Notre séjour s’achève.
Demain retour à Paris. Aujourd'hui une belle journée semble s’annoncer, fraîche
et lumineuse, ciel nettoyé après deux journées secouées par le vent et les
averses violentes. J’écris un peu pendant que D. se prépare, puis balade à vélo
au menu et cet après-midi dernière marche sur la plage et dernière baignade
océane.
Je ne me suis pas toujours
senti bien pendant ce séjour sans trop savoir pourquoi. Trop fréquemment un
manque d’appétit à tout, un émoussement général de ma capacité d’enthousiasme.
Il me fallait me secouer pour décider quoi faire de ma journée, choisir une
activité ou une destination de promenade. Jamais les choses ne s’imposaient
d’elle-même, dans la simplicité, dans la légèreté. Et je partais sans joie,
sans conviction, comme blasé. Et il n’y a rien que je déteste plus que les gens
blasés face à la beauté du monde !
J’ai eu l’impression d’être
arrivé a quelquechose qui serait comme l’épuisement du lieu. On a passé ici le
stade des découvertes. J’aime retrouver des lieux que j’ai connu, reparcourir
des chemins, mais peut-être ici sommes nous venus trop souvent, trop
régulièrement. Il faut harmonieusement mêler temps de ressourcement et
d’imprégnation dans les lieux qui nous sont chers et temps d’exploration et de
découverte d’autres qui nous sont inconnus.
La gêne physique a sans
doute aussi eu sa part dans ce manque de tonus : le dos douloureux, une
persistante raideur des membres et des articulations n’ont cessé de se rappeler
à moi, les choses se sont peu à peu améliorée mais sans que je retrouve la
souplesse et le délié tout à fait normal de mes gestes.
Et puis peut-être que les
préoccupations liées à mon futur basculement vers la province ont joué
aussi : j’ai l’impression d’avoir mille choses à faire à Paris pour
préparer ce départ et du coup de me sentir ici comme en suspension.
Le manque d’énergie s’est
appliqué à tout. Je voulais écrire. Je n’y suis guère parvenu. J’ai eu un mal
fou à me mettre aux articles que je devais envoyer pour le prochain numéro de
La Faute à Rousseau. Madame de Warens m’a spécialement donné du fil à retordre.
Puis, quand j’ai été lancé, comme souvent c’est venu plus facilement et j’ai
écrit très vite dans la foulée mes deux autres articles. Mais pourquoi cette
difficulté à démarrer ? J’ai écrit quelques textes plus personnels aussi,
autres que ces quelques pages de recension vacancière, des textes qui n’ont pas
leur place ici mais je les ai écrit, non dans le plaisir, mais dans les doutes,
les interrogations récurrentes.
La déconnexion forcée m’a
aussi finalement pesée. J’ai été me connecter une ou deux fois dans un café et
sur un trottoir au pied d’une maison amie dont les propriétaires nous ont donné
le code de leur wifi, mais quel inconfort. J’ai juste regardé mes mails, envoyé
deux trois courriers. Je ne me suis pas senti en état de suffisante
disponibilité pour aller sur mon blog ou sur ceux des autres. La déconnexion
totale ça peut être bien lorsqu’on totalement happé par autre chose, voyage
lointain, randonnée itinérante, retraite choisie, mais pas dans une situation
comme celle-ci.
Voilà, c’est mon impression
générale. Bien sûr il y a eu des moments où je me suis senti bien, dans l’harmonie
intérieure et dans le ravissement devant le lieu qui m’entourait. Une fois la
machine lancée, toujours ça allait mieux. Fort heureusement je me laissais
raviver par le simple mouvement de mon pas dans l’air vif, par le plaisir de l’eau
fraîche autour de moi et de la nage revigorante, par la beauté environnante simplement
qui est toujours différente bien sûr, malgré ce que j’ai dit de l’épuisement du
lieu, car la mer, la lumière, la course des nuages ne sont jamais tout à fait
les mêmes. Belles réflexions autour de ça dans le livre de Sylvain Tesson que
je viens d’achever : Dans les forêts de Sibérie qui
mériterait d’ailleurs une note ici que j’écrirais peut-être.
J’en étais là de ce billet. Et
puis, « dring », non les téléphones ne font plus « dring »
mais toujours est-il que c’était des amis séjournant dans la région et qui se
proposait de venir nous voir. Du coup nous les accueillons demain et repoussons
notre départ d’un jour. Beaucoup de choses à faire à Paris certes, mais ce
n’est pas non plus à un jour près, il n’y a rien qui oblige comme c’était le
cas du temps de la vie professionnelle, alors, oui, nous prenons ce temps, nous
allons leur faire découvrir cet endroit où ils ne sont jamais venus, cela donne
une autre dimension aussi de revoir en faisant découvrir, on ravive sa propre émotion
esthétique et son amour d’un lieu à les partager.
Comment ne pas s'ébaudir de cette beauté? (A la pointe de la Torche)
"nous allons leur faire découvrir cet endroit où ils ne sont jamais venus, cela donne une autre dimension aussi de revoir en faisant découvrir, on ravive sa propre émotion esthétique et son amour d’un lieu à les partager."
RépondreSupprimerOui, c'est ça, exactement ça. C'est ce que je ressens en faisant découvrir à d'autres des lieux que j'aime, que je connais comme ma poche, même un peu trop, leur faire découvrir ravive mon intérêt pour le lieu...
Thank yoou for this
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