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dimanche 14 octobre 2012

Récurrences



Je dois effectuer demain un examen médical pas rigolo, rigolo, mais auquel je me soumets tous les cinq ans en raison d’une hérédité chargée dans la sphère considérée. C’est déjà la quatrième fois que j’y procède, je me souviens, la première fois ce genre d’examen se faisait sans anesthésie générale et je frémis encore à revoir s’approcher et entrer en moi les tuyaux exploratoires. L’anesthésie générale est donc bienvenue même si on ne peut s’empêcher de la craindre.
Ce qui est curieux c’est la façon dont ce genre de moments et les émotions qui leur sont associées s’impriment en nous au-delà des mots. Le moment revient tel qu’en lui-même. Pendant notre séjour dans le midi j’étais occupé d’autre chose et n’y pensais guère mais là maintenant que je suis à l’approche, que j’ai commencé le régime drastique qui doit précéder l’examen, que j’ai acheté les sachets de l’immonde produit qu’il va me falloir ingurgiter par litres pour me nettoyer (quasiment le supplice de l’entonnoir, bon, bon, j’exagère un peu !) me reviennent exactement les mêmes sensations que la fois précédente, la même impression de journées entre parenthèse où l’on fait ce que l’on a à faire mais avec, comme en surplomb, cette ombre du moment à venir et de ce qui pourrait éventuellement en résulter, le même cortège d’imaginations maléfiques et de projections qui se nourrissent les uns des autres et dont il est difficile de se détourner.
Difficile de croire que c’était il y a cinq ans tant le moment revient avec force, comme si c’était d’hier. Et pourtant il en est bien ainsi. C’est la multiplication de ces bouts de passé cristallisés, à la présence aiguë, sans la sensation d’une épaisseur temporelle qui l’éloignerait de nous, qui donne je crois ce sentiment, apparemment si unanimement partagé, d’accélération du temps à mesure que l’on vieillit. Il s’accélère justement quand on voudrait qu’il ralentisse. C’est mal fichu ça dans la bête humaine ! Et là, n’étant pas à un paradoxe près, j’ai bien hâte d’en être à demain après-midi !

Pour parler d’autre chose j’ai vu vendredi soir « Like someone in love ». J’ai beaucoup aimé. J’aime inégalement Kiarostami. J’avais adoré « Où est la maison de mon ami ?», c’était ma découverte de ce grand cinéaste, m’était un peu trop ennuyé avec « Le goût de la cerise » ou « Le vent nous emportera », j’avais finalement beaucoup aimé « Copie conforme » malgré une première demi heure plus que laborieuse et un dispositif un peu trop sophistiqué. Aucun de ces défauts ici. Le scénario est d’une grande simplicité, la mise en scène et la mise en images, toujours brillante chez Kiarostami, est particulièrement fluide, les dialogues passent bien, les acteurs, sans avoir besoin d’en faire trop, sont remarquables (mention spéciale au vieil homme). C’est un film épuré, dégraissé, sans aucune fioriture qui détournerait de l’essentiel, les rapports des personnages et leur évolution au cours des 24 heures du récit, le vieil homme et sa tendresse mélancolique et impuissante, la jeune femme perdue et triste, les amours possibles et impossibles, fruits du hasard mais aussi profondément marqués par les écarts sociaux et d’âge entre les personnages. Le film me parait à la fois très japonais (les réactions des personnages, une sorte de fatalisme) et très iranien (en quoi, je ne sais pas trop, une impression que je retire de beaucoup de films iraniens vus, au-delà du style spécifique de Kiarostami). Du coup peut-être cela lui confère-t-il une sorte d’universalisme qui rajoute à sa force et que ne peuvent avoir par exemple nos braves comédies dramatiques à la française pas plus que de bons films hollywoodiens.


3 commentaires:

  1. Oh! Oh! Je vois de quoi tu parles o;) l'immonde produit, en effet! Bernard (mon Bernard) m'a fait quelques dessins pour m'encourager quand je l'ai passé, en janvier ! J'avais un entonnoir, en effet o;) (sur les dessins, s'entend!) Avec l'anesthésie, ça passe tout seul o;) et l'anesthésie, c'est très gai, perso, j'adore ça, et l'avantage là, c'est que le réveil n'est pas du tout douloureux. Ah! Si je pouvais dormir! Dormir sans mourir, là est le paradoxe... Dormir à volonté! Du 1er novembre au 20 mars par exemple. Ou jusqu'à Pâques. Mais bon, c'est pas possible, alors, continuons !

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  2. j'ai eu aussi l'immonde produit à ingurgiter !
    ceci étant, je préfère ingurgiter des bobines de films, elles passent toutes seules elles :)

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  3. Ah ! l'effroyable solitude devant la maladie.

    D'accord avec vous concernant Kiarostami. Il y a, au début du film, une séance d'une dizaine de minutes durant laquelle Tokyo est filmé à travers les vitres d'un taxi. C'est d'une beauté à couper le souffle et c'est un grand moment de cinéma.

    Carmilla

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