Pages

jeudi 31 juillet 2014

Point final



Depuis un bon moment j’avais deux billets dans le sas. Des amorces de billets plutôt, pas complètement rédigés. Un « Point final » commencé il y a plus d’un mois puis abandonné, un « Paresse » démarré plus récemment où je parlais de mes semaines parisiennes puis sur la Côte d’azur, du retour ici, des trois semaines que nous y passons avec les parents, de certains jolis moments que l’on saisit mais aussi de l’âge qui étend son ombre, une préfiguration de ce que nous serons, si vite (même si je suis toujours admiratif de l’activité et de l’élan de mon père et souhaiterais être comme lui à son âge !). J’avais commencé aussi d’y évoquer une sorte de langueur estivale m’empêchant de me mettre sérieusement à quoi que ce soit, m’empêchant justement d’écrire, une langueur qui m’a fait papillonner et qui m’a désagréablement plombé.
Et puis non, je laisse tomber « Paresse ». Et je reviens à « Point final ». Comme si « Paresse » était un remord, comme une tentative à demi consciente de retarder l’échéance, comme une petite voix venue du blog lui-même qui me dirait : encore un moment, Monsieur le bourreau.
J’ai toujours eu du mal à tourner des pages, à dire « c’est fini », pour les grandes choses comme pour les petites. Cela a été vrai pour tout, dans ma vie amoureuse, comme dans ma vie professionnelle. Je suis un homme de fidélité, de stabilité, de conservation. Avec excès sûrement, c’est la rançon de ma difficulté à affronter le risque et le changement. Plus profondément même c’est sans doute le signe d’une certaine peur de la vie. C’est ainsi.

Mais il faut que je dise « c’est fini » pour ce qui est de ces Chroniques. Des chroniques certes ce n’est pas un journal, ça n’implique pas une fréquence élevée, mais il y faut tout de même un minimum de régularité temporelle. Ce n’est plus le cas. J’oublie le blog pendant des semaines, je ne l’ouvre même pas, sans parler d’y écrire. Tout de même je clique de temps en temps sur les avis de mises à jour que m’envoie mon agrégateur et suis ainsi à peu près mes plus proches amis de la blogosphère (le peu qu’il en reste). Mais je ne fais plus de promenades de liens en liens, de découvertes en découvertes, je n’interviens plus dans les commentaires. Par moments certes des envies d’écriture sur le blog me passent par la tête, à partir d’une réflexion, d’un ressenti, mais ce sont comme des bulles légères, sans que je ne pose le moindre mot. Parfois aussi je me dis que puisque j’ai un blog il me faut un minimum l’entretenir et je me force pour produire un billet, pour passer d’une idée qui trotte à des mots posés sur l’écran. Ainsi en a-t-il été pour plusieurs des entrées au cours de ces derniers mois. Une fois que je m’y attelle, il est vrai que j’y prends un certain plaisir comme j’ai plaisir aussi à voir le billet terminé, à sentir qu’il est bien tourné, agréable à lire. Plaisir encore d’avoir un retour ou un autre, une appréciation positive. Savoir qu’il y a des lecteurs, fussent-ils une poignée, qui se retrouvent et prennent plaisir à mes mots partagés est toujours un bonheur. Ces échos amicaux ont largement contribué à ce que je continue, cahin-caha. Mais il n’empêche désormais je ressens mes interventions sur ce blog comme vraiment trop artificielles. En vérité c’est le cas depuis longtemps. En fait depuis le début de ce nouveau blog. Plus de deux ans déjà mais moins de cent billets. Ces Chroniques étaient d’ailleurs elles-mêmes une tentative de reprise, avec une ligne d’écriture un peu différente, après que j’ai eu décidé d’en terminer avec Valclair (2003-2012). En fait la mayonnaise (si j’ose dire !) entre ce nouveau blog et moi n’a jamais pris. Je n’ai pas trouvé la bonne formule, celle dans laquelle je me serais trouvé à l’aise. Sans doute sans me l’avouer aurais-je voulu retrouver les élans, les enthousiasmes qui avaient porté Valclair dans les temps les plus riches de l’aventure relationnelle et d’écriture de ma blogosphère vers le milieu de la précédente décennie et cela évidemment c’était impossible, parce que le temps est passé et que tout bouge, tout change…

