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lundi 26 mai 2014

Calamité



Je n’écris pas souvent sur la politique et la société sur ce blog.
Après m’y être pendant des années très impliqué puis m’y être intéressé sans m’y impliquer (un regret sans doute) pendant de bien plus nombreuses autres années, j’ai eu tendance, tout en suivant toujours tout ça de près (la lecture du Monde me reste une addiction quotidienne ), à prendre une relative distance, à me laisser aller à la bof attitude, au « puisqu’on ne peut pas grand-chose autant de ne pas se ronger les sangs » de tout ce qu’on perçoit de négatif dans la société et dans l’apparemment inexorable montée des périls écologiques.
Mais là quand même je me sens atterré et j’ai envie de le dire. Cette nuit je me suis réveillé en sursaut à quatre heures du matin et ma première pensée c’était pour ces résultats électoraux, comme un cauchemar.

On savait bien qu’ils seraient mauvais. Quelques signes avaient pu laisser espérer qu’ils le seraient un peu moins (les résultats en retrait des populistes au Pays-Bas déjà connus au moment du vote). De toute façon une UMP et un FN en tête au coude à coude comme attendu ça aurait déjà été assez saumâtre, mais là, 5 points d’écart, c’est carrément calamiteux. Et les pertes du PS ne se compensent pas au Centre, chez les Verts ou au Front de Gauche. Et les signaux inquiétants sont aussi nombreux dans le reste de l’Europe, même si la France à la palme.
On se sent collectivement honteux d’en être arrivé là. On a mal à la France et à l’image qu’elle peut donner à l’extérieur. On croise les gens dans notre quotidien, nos petits commerçants bien sympathiques, les voisins que l’on croise sur la place et avec lesquels on se salue, les gens avec lesquels on fait de la rando et on se dit que parmi eux, forcément, il y en a un bon nombre qui ont dû voter FN à moins qu’il n’ait pas voté du tout et ça rend triste.

Évidemment la responsabilité des politiques est très grande. Sarko d’abord avec sa politique éhontée en faveur des siens, ses magouilles, ses palinodies pour attirer à lui les électeurs du Front, ne réussissant en fait qu’à lui ouvrir des boulevards. Et puis Hollande ensuite. Quelle catastrophe que sa politique. Pas principalement parce qu’il est social-démocrate, voire social-libéral. Mais parce qu’il ne tient pas une ligne. Dès lors que sa conviction profonde était qu’il fallait mener une politique clairement sociale-démocate pourquoi a-t-il tant louvoyé ? Rien de pire que ces atermoiements constants, ces changements de pied continuels. Je repense au début du quinquennat. Il y avait une chance historique. Il y avait la main tendue de Bayrou. Il aurait fallu la prendre. Peut-être alors ne le formulais-je pas comme ça, moi-même encore trop séduit par les promesses « de gauche » du candidat. Mais malgré tout je me souviens d’avoir été choqué que le PS et le Président, toujours fidèle aux logiques idéologiques et d’appareil, n’aient pas été capables de faire la fleur nécessaire à Bayrou, en ne présentant pas un candidat contre lui aux législatives, ce qui aurait pu être le prélude à une certaine recomposition politique, à l’entrée de la France dans une logique de compromis entre forces politiques (ce qui ne veut pas dire compromissions), à l’introduction nécessaire d’une certaine dose de proportionnelle.

J’ai regardé un peu la soirée électorale sur France 2. A l’exception notoire de Bové j’ai été frappé de la lecture essentiellement nationale du scrutin pendant le débat. Cette incapacité générale des politiques et des médias en France à parler vraiment européen contribue aussi à expliquer cette débâcle. Sur Arte plus tard dans la soirée, pilotage franco-germanique oblige, on était dans une toute autre logique et c’était bien plus intéressant. 

Quoi qu’il en soit tout ça sera bien difficile à remonter. Il faut seulement espérer que des voies en seront trouvées après tant et tant d’années perdues.

4 commentaires:

  1. J'éprouve la même sensation de calamité, d'autant qu'ici, en Belgique, nous avons eu nos élections législatives et régionales, en plus. Et un attentat contre le musée Juif de Belgique samedi après-midi (trois morts et un blessé très grave). C'est te dire le climat détestable dans lequel nous sommes. Le résultat, une plus que percée de la NVA (parti extrémiste flamand - encouragé par Marine Le Pen d'ailleurs, sans grand à propos), l'entrée du PTB (parti du travail de Belgique) dans différentes assemblées (c'est un signe!) et un plus ou moins maintien des autres partis, libéral en avant, mais pas tellement, contrairement à ce que j'aurais cru (de toute façon, ils sont copains avec la NVA et ce sont les possibles alter ego pour une majorité), et le recul très net d'Ecolo qui n'a jamais su y faire, sauf dans les maladresses et les mesures impopulaires (scandale du voltaïque, même s'ils ne sont pas les seuls à y être impliqués). Ce que ces élections européennes révèlent, c'est le ras-le-bol d'une partie de la population qui fait évidemment le plus mauvais choix qu'on puisse faire (apparemment, les leçons des années 30 et 40-45, ça n'a pas porté ses fruits!) Pour des personnes comme nous, qui avons baigné dans une culture fortement humaniste (je préfère cela au vilain terme de bobo), c'est une catastrophe, évidemment. Se dire que l'extrême-droite fait plus que relever la tête, cela me fait me dire, mais non, ce n'est pas possible, je fais un cauchemar, je vais me réveiller ! Mais non, ces votes viennent entériner une situation dans laquelle on est déjà, socio-économique catastrophique, car la crise est essentiellement une crise sociale, et qui peut dire ce que l'on va faire avec la population qui est en-deçà ou sur le seuil de la précarité ? Comment va-t-on faire pour assurer une vie décente (du point de vue alimentaire et des soins de santé, du logement aussi) à une population qui n'a plus de boulot et n'en trouvera plus, sauf à pouvoir faire des formations dans des domaines où il y a un manque, ça va de l'aide-familiale aux ingénieurs (mais qui peut faire des études d'ingénieur aussi?) - Bref, En ce qui nous concerne, NVA et libéraux ont un credo, faire des économies sur le dos de l'Etat et de la population, car, on gagne plus d'argent à ponctionner un million de pauvres qu'à faire payer un impôt à une seule grosse fortune. Ne fût-ce que par le biais des impôts indirects. Mais d'ici quelques jours, la vie reprendra son cours, chacun retournera à ses petites affaires, en espérant passer entre les gouttes (comme nos parents, entre les bombes, en 40-45), et je pense à des situations très précises... Evidemment, on me rétorquera que je ne pense pas positif, que je suis négative et pessimiste, et pourtant, d'ici quelques jours, je retournerai sans doute aussi à mes balades dans Bruxelles et à mes petites photos... Et à mes souvenirs aussi, des années 70, et des années 60, où on ne vivait pas trop mal, où l'on dansait aussi, sans savoir combien le sol en-dessous de nous était instable et se mettrait aussi vite (trop vite) à filer...

