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lundi 6 août 2012

Liseuse


J’expérimente depuis le printemps une liseuse, la Kobo de la Fnac. J’y ai lu une dizaine de textes et commence à avoir maintenant un peu de recul sur son usage. 

Mon impression est, disons, mitigée.
Même en me cantonnant à l’aspect pratique et en faisant abstraction du plaisir spécifique lié à l’objet livre lui-même, je suis assez réservé et plutôt déçu.

Le point positif incontestable c’est la capacité phénoménale de stockage de ces petits rectangles légers et maniables. C’est très précieux en déplacement. C’est aussi à terme la perspective de pouvoir dégonfler nos bibliothèques trop chargées d’une partie des volumes qui les encombrent et qui souvent nous écrasent, de ne conserver à terme que les livres qui portent avec eux autre chose que le texte, belles éditions, livres ayant une histoire, livres chargés d’affects particuliers vis-à-vis de nous, souvenir d’une première lecture ou souvenir d’une personne. Je suis également agréablement surpris par le confort de lecture, du moins pour ce qui d’une lecture linéaire classique. L’écran ne fatigue pas les yeux, (rien à voir sur ce plan avec un écran d’ordinateur), le passage d’une page à l’autre est fluide, la légèreté, la maniabilité sont très agréables, par exemple le soir au lit, où des volumes trop lourds ou écrits trop petits sont souvent inconfortables.
Mais à part ça il y a beaucoup d’éléments vantés par les publicitaires qui sont très décevants. La circulation à l’intérieur de l’œuvre quand il ne s’agit pas seulement de passer à la page d’après, reste moins pratique que le feuilletage des pages d’un livre. Surtout les fonctions d’annotation ou le recueil de citations qui me paraissaient devoir être un avantage décisif se révèlent, du moins avec les outils actuels ou, en tout cas, pour le modèle que j’ai choisi, bien difficile à mettre en œuvre. Il reste plus pratique et plus rapide pour moi de noter des choses à la volée sur mon petit cahier que d’opérer des sélections ou de saisir des textes avec des outils qui restent peu maniables. A côté de ça il y a toute sorte de gadgets inutiles sans compter la désagréable impression d’être conduit par la machine elle-même vers un univers marchand donné (celui de la Fnac pour le Kobo, celui d’Amazon pour le Kindle par exemple).

Pour l’instant la plupart de mes achats, très variés, ont été faits sur Publie.net. J’ai acheté quelques textes mineurs (et d’intérêt limité) d’auteurs classiques (d’Henri James, de Jane Austen) et quelques livres plus récents mais épuisés et réédités en Epub. Une seule bonne surprise : Mai 69 de Daniel Morvan, une découverte pour moi, un beau texte à la fois poétique, puissant et évocateur. J’ai aussi acheté quelques textes d’auteurs surgis avec le numérique et dont j’ai pu croiser déjà des œuvres ou des blogs sur le net. J’ai bien apprécié les parties de son journal que Philippe De Jonchkeere a édité en Epub sous le titre de Désordre, un journal, c’est agréable de remettre un peu d’ordre dans le désordre, de trouver dans une suite chronologique de belles pages intéressantes ou émouvantes et par là de saisir mieux une personnalité attachante et riche. Mais grande déception pour d’autres textes vantés ici où là, par exemple le Door County de Dominique Falkner ou le Saphir Antalgos de Cécile Portier, des textes qui ne m’ont pas accroché, je n’y ai vu que des écritures prétentieuses, faussement poétiques. Quant aux deux œuvres censées être conçues pour le numérique, censées jouer de l’intertexualité ou du recours au multimédia, ma déception est complète. Ah d’Emma Reed, vanté dans Le Monde des Livres comme un texte mutant, permettant une navigation aléatoire, m’a paru totalement sans intérêt, faussement érotique et prétentieux lui aussi. L’intertextualité m’a paru gratuite, ramenant d’un texte à un autre sans qu’aucune histoire ne s’y construise véritablement (contrairement à ce que parvenait à faire certains romans « dont vous êtes le héros » d’avant le numérique). Quant à La corde à linge de J.J. Birgé, c’est encore pire, je n’y accède même pas, l’Epub fait planter le Kobo, dès que je clique sur « la mosaïque du périple » ou sur un chapitre quelconque dans la table des matières, mon écran clignote et je me retrouve sur la page d’accueil de la liseuse ! D’où vient le bug ?

Je n’ai aucune prévention contre les nouvelles technologies, j’ai même un à priori de sympathie pour ces nouveaux outils, je sais qu’ils sont incontournables et qu’ils contribueront forcément à créer de nouveaux usages de lecture et de nouvelles formes littéraires. Force est de constater qu’on est seulement à l’aube de la transition.
Parfois je me dis que j’utilise mal l’outil. Mes plongées dans Le Tiers livre de François Bon qui consacre de nombreux articles aux subtilités de la lecture numérique et des différentes machines, ne m’aident pas vraiment. Trop pointu pour moi et plutôt décourageant ! Alors je m’immerge dans tout ça doucettement, sans trop forcer, j’ai de toute façon tant de livres dans mes Piles à Lire que je ne risque pas la pénurie, je m’initie à mon rythme et j’attends aussi les améliorations techniques qui viendront forcément et qui permettront une plus grande convivialité des usages.

11 commentaires:

  1. Moi, j'ai surtout remarqué qu'avec une liseuse, on lisait beaucoup plus lentement parce qu'on est obligés de lire ligne à ligne et qu'on ne peut pas photographier mentalement, en instantané, une page.

    En plus, on se souvient moins bien de ce qu'on a lu parce qu'on n'a plus les repères de l'emplacement d'une phrase au sein d'un livre.