Alors il vaut mieux finir vraiment plutôt que de laisser ce blog s’effilocher de plus en plus au gré de billets de plus en plus rares et, je le crains, de plus en plus tirés au forceps. C’est mieux. C’est plus clair. En tout cas ça me dégage l’esprit des questionnements autour du blog, continuer ou pas, faire ou non un billet de ceci ou de cela. Ça dégage, ne serait-ce que psychologiquement, de l’espace mental pour d’autres choses.

Ce n’est pas sans hésitation ni sans regret que je m’arrête. Il en fallu du temps à ce billet pour mûrir. Puis encore un peu de temps, une fois qu’il a été prêt, pour faire le clic le mettant en ligne. Mais voilà, c’est fait. Il faut voir cela en positif. C’est bien de tourner des pages. Cette fois c’est définitif. Enfin je pense. Il ne faut jurer de rien. On en connaît de ces vieux chanteurs ou vieux acteurs qui multiplient les dernières et puis qui la saison d’après reviennent mais force est de constater que c’est en général assez pathétique. On va tâcher d’éviter.

J’écrirai toujours bien sûr. Des choses très diversifiées. Mes articles dans La Faute à Rousseau, mon rapide journal memento, parfois quelques pages plus intimes pour moi seul quand le besoin s’en fait sentir, des petites nouvelles plaisir (et maintenant qu’il est devenu aisé et pas trop couteux d’éditer à la carte, j’en ferai sans doute un ou deux recueils publics), enfin ce travail en cours autour de la saisie de mes journaux manuscrits d’autrefois et de tout ce que cette démarche fait remonter, un travail qui pour l’heure me plaît bien. Mais, sans doute, au total écrirais-je moins. Il faut garder le temps de vivre et de savourer, avec ce qu’il y faut de lenteur, ce qui passe à notre portée. La vie désormais passe trop vite pour qu’on passe trop de temps à l’écrire. 

Peut-être réactiverais-je aussi un peu mon compte Facebook dormant. Non naturellement pour l’abreuver sans cesse d’infos ou photos en tout genre, ce serait parfaitement contradictoire avec ce que j’ai écrit plus haut, mais juste pour donner ici ou là un coup de cœur de lecture ou de cinéma, pour relayer quelques actions ou publications de l’APA et pour donner quelques nouvelles à ceux de mes lecteurs qui pratiquent le réseau. Mais ce n’est même pas sûr et resteront alors, pour ceux qui voudront bien, quelques mails à l’occasion et puis, avec les plus proches, les rencontres In Real Life. 

A toutes celles, tous ceux, qui m’ont suivi, de très longue date ou plus récemment, je dis merci de leur présence exprimée ou silencieuse et j’adresse mes pensées amicales, chargé pour chacun(e) de toutes les nuances ou sentiments particuliers en lien avec ce que nous avons partagé au cours de ces plus de dix années.

mardi 10 juin 2014

Stations



Les jours où nous n’avons aucune sortie particulière prévue je ne manque pas de faire un tour d’une à deux heures et ce quelque soit le temps (ou presque : il faut vraiment qu’il fasse calamiteux pour que je renonce, genre tempête d’Autan ou pluie vraiment très soutenue toute la journée). Même si j’ai eu des activités assez physiques «  at home », si j’ai jardiné par exemple, il m’est nécessaire cependant de sortir, de bouger en extérieur, hors les murs de la maison et du jardin. Le plus souvent je fais ce genre de sortie seul et à vélo, et j’aime cela, cette solitude, qui me permet de suivre absolument mon impulsion de l’instant pour me diriger ici plutôt que là, pour accélérer, ralentir ou m’arrêter. Le vélo, quant à lui, permet, sur un même temps disponible de deux heures de temps, de rayonner plus loin, d’avoir, profitant de la multiplicité des toutes petites routes et grands chemins qui irriguent la campagne environnante, une multitude de possibilités. Bien qu’installé ici depuis maintenant deux ans, je m’étonne de découvrir encore des itinéraires que je n’ai jamais emprunté, ce qui à pied devient pour le coup franchement plus difficile.
Je m’arrête parfois juste pour mieux emmagasiner l’instant. Puis les mots que j’en écris parfois après coup sont encore une façon de les revisiter. Voici, par exemple, trois de ces stations dans la période récente.