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  2. Je n'ai pas le courage de réécrire un commentaire, alors je te copie celui que j'ai fait chez Pierre.

    "Je plussoie, Pierre.
    Mais je pense que la plupart des électeurs de le Pen n'ont pas conscience d'avoir voté pour un parti proche des nazis, et ce n'est pas péjoratif, ce que je dis, c'est la simple constatation que l'éducation civique a été réduite à peau de chagrin pendant des années, et que je vois journellement des gens de bonne foi qui tombent des nues quand on leur dit que le Pen lit Mein Kampf. Et qu'il y a un risque certain pour la démocratie.
    Ce sont des gens qui se débattent dans des difficultés dont on n'a même pas idée...
    Sur la blogosphère il y a un certain niveau de réflexion politique, qui nous empêche peut-être de mesurerle désespoir et le désabusement qui est réel chez beaucoup d'électeurs.
    Le peuple français, pourtant, est souvent remarquable dans les grands rendez-vous électoraux.. En 2002, il a donné un coup d'avertisseur en mettant Le Pen au deuxième tour, mais il a su ne pas commettre l'irréparable.
    Il a voté non en 2005 contre l'europe de la finance et de la concurrence" libre et non faussée".
    On lui a volé son vote, et bafoué la démocratie.
    Il s'est tourné vers Sarko en 2008 parce qu'il représentait un espoir, qui a été horriblement déçu
    Il s'est alors tourné vers Hollande en 2012, et bien sûr il a été encore plus horriblement déçu.
    Il est comme une girouette affolée par le vent de l'injustice et de la misère galopantes. la peur savamment entretenue, le chômage, les riches trop riches, les pauvres trop pauvres, les étrangers trop nombreux.
    Ce n'est qu'en *désespoir de cause* qu'il s'est tourné vers l'extrême. Et si Melenchon n'était pas tourné en ridicule et traité comme un bouffon par les médias(complices et responsables de ce qui s'est passé hier soir) il se serait tourné vers Mélenchon.
    Il y a gros à parier qu'il serait également horriblement déçu de le Pen si celui ci arrivait au pouvoir un jour.L'enjeu consiste à essayer de faire comprendre aux gens qu'une dictature ce ne serait pas vraiment la panacée pour résoudre les problèmes... Avant qu'il ne soit trop tard. Et que les dégâts soient irrémédiables
    Bref, wait and see. Parfois, un choc électrique ça fait repartir un coeur qui battait trop faiblement...Espérons que les politiques comprennent le message et arrêtent de se moquer du peuple.Moi, je retourne faire étudier Victor Hugo à mes schtroumpfs.
    Bises"

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  3. Merci pour ces réflexions et notamment sur la situation belge que l'on connait très mal ici, merci Pivoine.
    Oui Célestine, je suis bien d'accord que tout ça repose sur la désespérance sociale et je ne jette pas la pierre sur ceux qui *en désespoir de cause* font ce choix délétère.
    Mais c'est fou et triste d'en être arrivé là.
    Et de ne pas se rebeller plus que ça. Que pourrait-on faire en effet ? N'empêche je repense aux manifs vraiment de masse après le 21 avril, je me souviens y avoir emmené mes garçons, c'était leur première manif, on sentait qu'il fallait y être et on se sentait bien d'y être, rien de tel aujourd'hui...
    Mais bon espérons le choc électrique comme tu dis, faudra bien en sortir, mais pour l'instant on ne voit trop rien venir.

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  4. Comme tu sais, je passe la moitié de mon temps à Avioth, petit village du nord de la Meuse. Avioth a été épargné par la poussée FN (seulement 14 %), mais plein d'autres petites communes rurales, comme dans une grande partie de la France, ont donné des scores effarants au Front National : 36 % à Breux, 39 % à Thonnelle, 57 % à Thonne-le-Thil, 33 % dans la petite ville de Montmédy, il est vrai, avec des abstentions massives. Les thématiques habituelles de l'immigration et de l'insécurité ne suffisent évidemment pas à expliquer ces scores ; il s'agit plutôt d'une vote populiste protestataire, dans les classes populaires, qui se tourne vers la "Nation", perçue comme protectrice, aussi bien socialement que "culturellement".

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