Dans mes lectures j’alterne
toujours livres au long cours et « petits » livres.
Parmi les premiers j’ai en
ce moment deux ouvrages La Nouvelle
Héloïse de Rousseau et Madame de
Warens, une biographie très détaillée par Anne Noschis de celle qui fut la
bienfaitrice et l’initiatrice du jeune
Jean-Jacques à son arrivée à Annecy, bouquin sur lequel d’ailleurs je me
prépare à écrire un article pour la prochaine livraison de La Faute à Rousseau.
J’entrelarde, si j’ose dire,
ces lectures avec quelques petits ouvrages plus vite lus, un récit de Jean
Louis Etienne, Le Pôle intérieur que
j’aborde seulement, et Mémoires d’outre
mère de Guy Bedos que je viens de terminer.
Et bien, à ma grande
déception car j’apprécie plutôt le personnage, son parcours et ses engagements
c’est un tout petit livre, j’ajoute volontairement la nuance dépréciative, car il
y a évidemment nombre de bons, voire de grands, « petits livres ».
Il y a le fond. Au-delà des
récriminations et des règlements de compte, certes compréhensibles, à l’égard
d’une mère peu aimante c’est le moins qu’on puisse dire, on aurait souhaité une
tentative pour élucider cette femme, non pour excuser mais simplement pour tenter
de comprendre. De même il aurait été intéressant d’en dire un peu plus sur le milieu
social dans lequel il vivait, les tensions et contradictions qui le traversaient.
Mais, au-delà, ce qui me
choque le plus c’est la pauvreté de l’écriture et de la construction. Non par
incapacité naturellement mais simplement parce que c’est un livre dont on sent
qu’il a dû être écrit à la va-vite. Phrases ultra courtes, quand il ne s’agit
pas seulement d’un mot ponctué d’un point, passage du présent où il écrit à
l’évocation du passé de façon mal maîtrisée, digressions sans nécessité, redondances,
bref un livre écrit comme il est venu sans être retravaillé. Bien sûr il y a un
intérêt à l’écriture flux, comme volonté de saisir un surgissement de
conscience, voire d’accélérer ce surgissement (l’ami Alain, organisateur des Marathons
d’écriture, ne me contredira pas) mais, sauf exception, ce qui en est produit,
n’a pas lieu d’être publié, même si ce peut être un précieux matériau à
réutiliser. De même, je peux apprécier des styles atypiques, dont les phrases
ne respectent pas une construction classique, mais encore faut-il qu’il
s’agisse d’un style, choisi et réfléchi par l’auteur, ayant sa nécessité. Rien
de tout cela ici, ni le flux de conscience, ni le style, juste un alignement à
la va-vite. Je crois pour ma part au travail de l’écriture. Même pour mon
simple et modeste blog, j’éprouve le besoin, après l’écriture, de relire, de
corriger, de reprendre, ce que j’appelle le peaufinage. Jamais je n’écris
directement en ligne et le plus souvent je laisse reposer le texte au moins
quelques heures avant cette relecture et ce peaufinage et avant la mise en
ligne.
On trouvera peut-être mon
jugement un peu dur car il y a néanmoins des éléments intéressants dans le
livre de Bedos. Mais c’est un jugement à hauteur de ma déception. Je suis très
agacé de constater que parfois, lorsqu’on a un nom qui permet de publier sans
difficulté, on publie sans se soucier de travailler à fond ce que l’on a écrit.
Il y a là un manque de respect du lecteur (et au fond de soi-même). Et je
trouve cela d’autant plus dommage en l’occurrence qu’il y avait à partir de
cette histoire d’enfance de quoi faire un beau et profond récit.
Tu indiques bien ce qu'est l'écriture flux que je propose dans les marathons d'écriture.
RépondreSupprimerMais cela ne peut pas donner lieu à publication comme tel. Lorsque j'ai publié mon modeste petit livre, il a beaucoup été travaillé au préalable.
Bedos, vend sur son nom. (Comme tu le dis). à mes yeux il fait partie de ces saltimbanques qui vieillissent mal… Trop écorché sans doute. Dans certaines interviews de ces derniers temps, il se présente comme un vieux aigri et revenu de tout… Dans le style « de mon temps c'était mieux »…
L'humoriste n'a pas forcément le talent d'un écrivain.
Il ne me semble d'ailleurs pas qu'il ait écrit lui-même ses meilleurs sketches. il est plus interprète qu'auteur.
Le manque de respect du lecteur que tu évoques, s'applique aussi à l'éditeur lorsqu'il accepte du n'importe quoi, quant à la qualité…
Je me fais un peu l’avocate du diable... mais c’est peut-être tout simplement que ce livre est un exutoire... et qu’il n’avait pas envie de le « reprendre » parce que pas l’envie de se replonger dans quelque chose qu’il n’avait que le besoin de sortir de lui.
RépondreSupprimerIl est vrai qu’il aurait pu ne pas le publier dans ce cas... mais ça faisait peut-être partie de la fonction d’exutoire.
Bon je dis ça... sans rien savoir ! :-)
Tout à fait d'accord avec toi sur tout ça, Alain.
RépondreSupprimerExutoire oui peut-être, Korrigane, mais en effet alors inutile de publier. Et je pense que pour lui-même la puissance de l'exutoire et l'effet bénéfique de l'écriture aurait été plus complet s'il avait été plus profond et s'il avait travaillé ce premier matériau qui lui venait même si pour cela il fallait se replonger encore un peu plus dans tout ça.