forcément des vécus (et
des névroses) personnelles différentes (pour moi plus apparatchik coincé, genre
Michel Recanati, pour ceux qui ont vu Mourir à trente ans) mais n’empêche on
s’y retrouve.
J’ai entendu beaucoup de
critiques négatives parlant d’artificialité, de fausseté, de dialogues irréels
auxquels on ne pouvait croire. Pourtant il y avait bien ce genre de débat entre
révolution sociale et politique et/ou personnelle, Vive la révolution et la
Ligue ou les Marxistes-Léninistes comme il y a eu beaucoup de ces grandes fêtes
tristes et beaucoup de voyageurs, sur place ou à l’autre bout du monde, qui ne
revenaient pas. C’est qu’on est en 71, pas fin 68 ou en 69, et le climat avait
foncièrement changé. C’est peut-être ce qui a surpris et désarçonnés certains.
Ces débats ne sont pas tous explicités, heureusement sinon c’aurait été
affreusement ennuyeux, mais c’est ce qui en rend la perception pas évidente
pour les gens qui n’ont pas traversé cette période. J’aimerais bien que mes
fils aillent voir et que je puisse parler avec eux de ce qu’ils en
ressentiront.
Cela dit, sur ce fond
excellemment recréé, il y aussi un effet de distance voulue, qui est
donné, il me semble, par un certain traitement de l’image, de la lumière, ces
lumières par exemple souvent mordorées. C’est l’époque mais c’est aussi
l’époque telle qu’elle perdure en Olivier Assayas, quarante ans plus tard, dans
la lumière et/ou derrière le voile du souvenir (c’est pareil !). La longue
séquence dans la fête, l’errance douloureuse de Gilles, celle plus tragique de
Laure est particulièrement significative, elle est manifestement recréée dans
l’esprit de l’homme mûr d’aujourd'hui et constitue à mon sens le point d’orgue
du film même si celui-ci se poursuit un
long moment encore.
J’ai aussi été voir
l’exposition à la Cinémathèque sur Les Enfants du Paradis, excellente
exposition. Plaisir à revoir en contexte quelques extraits du film. Les acteurs
ont tendance à surjouer par rapport à ce que sont les modes de jeux dominants
aujourd'hui. Mais ça fait partie du charme et de l’aura de poésie qui entoure
le film, créant une espèce de mise à distance, comme les décors et les décors
dans les décors. Et Arletty et Barrault sont magiques !
D’autres expos aussi pendant
ce séjour et l’occasion de percevoir combien conditions de visite et état personnel
d’attente jouent. On entre ou on n’entre pas en communion.
Je ne suis pas du tout
rentré dans Hokusaï à Guimet contrairement à Elizabeth. Sans doute est-ce parce
que j’ai eu la mauvaise idée d’y aller dimanche sans réaliser que c’était jour
de gratuité et qu’il y aurait un monde fou. Ces petites pièces nécessitent
particulièrement qu’on puisse les approcher et s’en pénétrer dans un relatif
silence et concentration : là je n’ai pas eu l’impression de voir beaucoup
mieux que ce que m’aurait apporté une bonne reproduction, il n’y a pas eu la
magie de ce contact direct avec la puissance de l’œuvre elle-même dont parle
Elizabeth et que j’avais pour ma part ressenti avec une intensité merveilleuse
devant la Sainte-Anne de Léonard.
Par contre j’ai beaucoup apprécié
l’exposition Bohèmes. Je partage l’impression de Guillaume selon lequel il y en
a en vérité deux expositions en une. Mais c’est très stimulant. Et si le fil
qui les relie est ténu, il existe cependant. Il y a des œuvres vraiment très
belles certaines que l’on a plaisir à revoir, d’autres que l’on découvre. Et
c’est vraiment plaisant d’être confronté en un relativement petit nombre
d’œuvres à tant de styles picturaux, c’est l’avantage des expos thématiques.
Enfin j’ai été voir cette expo mercredi dans la soirée, il y avait relativement
peu de monde, ça change tout, il faut profiter des nocturnes en général plus
tranquilles pour visiter les expositions.
Et puis voilà, nous sommes
repartis. J’espérais aller voir Tabou mais une visite impromptue dans notre
dernier jour parisien m’en a empêché, mais je ne m’en plains pas, plaisir des
visites.
Et nous voici à nouveau ici.
Temps frais et clair, vif et
revigorant.
Samedi marché puis achats de
pieds de vigne, de framboisiers, de cassisiers, de groseillers. Puis une bonne
partie de l’après-midi occupée aux plantations dans le jardin. C’est vraiment
exotique pour moi ça (à Paris c’était D. qui s’occupait des quelques plantes de
notre mini jardin). J’y ai choppé un certain mal de dos, par maladresse sans
doute, il faut faire les choses en douceur plus qu’en force mais j’apprendrai
et puis que ça fait du bien aussi d’avoir les mains dans la terre !
Hier dimanche brocante sur
la place. J’ai craqué pour une poêle à châtaignes et pour une chaise qui
renversée se transforme en escabeau, idéal pour accéder aux rayons les plus
hauts de ma bibliothèque. Aïe, si maintenant je me mets à chiner, moi qui veux
m’alléger ! L’après-midi presque trois heures de marche revigorante sur les
pentes de la Montagne noire, dans l’ombre froide de la forêt d’abord puis sous
le soleil d’hiver, bas déjà, sur le plateau, les Pyrénées au loin noyées dans la
brume et le contrejour mais les collines du Lauraguais au pied dans une belle
lumière mordorée. Retour à la voiture, très rafraichis, à la nuit tombée mais
ensuite à la maison une soupe devant un feu de bois !
Autre lieu, autres
mœurs !
une vie bien "vivifiante" vue d'ici en tout cas :)
RépondreSupprimerHier, à l'heure ou tu étais sur la montagne noire, et que tu regardais vers les Pyrénées, moi j'étais sur une crête, tout près du pic du midi de Bigorre. Le petit point noir dans la blancheur de la neige, c'était moi ;o)
RépondreSupprimerCela dit ça doit être pas mal par chez toi aussi, Wictoria: douceur et pieds dans l'eau j'imagine...
RépondreSupprimerEt oui, Cassy, il m'avait bien semblé voir, là-bas, du côté du Plat d'Espet une petite forme qui te ressemblait... Blague à part un de ces jours je viendrai...
Ah la téléportation!!!