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lundi 30 septembre 2013

Fig, fig et colegram...



Ce pourrait être ma ritournelle tant je nage dans les figues !
Il me semble qu’il n’y avait au fond du jardin qu’un ou deux modestes figuiers du temps de mon grand-père et c’étaient de tous petits arbres. Aujourd'hui il y en a cinq, serrés et entremêlés les uns dans les autres. Trois donnent des figues blanches, un des figues noires et l’un, à ma stupéfaction, à la fois des blanches et des noires. On les avait fait tailler très courts à l’automne 2011 et ils ont repris avec une fougue incroyable. Ils poussent dans un petit passage entre deux murs qui, du fond du jardin, mène à notre garage. On l’appelle pompeusement « l’allée aux figuiers ». L’espace est totalement encombré de leurs branches et de leurs feuilles, il faut se baisser pour passer. On en fera certainement couper un ou deux à l’automne. En attendant la production est incroyable. Je cueille, je cueille mais une partie seulement, les branches les plus hautes ne me sont pas accessibles même avec l’échelle. L’odeur dans ce recoin du jardin est quasi énivrante. C’est une odeur forte de figues (la feuille, le fruit, le fruit tombé en décomposition qui fermente au sol) à laquelle se mêle l’odeur plus discrète de lauriers qui poussent aussi dans ce passage. Depuis trois semaines je fais des cueillettes plus ou moins importantes tous les trois ou quatre jours. D’abord j’essayais de cueillir le maximum, de ne pas en laisser sauf celles qui étaient vraiment inaccessibles. Maintenant je fais ça plus en gros, je ne fais plus de gymnastique inconsidérée pour tenter d’atteindre telle branche et de la courber vers moi. Je suis plus sélectif aussi et laisse les fruits trop avancés. Il y en a tellement qui sont tombées maintenant ou dont le jus a dégouliné sur les branches que je me poisse complètement dans ma cueillette. Je mets le tablier de jardinier de mon grand-père, en épaisse et rêche toile bleue, il se noue par l’arrière et comporte sur le ventre une grande poche kangourou que je remplis de figues à chacune de mes montées à l’échelle. C’est incroyable la solidité de ce tablier. Mon grand-père est mort il y a bientôt vingt-cinq ans, ce tablier est resté au fin fond de la maison pendant toutes ces années où nous sommes très peu venus ici, il n’a pas subi l’attaque de mites contrairement à tant d’autres tissus ou matelas et il y a pour moi quelque chose de très émouvant à m’en ceindre aujourd'hui, je revois mon vieux grand-père dans son tablier bleu, venir vers moi le matin, vers mon fils aîné tout petit garçon, nous faisant admirer les roses cueillies ou les fruits récoltés…

On ne sait bientôt plus quoi faire de ces figues. Elles ne se conservent pas, elles tournent extrêmement vite une fois cueillies, du jour ou lendemain. On en a donné à nos voisins. On a fait des confitures bien sûr. Confitures de figues simples et confitures figues-amandes. On a testé diverses cuissons et concentration en sucre, obtenant ainsi divers états : compote, confiture, pâte de fruit relativement molle qui, dans une pâte sablée, nous a donné des sortes de figolus maison, pâte de fruit compacte mais là, à mon goût, c’est trop collant et trop sucré. J’ai fait quelques pots de chutney aussi pour agrémenter des plats salés cet hiver. D. a fait deux tartes, l’une uniquement de figues et une autre hier, figues posées sur un lit de pommes acidulées, les premières de la saison achetées au marché samedi, encore meilleure que la première. Et puis j’ai essayé quelques préparations sucrées/salées à la figue fraîche : une salade aux blancs de poulet, aux aubergines et aux figues, un magret de canard aux figues rôties avec sauce miel, jus d’orange et vinaigre balsamique, je ne sais lequel était le plus délicieux. Bref nous avons joué aux alchimistes de la figue, en y prenant beaucoup de plaisir, je ne dis pas que ce sera pareil tous les ans mais là c’est encore un peu l’enthousiasme des néos !

