J’ai été voir hier l’exposition
sur la Sainte-Anne de Léonard de Vinci au Louvre.
Je vois pas mal d’expos,
comme je vois pas mal de films. Au point de me dire parfois que je suis un peu
trop dans la consommation culturelle. Maintenant que je dispose de plus de
temps, presqu’à chaque jour son activité. Je feuillette mon officiel, note ce
qu’il y à voir, calcule quand je vais y aller. Ce que je vois me plaît plus ou
moins forcément mais j’y trouve à chaque fois de l’intérêt, j’y ai chaque fois
du plaisir. Mais pas forcément de l’émotion. Pas forcément cette impression que
quelque chose vibre au profond de soi, une évidence de beauté, qui saisit
véritablement, emporte, fait qu’on n’est plus simplement un regard extérieur et
distant mais qu’on est soi-même porté par cette beauté.
A quoi cela tient-il ?
Évidemment à la beauté
intrinsèque de l’œuvre en premier lieu. On connaissait cette Sainte-Anne bien
sûr mais la restauration dont elle vient de bénéficier la magnifie
somptueusement, faisant ressortir la force de la composition, la précision des
modelés, l’infinie tendresse et douceur mais aussi l’impalpable mélancolie qui
se dégage des attitudes et des regards des personnages, la beauté des coloris
qui parviennent à être, c’est ce qui est quasi magique, à la fois
extraordinairement éclatants et d’une très grande douceur. Il est certain qu’il
n’y a pas photo (si j’ose dire) quand on compare avec les diverses autres
versions ou copies par les ateliers ou collaborateur, aussi belles et talentueuses
soient-elles.
Mais le choc est favorisé
aussi je crois par le parcours de l’exposition. Toutes les pièces que l’on voit
avant, autres œuvres sur la thématique de la Sainte-Anne trinitaire, documents
préparatoires, textes, dessins, versions de collaborateurs, constituent comme
une sorte de parcours initiatique qui mettent en condition, accroissent notre
réceptivité, nous mettent dans la disposition d’esprit la meilleure pour
recevoir le chef d’œuvre lui-même. Et les œuvres présentées ensuite qui montrent
l’influence du tableau et dont la plupart sont également magnifiques contribuent
à ce que l’on reste dans une forme d’enchantement, permettant de revenir
ensuite vers le tableau de Vinci avec un regard encore enrichi par ces autres
œuvres.
Et puis peut-être est-ce
aussi une affaire de jour avec. Il y a des moments où l’on est à priori
disponible, d’autres beaucoup moins, où le mental, quoiqu’on voie, quoiqu’on
fasse reste encombré d’éléments parasites.
Disons qu’hier il y avait
une belle conjonction de la beauté intrinsèque et de l’état du récepteur !
Ce n’est pas si fréquent. Un
moment à marquer d’une pierre blanche !
Sainte-Anne restaurée, photo RMN |
Pour moi, l'intérêt de la sortie c'est, parce que je ressens les mêmes choses, l'idée d'un moment exceptionnel, se dire : "tu as le temps, l'occasion, la volonté, de t'ouvrir au monde, à l'art, aux autres, passés ou présent ; tu vas le faire et après, tu pourras partager ce que tu auras fait, ce moment là, c'est une grâce. C'est ainsi que je le ressens et c'est pour cela que je suis si heureuse de pouvoir gérer mon temps comme je le décide (pour le moment du moins)
RépondreSupprimerTu fais là une magnifique chronique sur un tableau bien connu
RépondreSupprimerDu coup je le regarde avec d'autres yeux, des yeux "nouveaux"
Merci Bernard
Je me souviens, c'était en 1968 ... le cartoon de sainte Anne à la National Gallery. Là, dans la pénombre, je suis restée longtemps, très longtemps, une première émotion esthétique très proche d'une expérience spirituelle. Je crois n'avoir jamais ressenti d'émotion aussi forte et aussi longue devant un tableau.
RépondreSupprimerTe voilà de retour ! Super !
RépondreSupprimerTu manquais à la blogosphère où les sites à « contenu » ne sont pas légions…
longue vie à ce nouveau blog !
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Je n'ai pas vu ce tableau restauré, mais j'ai ressenti un certain « choc esthétique » en regardant le reportage sur Arte qui était consacré à l'oeuvre et à sa restauration.
Parfois on entre comme ça dans une sorte d'infiniment précieux, dans cette étrange relation entre un chef-d'oeuvre et son auteur disparu d'un côté, et nous-mêmes d'autre part, bénéficiaires de tout un cheminement de l'artiste auquel s'ajoute ici l'humble travail du restaurateur.
Encore faut-il que nous soyons ouverts…
Et là, il y a tout ton talent et ta sensibilité que tu nous partages…
Merci.
RépondreSupprimerEt je vois, spécialement du commentaire de Nicole et de celui d'Alain, qu'il y a décidément quelquechose de spécial à cette œuvre, qui emporte au-delà de l'habituel, que pour une fois le qualificatif de chef d’œuvre n'est pas galvaudé.