    Donc on lit moins et, en plus, on oublie. Très peu pour moi.

    Carmilla

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    1. Je n'ai pas eu l'occasion d'essayer, mais je me dis que c'est ce qui pourrait me gêner : ne plus pouvoir se repérer à l'épaisseur parcourue pour retrouver un passage, à la mémoire, sans nécessairement avoir pris de notes - ne serait-ce que parce qu'on ne sait pas à l'avance sur quel point du texte un passage suivant nous donnera plus tard envie de retourner -.

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  2. Je n'ai jamais lu sur une liseuse: on me le conseille pourtant avec mes problèmes de vue
    Mais j'ai trop besoin du contact avec l'objet livre, l'odeur de son papier quand il est neuf, la liberté de le feuilleter selon sa fantaisie
    Donc aucune envie d'essayer
    Bonne journée...

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  3. J'ai opté pour la Kindle ! Un must selon moi !
    Je suis très satisfait..... La navigation est très simple et fiable.
    Et surtout je peux partir en vacances avec ce petit truc... et des centaines de livres....
    Me suis amusé à télécharger pas mal de trucs "gratos "du domaine public". des bouquins qu'on ne trouve plus dans le commerce....
    Comme je n'ai pas la "névrose du beau livre qui sent bon le papier et l'encre qui pollue les doigts....", sans compter la gabegie de papier que ça représente sur la planète... ces milliards de tonnes de papier au pilon chaque année dans le monde !!, je suis résolument pour la lecture numérique...

    Le livre papier demeure utile pour les livres que l'on veut "étudier", genre "essais", mais toute la littérature qu'on lit d'un jet et qu'on range définitivement dans la biblio poussièreuse, la lisseuse est meilleure....

    De toutes façons tous les éditeurs y viendront.... on n'arrête pas le sens de l'histoire....
    Je pense aux appareils photos numériques que les puristes de l'argentique vouaient aux gémonies !! Ils y sont tous passé !!! Parce que les progrès ont été ENORMES !
    Il en sera de même pour les liseuses....
    Nous avons actuellement des liseuses dignes des PC des années 80 !!!
    Mais ça évoluera très vite je pense.... (notamment les fonctions recherche...)

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  4. @ Carmilla

    Curieux ce que tu dis sur la rapidité de lecture....
    J'ai plutôt l'expérience inverse...
    Je lis plus vite sur la lisseuse que la page papier...

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  5. Ton analyse arrive à pic, parce que le poids de mon sac de voyage m'a justement donné envie de passer à la liseuse...
    L'aspect "annotations" me paraît très important à prendre en compte, mais aussi en sens inverse, le confort de lecture supérieur à celui d'un écran de PC.
    A voir..

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  6. Passage éclair aujourd'hui en mode connecté.
    Lecture de mes mails et de vos com intéressants.
    Pas même la disponibilité de poster mes quelques billets écrits ici.
    J'y reviendrai plus tranquillement avec une connexion plus adaptée.
    A plus tard.

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  7. J'aime bien votre débat, j'aimerais bien avoir une liseuse, ce doit être assez agréable, mais bon, pas encore les moyens. Toutefois, pour ce qui est des anciennes et des nouvelles technologies, attention! Avec le CD, on a prédit la mort du vinyle, ok, les 33 tours ont disparu tout un temps, et puis, tout d'un coup, depuis deux ou trois ans (peut-être plus), c'est devenu un objet de collection ... Bon, ce ne sera sans doute pas le cas des livres, même les Petits Riens font la grimace quand on leur amène des bouquins, alors, (...) Mais c'est vrai qu'il doit falloir changer ses habitudes de lecture (recherche, feuilletage, etc.) Bon, ce doit être faisable, non ? On s'est bien tous mis à l'informatique ...

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  8. Bonjour, pour le moment, je ne veux pas m'acheter de liseuse et ton billet me conforte dans cette décision. Le seul avantage que j'y vois pour le moment, c'est le confort de lecture et en particulier, l'augmentation de la police de caractère pour la bigleuse que je suis. Sinon, j'aime trop l'objet livre pour m'en passer. Bonne journée.

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  9. j'ai eu l'occasion de voir une liseuse, j'ai été agréablement surprise par son aspect : lecture très agréable
    je n'en ai pas encore mais j'y pense, surtout pour accéder à tout ce qui est gros volume, dictionnaire, ecyclopédie etc...car j'adore cela, pour les romans, je ne sais pas..j'aime bien corner les pages à revoir :)

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  10. Me voici de retour et reconnecté, je viens relire tranquillement vos com.
    Comme Alain je pense qu'en effet on en est au tout début et que l'outil encore très imparfait sera amélioré, pour répondre à ce qu'il dit pouvoir offrir et qui déçoit encore pour l'instant (fonctions de notes et d recherche).
    Moi aussi je crois que je lis au moins aussi vite sur la liseuse que sur un livre, par contre peut-être que ça "imprime" moins, qu'on se souvient moins, je n'y avais pas vraiment pensé mais il me semble que là dessus la remarque de Carmilla touche juste.
    Quant à l'idée de remplacer le livre, bien sûr que non, Dasola ou Coumarine, pas plus que vous je n'ai envie de m'en passer, je vois dans le liseuse un complément, la possibilité du remplacement de certains livres et la possibilité d'apprécier peut-être encore plus ceux que l'on gardera en forme papier.
    Gilda, pas de liseuse, ah là tu me surprends, je te vois comme une aventurière littérairo-technophile à peu près aussi défricheuse de nouveaux outils qu'un François Bon (sourire)!

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