Nous voici maintenant dans
le vif du sujet concernant notre déménagement. Nous avons choisi l’entreprise,
nous avons fixé la date (9 novembre, c’est tout bientôt !), nous avons été
chercher les cartons et avons commencé à nous y mettre pour de bon. Il ne
s’agit plus de disserter sur ce qu’on prend et sur ce dont on se débarrasse, de
procéder à des allègements homéopathiques et longuement balancés comme je l’avais fait en septembre, en relisant des bouquins au passage ! Il s’agit
de se décider, de tasser dans les cartons, de les fermer et de les empiler. Il
y a déjà dans notre bureau un mur de cartons qui monte presque jusqu’au
plafond !
J’essaie de réduire mais
j’ai beaucoup de mal. Sur la partie de ma bibliothèque que j’ai déjà traitée,
je ne suis guère parvenu à éliminer plus de 10% des bouquins. Ma position c’est
plutôt, dans le doute, de prendre. Mais parfois le carton fermé je me
morigène : mais de quoi donc me suis-je encore encombré ? Ce travail
a un petit côté mortifère. Des pans entiers de vie close s’invitent dont on
sait qu’on ne les ranimera pas en en accumulant les traces sur nos murs et nos
étagères. Je sais bien que l’accumulation des choses n’est qu’une dérisoire
façon de s’imaginer qu’on retient le temps. Tout ça a un petit côté
« Comment j’ai vidé la maison de mes parents ? » sauf que c’est
la notre. Une avance en quelque sorte !
Je garde sans hésiter les
livres qui présentent un intérêt esthétique et ceux qui sont marqués
affectivement, soit par l’émotion ressentie à les lire, soit par le souvenir de
celui-celle qui me les a offerts. Je n’hésite guère non plus pour des documents
un peu rares qui sont témoignages d’époque. Ainsi ai-je gardé sans hésiter les
collections de journaux militants des années post 68, comme les bulletins
intérieurs de l’organisation dans laquelle je m’étais investi. C’est comme un petit
fonds d’archives. En plus il n’est pas exclu que je me replonge dedans car,
parmi mes possibles projets d’écriture, il y en a un dans lequel je voudrais
revisiter ce temps-là. Mais que faire de cette masse de livres qui n’ont
d’intérêt, s’ils en ont, que par un contenu qu’on pourrait sans peine trouver
par ailleurs, livres politiques, essais datés, romans qui ne sont pas
spécialement marquants, pourquoi est-il néanmoins si difficile de s’en
défaire ? Pendant une heure je suis plus débarrasseur, l’heure d’après je
le suis moins, pour l’être plus à nouveau ensuite. Mon tri est une constante
valse hésitation avec sa part d’arbitraire que je ressens presque comme une potentielle
injustice : pourquoi celui-ci finalement emballé tandis que celui-là est
donné voire dirigé directement vers la poubelle ? Mais c’est comme ça. Il
me faut avancer sans me poser trop de questions mais il n’empêche, ces
constants balancements ne sont pas bien agréables à vivre.
Bon il y a quelques belles
surprises tout de même, lorsqu’on ravive des souvenirs en remettant la main sur
des documents dont on ne savait même plus qu’on les avait. Ainsi avec cette
série de photos de ma mère que je croyais perdues. Ainsi aussi avec cette autre
photo dont, d’abord, je ne parvenais pas à voir où elle avait été prise. Je m’y
reconnaissais, en mon temps de plus spectaculaire hirsutisme, au milieu d’un
groupe dans un jardin. Puis j’y ai reconnu la cour arborée d’un collège où j’ai
commencé ma vie professionnelle, sans doute était-ce à la fin de juin, après le
repas de fin d’année, certains des visages qu’alors je scrute s’animent de
souvenirs revenus, des noms, dont j’ignorais que je les connaissais encore, remontent
sans hésitation entre mes lèvres…