Le long de la Rigole, minuscule canal qui conduit, en serpentant dans la campagne, les eaux venues de la Montagne Noire jusqu’au seuil de Naurouze. Après avoir pas mal appuyé sur les pédales pendant quelques centaines mètres pour m’amuser, pour changer de mon rythme habituel très, très tranquille. M’être arrêté en ayant choisi un endroit du parcours suffisamment éloigné de la grand-route pour ne pas en entendre la rumeur. Avoir posé mon vélo, m’être assis sur une souche, avoir attendu que s’apaisent en moi les agitations corporelles liées au récent effort, avoir porté mon attention sur le mouvement de l’eau à mes pieds, sur le balancement légers des branches au-dessus de moi. Et surtout sur les chants d’oiseaux, nombreux dans ces haies, se modulant, se répondant, un véritable concert. Ce n’est rien du tout, juste quelques chants d’oiseaux, c’est ici, c’est partout, à notre disposition et gratuitement, sans le truchement d’un écran ou d’une machine, c’est en réelle présence, il suffit de se mettre à l’écoute. (Je suis de plus en plus souvent ému par ces simples et minuscules spectacles de la nature. Y ai-je été, de plus, un peu sursensibilisé par la vision du merveilleux Bird people de Pascale Ferran. Pas impossible.)

Débouché d’un chemin entre bois et champ cultivé. Une lumière spéciale, très vive, grand soleil mais en même temps, cumulus bourgeonnants et même dans une partie du ciel, des nuages très noirs accusant les contrastes. Devant moi un champ de blé, dont les épis, pas encore très hauts, mais déjà bien formés, ondulent dans le vent, formant des sortes de vagues au parcours erratique. Au fond une belle rangée de cyprès, quelques maisons enserrées dans leur bouquet de grands arbres, et au-delà, plus loin, le moutonnement de la ligne des collines du Lauragais. Au milieu du champ, un très bel arbre, je ne suis pas capable de le reconnaître à la distance où je suis, c’est un beau feuillu en tout cas dont les branches aussi se balancent doucement. Je bénis intérieurement le cultivateur qui a choisi de conserver cet arbre qui complique sans doute un peu son travail et lui fait perdre quelques brassées de grain, bonheur de penser que ce n’est pas obligatoirement la productivité maximale qui est choisie au dépens de la beauté. Là j’ai un peu regretté de ne pas avoir mon appareil photo, la lumière était vraiment somptueuse mais je dois me dire qu’à coup sûr, elle était plus somptueuse dans le réel et maintenant dans mon souvenir, qu’elle n’aurait pu l’être, figée dans les pixels.

Sur la Rigole encore, un autre jour, par temps très gris cette fois. Il est un peu plus de dix-sept heures. Je m’arrête à la hauteur d’un homme et d’un petit garçon de six, sept ans. L’enfant pêche. L’homme montre et explique. Il y a beaucoup de douceur et de tendresse dans son regard, tandis que celui du petit garçon est chargé de confiance et d’admiration. Je pense que c’est un jeune grand-père, j’imagine qu’il a récupéré l’enfant tout à l’heure à la sortie de l’école. Nous ne nous disons rien. Juste nous nous sourions et je repars rapidement. Me reviennent des images, dans les allées du Grand-Rond à Toulouse, on avait récemment enlevé les petites roues de mon vélo, ma grand-mère me maintenait, m’aidait à prendre de la vitesse puis me lâchait. A un moment je suis tombé et me suis râpé le genou. J’ai dû pleurer un peu peut-être et j’entends encore ma grand-mère me dire pour me consoler : « c’est le métier qui rentre » et j’étais surpris, détourné certainement de ma douleur, par cette drôle d’expression que, sans doute, j’entendais pour la première fois et que je ne comprenais pas très bien. J’aime ces transmissions.

