Je suis installé sur la
terrasse, face au jardin. J’ai terminé mon petit déjeuner, D. inspecte et
arrose les quelques plantations nouvelles faites depuis notre arrivée avant
d’aller prendre sa douche matinale, nos visiteuses du moment dorment encore. Il
fait frais, quelques nuages circulent dans le ciel, ça sent bon la verdure, il
y a quantité d’oiseaux qui chantent (je ne connais pas leur chant
malheureusement, je ne reconnais que le sifflement des merles et les
roucoulades des colombes). Le soleil vient d’apparaître au dessus des toits des
maisons proches et des murs du jardin, ses rayons, très doux encore, et qui
passent au travers des ramures du grand cèdre, zèbrent la terrasse à mes pieds de
taches de lumière. Huit heures viennent de sonner au beffroi sur la place. Je
savoure le moment…
Après quelques
pérégrinations entre le Massif du Mont-Blanc et la région toulousaine, nous
sommes depuis quelques jours dans notre maison revèloise et comme à chaque fois
je suis surpris de la façon dont d’emblée je m’y sens bien.
Bien sûr il a les qualités
intrinsèques de la maison, sa situation au cœur du bourg, un côté donnant sur
la place centrale et son animation, l’autre sur le jardin, îlot de verdure
entre ses hauts murs, il y la taille des pièces, la hauteur des plafonds qui
donnent l’impression qu’ici au moins on respire , il y la lumière qui entre à
plein flots dans les chambres le matin, dans le séjour et le bureau
l’après-midi, ou bien au contraire la pénombre fraîche facile à maintenir
derrière les contrevents fermés pendant les journées chaudes, il y a tout
bêtement cette salle de bain donnant sur le jardin : je trouve ça
tellement agréable de faire sa toilette, devant une fenêtre ouverte, en sentant
sur soi l’air du dehors, en regardant les arbres et le ciel, dans le jour qui
monte ou face à la nuit, c’est tellement en contraste avec les ablutions purement fonctionnelles dans mon cagibi parisien aveugle dont je touche le
plafond quand je lève le bras !
Mais au-delà, plus
profondément, au-delà de la maison elle-même il y a ce sentiment d’être ici,
dans cette petite ville, dans cette région, vraiment « à ma place »,
dans « mon lieu ». A quoi cela tient-il ?
Ce n’est pas ici pour moi un
lieu d’enfance, qui serait saturé de souvenirs, de parentèles et d’amitiés
anciennes. Mes grands parents ont acquis cette maison au moment de leur
retraite au milieu des années 70, j’étais déjà adulte et je n’ai passé là que
quelques séjours de vacances. Je n’ai guère vécu dans la région, sauf mes
toutes premières années dont je n’ai pas beaucoup de souvenirs, dès 6 ans j’ai
été parisien et le suis resté toute ma vie, à l’exception de quelques années
lyonnaises et d’une année toulousaine lorsque j’étais étudiant. Je n’ai pas la mystique
des racines et pense me définir plus par ce que j’ai fait (ou pas) de ma vie que par ce
qui me viendrait des générations précédentes mais pourtant je ne peux écarter,
devant ces impressions d’accord profond avec ce lieu, le travail secret en moi
de quelques mystérieux atavismes.
La table du petit déjeuner, là où j'ai écrit ce matin, mais plus tard, soleil plus haut, vers 10h, en attendant la dernière des convives...
Ce sentiment d'être à sa place, en quelque sorte « sur ses terres » n'est pas forcément lié à l'enfance ou au lieu de naissance. Peut-être, si on remontait les générations, trouverait-on quelques indications, et encore, ce n'est pas sûr…
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai un attachement fort à ma terre du Nord, mais le sentiment que tu évoques je le ressens à un autre endroit lorsque je m'y rends. Phénomène curieux, où je ressens une plénitude d'existence.
Si tu es appelé à y vivre, tu as de la chance !
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Par ailleurs, je voudrais souligner que je ressens comme une évolution dans ton écriture. Quelque chose de plus « approfondi » ( Je mets des guillemets, parce que ton écriture n'a jamais été superficielle !…), Une sorte de maturité qui s'en vient. peut-être parce que tu n'as plus d'engagement professionnel et que tu vis plus en liberté ? À moins que ce soit un effet de « tes terres » ?
en tout cas c'est un plaisir renouvelé de te lire.
Merci, cher Alain, de ce commentaire bienveillant.
RépondreSupprimerMais tout de même il me semble un peu trop optimiste dans ta seconde partie. il est vrai que je vis positivement la liberté lié à la fin des obligations professionnelles, comme la perspective de mon installation ici mais néanmoins je me sens toujours perclus de doutes et d'interrogations, loin d'une maturité véritable et de la sagesse qui irait avec. Mais peut-être mes derniers billets, plus que d'autres, en donnent-ils l'illusion.
Si la maturité et la sagesse était de ne plus avoir de doutes et d'interrogations…
RépondreSupprimerJe pense que ça se saurait !
:-))