Dans mon rapport au jardin j’ai encore des ébahissements de parisien dont s’amuseraient bien, je pense, les gens d’ici. J’ausculte tout ce qui s’y passe et ne cesse de m’étonner. Je suis stupéfait par la puissance de la végétation, la rapidité de son développement, la richesse de sa production, pour les figuiers mais pour d’autres plantes aussi. La glycine, arrachée par le vent d’autan au printemps, réduite à presque rien et raccrochée au mur comme on a pu, a complètement repris et entoure à nouveau harmonieusement le porche ! L’albizzia que l’on croyait perdu s’est couronné au cours du printemps et de l’été d’une profusion de jeunes pousses. On cueille une à une les quelques framboises qui ont mûri sur les pieds que nous avons plantés à l’automne. Je surveille spécialement mes trois pieds de vigne, eux aussi récemment plantés et dont j’ambitionne qu’à terme ils remplacent la vigne vierge qui habille la tonnelle. Un seul pied offre quelques grappes, c’était prévisible, on m’avait dit qu’il y avait peu de chances que ces pieds donnent dès cette année, mais j’ai une déception tout de même car ce raisin n’est pas bon, c’est censé être du muscat mais ça n’y ressemble pas, peau épaisse, peu de parfum, possible que je me sois fait avoir.

Ainsi va notre vie provinciale. Sans regret de notre vie parisienne. C’est simplement autre chose. Les mardis on a repris avec le groupe de rando local, trois heures de marche d’un très bon pas, un peu plus vif que notre pas naturel mais ça stimule. Et on se débrouille aussi pour, sauf exception, ne pas laisser passer un jour sans une balade, à pied ou en vélo, ou encore au lac, tant que l’on peut s’y baigner. On n’éprouve pas plus que ça le besoin d’aller à Toulouse, alors qu’on pensait qu’on y serait souvent fourrés. Quelques films au ciné-club local et quelques autres à la télé. Il y a quinze jours c’était le week-end des journées du patrimoine. On s’est régalé. On a visité des choses modestes, un petit village proche d’ici, certains lieux historiques habituellement inaccessibles, mais toujours dans des groupes restreints, permettant le contact effectif et individualisé avec les personnes qui accueillaient. En plus il y avait sur le même week-end le festival des Arts vagabonds, une quarantaine d’artistes locaux ou régionaux, exposant dans des boutiques et surtout dans des maisons ou jardins privés, ouverts pour l’occasion. Bien sûr il y avait de tout, des choses sans intérêt mais aussi certaines œuvres qui m’ont paru fortes. Ça complétait d’une touche très contemporaine les visites patrimoniales. Là encore, il y avait des visiteurs mais sans excès, permettant des échanges éventuellement un peu approfondis avec l’artiste quand je me sentais attiré par ce qu’il faisait. Une sacrée différence avec les queues ou les entassements parisiens dans de mêmes circonstances. 

A Paris, ou dans les très grandes villes, c’est l’incroyable richesse des offres, la profusion, la multiplicité du choix au risque de la dispersion et du tourbillon, ici tout est plus tranquille, paisible, modeste, resserré, morne, diraient ceux qui ne conçoivent pas la vie sans une part de tourbillon. Il est vrai que quand je vois la place centrale sur laquelle donne notre maison le dimanche ou le lundi après-midi, ou bien les autres jours, dès que tombe le soir, quand toutes les boutiques et même les cafés ont fermé (car les cafés de la place ferment fort tôt, ceux des boulevards restent ouverts un peu plus tard), quand je vois la place donc, plus que calme, déserte, je me demande si un certain mouvement ne va pas finir par me manquer et une pointe d’anxiété peut me saisir alors. Mais ça ne dure pas. De toute façon on verra et j’ai plutôt l’impression que cette échelle plus modeste de taille mais aussi d’énergie, dans laquelle, ici, tout s’inscrit, correspond mieux à l’étape de ma vie où je suis rendu.


3 commentaires:

  1. Quelle belle entrée tu nous as fait là :o)
    Ca sent la figue à plein nez, les vieilles pierres, l'eau du lac, et ça a la douceur d'une vie que l'on ne cesse de contempler, parce qu'on enfin le temps de le faire.
    Et puis elle est tellement belle cette région :o)

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  2. Merci de ton appréciation.
    Je sais que tu l'aimais bien cette région toi aussi. Mais là où tu es maintenant, encore plus proche des Pyrénées, je crois que ça te plait bien à lire les beaux reportages que tu donnes de tes randos. Biz à toi.
    (content de voir que tu peux à nouveau commenter ici).

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  3. Oui, je suis bien ici aussi, plus proche encore des montagnes.
    J'ai changé d'ordi cet été et avec windows 8, ça marche sans problème au niveau des coms :o)

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