lundi 26 mai 2014

Calamité



Je n’écris pas souvent sur la politique et la société sur ce blog.
Après m’y être pendant des années très impliqué puis m’y être intéressé sans m’y impliquer (un regret sans doute) pendant de bien plus nombreuses autres années, j’ai eu tendance, tout en suivant toujours tout ça de près (la lecture du Monde me reste une addiction quotidienne ), à prendre une relative distance, à me laisser aller à la bof attitude, au « puisqu’on ne peut pas grand-chose autant de ne pas se ronger les sangs » de tout ce qu’on perçoit de négatif dans la société et dans l’apparemment inexorable montée des périls écologiques.
Mais là quand même je me sens atterré et j’ai envie de le dire. Cette nuit je me suis réveillé en sursaut à quatre heures du matin et ma première pensée c’était pour ces résultats électoraux, comme un cauchemar.

On savait bien qu’ils seraient mauvais. Quelques signes avaient pu laisser espérer qu’ils le seraient un peu moins (les résultats en retrait des populistes au Pays-Bas déjà connus au moment du vote). De toute façon une UMP et un FN en tête au coude à coude comme attendu ça aurait déjà été assez saumâtre, mais là, 5 points d’écart, c’est carrément calamiteux. Et les pertes du PS ne se compensent pas au Centre, chez les Verts ou au Front de Gauche. Et les signaux inquiétants sont aussi nombreux dans le reste de l’Europe, même si la France à la palme.
On se sent collectivement honteux d’en être arrivé là. On a mal à la France et à l’image qu’elle peut donner à l’extérieur. On croise les gens dans notre quotidien, nos petits commerçants bien sympathiques, les voisins que l’on croise sur la place et avec lesquels on se salue, les gens avec lesquels on fait de la rando et on se dit que parmi eux, forcément, il y en a un bon nombre qui ont dû voter FN à moins qu’il n’ait pas voté du tout et ça rend triste.

Évidemment la responsabilité des politiques est très grande. Sarko d’abord avec sa politique éhontée en faveur des siens, ses magouilles, ses palinodies pour attirer à lui les électeurs du Front, ne réussissant en fait qu’à lui ouvrir des boulevards. Et puis Hollande ensuite. Quelle catastrophe que sa politique. Pas principalement parce qu’il est social-démocrate, voire social-libéral. Mais parce qu’il ne tient pas une ligne. Dès lors que sa conviction profonde était qu’il fallait mener une politique clairement sociale-démocate pourquoi a-t-il tant louvoyé ? Rien de pire que ces atermoiements constants, ces changements de pied continuels. Je repense au début du quinquennat. Il y avait une chance historique. Il y avait la main tendue de Bayrou. Il aurait fallu la prendre. Peut-être alors ne le formulais-je pas comme ça, moi-même encore trop séduit par les promesses « de gauche » du candidat. Mais malgré tout je me souviens d’avoir été choqué que le PS et le Président, toujours fidèle aux logiques idéologiques et d’appareil, n’aient pas été capables de faire la fleur nécessaire à Bayrou, en ne présentant pas un candidat contre lui aux législatives, ce qui aurait pu être le prélude à une certaine recomposition politique, à l’entrée de la France dans une logique de compromis entre forces politiques (ce qui ne veut pas dire compromissions), à l’introduction nécessaire d’une certaine dose de proportionnelle.

J’ai regardé un peu la soirée électorale sur France 2. A l’exception notoire de Bové j’ai été frappé de la lecture essentiellement nationale du scrutin pendant le débat. Cette incapacité générale des politiques et des médias en France à parler vraiment européen contribue aussi à expliquer cette débâcle. Sur Arte plus tard dans la soirée, pilotage franco-germanique oblige, on était dans une toute autre logique et c’était bien plus intéressant. 

Quoi qu’il en soit tout ça sera bien difficile à remonter. Il faut seulement espérer que des voies en seront trouvées après tant et tant d’années perdues.

jeudi 22 mai 2014

Après la tempête



L’Autan a soufflé de façon continue pendant trois jours, avec des pointes à 100, 110 km à l’heure. On ne bouge pas tellement pendant ces périodes, on ne sort que pour ce qui est indispensable. Nous avons deux côtés à la maison. La façade qui donne sur la place est moins exposée, c’est là que nous avons le séjour ainsi que bureau et bibliothèque et c’est là qu’on se tient de préférence par ces temps venteux. Par contre la façade côté jardin reçoit l’Autan de plein fouet. C’est là que sont les chambres, alors pendant la nuit, c’est un peu comme si on était sur un bateau en pleine tempête. Même volet fermé le vent se glisse sous nos vieilles fenêtres pas très étanches et ça craque de partout. C’est plaisant un moment mais quand ça dure ça finit par taper sérieusement sur les nerfs et ça ferait même un peu peur lorsqu’on voit les grandes branches du cèdre qui domine la maison ployer sous les rafales. Le crochet d’un volet hier soir a même été descellé et, du coup, avec les chocs violents du volet battant avant qu’on ne vienne le refixer, un carreau a volé en éclat.
J’ai profité de ces temps où je suis resté calfeutré pour me consacrer, maintenant que sont terminés aussi bien mes articles pour la prochaine Faute à Rousseau que la mise en page du numéro, à diverses écritures plus personnelles. J’ai pas mal avancé le travail de retranscription et de commentaire de mon journal d’adolescent. Je suis partagé sur l’intérêt de faire ça mais bon, cahin-caha, j’avance. Et surtout j’ai enfin ressorti une nouvelle, commencée il y a plus d’un an et abandonnée au milieu du gué. Là je l’ai terminée et je suis content. Je l’ai intégrée dans un petit recueil avec quelques unes de ses semblables. Je n’en fais rien mais ça ne m’embête pas plus que ça. Elle vaut surtout par le plaisir que j’ai eu à l’écrire. Une fois de plus je me suis confirmé que j’aimais bien  m’aventurer sur le terrain de la fiction. Dans un article de revue ou même dans un billet ici, je sais où je vais, il n’y a nulle surprise à attendre. Tandis que lorsqu’on est dans du fictionnel, même si on a une idée, un schéma de départ, on se laisse entraîner, on se laisse porter par les mots eux-mêmes qui enclenchent le processus de l’imagination et qui nous conduisent parfois ailleurs que là où l’on pensait aller. Et rien de plus plaisant, de plus jouissif même, que de se retrouver soi-même surpris par ce qu’on a écrit.

Ce matin le vent était presque complètement tombé. Grand beau ciel clair. Bonheur d’ouvrir en grand volets et fenêtres et de laisser la lumière envahir la maison. Petit tour au jardin pour ramasser les branches brisées, couper les roses qui ont perdu la plupart de leurs pétales et les tiges qui ont été cassées, certaines riches de boutons qui n’écloront pas, redresser des plantes malmenées. La glycine a bien souffert et perdu une grande partie de ses feuilles (mais cette année du moins, mieux accrochée au mur, elle a tenu, contrairement à ce qui s’était passé lors d’un précédent épisode où il avait fallu la tailler ensuite de façon assez radicale). Nous arrosons aussi. Ce vent est terriblement asséchant et il tend à retenir les nuages. La pluie était annoncée ce matin mais manifestement elle ne viendra pas si vite. Sortir dans ce jardin, ouvrir portes et fenêtres c’était comme une renaissance. Et plaisir ensuite le midi de remettre la table dehors et de déjeuner sur la terrasse, mi ombre mi soleil.
Sur le rebord d’une fenêtre côté place j’ai trouvé tout à l’heure un oiseau, c’est une jeune colombe, je crois, dont le nid est dans un des réverbères de la place. Elle parait vive, elle se déplace d’un point à l’autre du rebord de fenêtre mais elle ne s’envole pas même si je m’approche et tape au carreau. Je crains qu’elle n’ait une aile cassée, peut-être a-t-elle été malmenée pendant la tempête. Je ne sais ce qu’il faudrait faire pour lui porter secours. Je pourrai la porter dans le jardin où elle trouverait sans doute à picorer mais j’imagine que si elle ne parvient pas à voler, elle va se faire dévorer par des chats. Finalement je lui ai porté une soucoupe avec de l’eau et de la mie de pain. A ma surprise et à ma joie, lorsque j’ai ouvert la fenêtre elle s’est ébrouée et est parvenue à s’envoler pour rejoindre à deux mètres l’arbre le plus proche. Ainsi donc elle n’était pas blessée, simplement elle commençait sa vie dans les airs et peut-être était-ce son tout premier vol hors du nid natal qui l’avait conduit sur le rebord de notre fenêtre. C’est fou ce qu’il m’a fait plaisir cet envol, c’était force de la vie, résilience de la nature, alors que j’avais l’esprit encore tout encombré des dégâts causés par la tempête.

jeudi 1 mai 2014

Ecritures



Décidément je ne viens plus guère écrire ici. C’est que mes écritures se dispersent sur d’autres lieux, celui-ci étant devenu, presque, la dernière roue du carrosse.

Lorsque j’ai abandonné mon précédent blog qui déjà végétait, pour démarrer celui-ci, j’avais l’idée, pour effectuer cette relance, de regrouper à peu près tout ce que je comptais produire en un même lieu, sous une même bannière : mémentos et brèves notes juste pour se souvenir ; écritures sur le motif pour évoquer l’ambiance d’un lieu ou d’un moment ; ressentis ou réflexions plus intimes ; petites fictions qu’il m’arrive de commettre ; notes « culturelles » développées à propos de livres ou de films, aussi bien celles écrites directement ici que celles que je donne à l’extérieur pour le site de l’APA ou la revue La Faute à Rousseau.
Il me semblait pouvoir en partageant à partir d’un lieu unifié plusieurs facettes de mon expression, donner une forme plus substantielle et diversifiée à cette identité numérique qui se dessine au travers de mon blog, bref à la rapprocher de ma personne dans sa globalité et son unité.
Mais en réalité ça ne s’est pas passé comme ça. Je ne suis pas parvenu à mettre à jour régulièrement les pages annexes, censées servir de mémentos. Mes articles extérieurs ne m’ont pas parus très adaptés pour une publication ici. Ce blog qui n’est plus anonyme ne pouvait guère non plus accueillir des réflexions très impliquantes sur le plan intime ou relationnel. Celles-ci, qui s’étaient déjà fortement réduites sur l’ancien blog au fur et à mesure que mon anonymat se délitait, ont totalement disparu de celui-ci. Ça, bien sûr, c’est dommage. Car force est de constater que c’était tout de même l’implication intime qui avait généré le plus de dialogue et de vie sur le blog et donc de motivation à y écrire. Autre temps des blogs ? Autre temps pour moi ? Un peu des deux sûrement.
Bref je ne suis pas parvenu à cette unification et désormais je ne la souhaite plus. Les couches de lectorat potentiels sont si différentes et, de même, les formes, approches, tonalités d’écriture, qu’il parait difficile de tout regrouper. En unifiant le lieu de l’expression on a tendance à ramener celle-ci au plus petit dénominateur commun, à gommer, à raboter ce qu’on se permettrait en d’autres lieux. Et donc j’effectue le mouvement inverse. Je tends à déconstruire, à séparer : il y a ce que je publie dans les divers lieux et divers cercles où je les publie, ce que peux éventuellement partager de façon privée, ce que je garde pour moi seul.

La constellation de mes écritures actuellement se présente à peu près comme ceci :
J’ai démarré depuis le début de l’année un journal quotidien, ce que je n’avais jamais fait jusque là. Il s’agit de brèves notes telles qu’on pourrait les trouver dans un agenda. Deux, trois lignes par jour mais pas un jour sans ses lignes. Le livre lu, la promenade effectuée, le film ou l’émission de télévision vue. Quelques mots, quelques annotations en style télégraphique, des appréciations lapidaires, rien de construit ou de travaillé, éventuellement une notation d’humeur ou de couleur dominante de la journée. Ça doit aller très vite. Ça va très vite. C’est la fonction memento pour soi-même du journal, sans autre prétention. Peut-être est-ce un peu névrotique cette façon de vouloir tout consigner ou retenir. Mais bon, comme c’est vite et facilement fait, je ne m’en prive pas. C’est devenu une sorte de rituel, soit le soir avant le coucher, soit en ouvrant l’ordinateur le matin. Ça n’a peut-être pas beaucoup d’intérêt. Utiliserais-je ce mémento ?  Je le survolerai peut-être de temps en temps pour y chercher une référence mais sans plus. En tout cas, à ma surprise, je m’y tiens. Mais un tel mémento ne présente aucun intérêt pour un lecteur extérieur et donc il n’a pas sa place en ligne.
J’écris plusieurs articles pour chaque numéro de La Faute à Rousseau plus quelques notes de lecture pour le site de l’association. Ainsi dans le prochain numéro sur le thème Ego numericus je signe pas moins de cinq articles, certains un peu complexes à rédiger et qui m’ont donné pas mal de fil à retordre. A cela s’ajoutent les activités non strictement d’écriture autour de la revue, les temps de coordination avec l’équipe et la réalisation de la maquette (dont je me charge avec l’amie Elizabeth).
J’ai ouvert aussi un nouveau chantier d’écriture en lien avec mes activités dans le groupe APA de Toulouse. Nous avons décidé en début d’année de travailler chacun sur un projet de création personnelle, de tenir journal des avancées, difficultés, détours de nos projets et de confronter dans le groupe ces journaux de création. Je me suis lancé dans la retranscription et le commentaire, avec mes yeux d’aujourd'hui, de mes journaux d’adolescence et de jeune adulte. C’était une vieille envie, mais ambivalente (envie d’aller y voir ; mais gêne face à l’aspect narcissique et tourné vers le passé de la démarche), l’articuler à des échanges et à une réflexion collective m’a paru une bonne façon de m’y engager. J’ai commencé, j’avance, pour l’instant ça m’amuse de me replonger dans ces vieilleries, les commentaires à partir de la relecture du texte ancien bourgeonnent tandis que le journal de l’avancée du projet s’étend lui aussi.
Et j’ai aussi quelques pages en chantier d’un projet fictionnel d’une certaine ampleur mais je ne sais pas s’il finira par voir le jour. Honnêtement je dois dire que je n’y ai pas travaillé depuis un bon moment mais c’est là, présent, comme une invite, et j’aimerais m’y remettre. Si le blog est la quatrième roue du carrosse, ça, ça doit être la cinquième !

Bref, ça fait pas mal de choses. Et comme la vie heureusement, ce n’est pas que l’écriture, que celle-ci ne doit pas réduire par trop le temps consacré au reste, se crée alors forcément un phénomène de vases communicants, écrire plus ici, c’est écrire moins là et le blog en l’occurrence se trouve très délaissé.
Je ne le ferme pas. Je ne dis même pas « blog en pause ». Car je sais qu’à l’occasion je peux avoir envie de venir y déposer un texte : une note sur un livre ou un film, une « chose vue » qui m’interpelle, une évocation d’un ressenti ou d’une promenade. Sans obligation et sans régularité. Quand l’envie m’en viendra. Alors je n’y manquerai pas et j’aurai plaisir à donner ces mots en partage. Car je sais que certain(e)s aiment me lire. Certain(e)s même me le disent, ici ou ailleurs. Je les en remercie. Qu’ils sachent bien que leurs appréciations bienveillantes sont précieuses et m’encouragent à ne pas laisser ce blog tout à fait à l’abandon. Mais, ce sera quand ce sera, peut être demain, peut être dans un mois, je ne m’obligerai pas.