Le TGV file vers Paris. J’ai
à peine eu le temps de rentrer chez moi après notre quinzaine bretonne que,
déjà, je repars. J’aime bien les voyages solitaires en train, propices à la
lecture, à l’écriture, à la rêverie. Les paysages défilent ici pour l’heure le
Canal des Deux Mers et les collines de Gascogne, là, plus tard, au moment où je
relis ce texte, le vignoble à l’approche de Bordeaux, tout ça sous un ciel très
pur et dans une belle lumière du soir. Pourtant ce voyage-ci me parait pesant,
trop proche du précédent, le parcours est long, presque six heures pour
rejoindre Paris, sans compter l’heure de car pour aller jusqu’à Toulouse depuis
chez moi. Je réalise que, compte tenu des divers rendez-vous, réunions,
activités que je me suis programmé dans la capitale au cours du trimestre qui vient,
je vais effectuer cet aller et retour quatre fois voire cinq fois d’ici Noël. Et
je me dis que c’est trop, que je suis encore trop entre deux lieux, entre deux
vies, entre deux chaises…
Notre séjour breton ne m’a
pas apporté autant que d’autres fois. A aucun moment cette année je n’ai
ressenti cette sensation, à la fois de sérénité et de plénitude que m’apporte
parfois une simple longue marche au couchant le long de la plage, cette
sensation si apaisante de faire partie d’un grand tout qui nous dépasse que
confère la contemplation de la mer, à la fois de son immutabilité et de son
constant mouvement, celui des vagues, celui des marées. Lorsqu’ils surviennent
ce sont toujours des moments fugaces mais ils laissent une trace qui, elle, en
général, est profonde et assez durable. Ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’on
se ressource, qu’on se recharge, face à la mer. Or cette année il me semble qu’à
aucun moment je n’ai su décrocher de mes petits encombrements d’esprit de tous
ordres, des plus concrets et matériels aux plus existentiels. Pourquoi, je ne
sais pas trop. Des raisons conjoncturelles peut-être. Je ne me suis jamais vraiment
retrouvé avec moi-même cette année, nous avons toujours été avec « du
monde » dans les différentes étapes de notre été, toujours occupé par le
souci des autres (cela a continué en Bretagne ou en plus, vu la taille de notre
lieu, on a un peu souffert de la promiscuité). J’aime ces moments de partage mais
il faut aussi du temps pour soi et là, ils ont singulièrement manqués. (Je ne
sais plus qui me disait, voilà tu deviens un vrai retraité, tu n’as plus un
moment à toi…) Mais au-delà, il y a peut-être aussi des raisons plus profondes,
et elles bien plus inquiétantes, une certaine lassitude, une certaine usure, l’âge
venant, de toutes les capacités, les capacités physiques mais pas seulement,
les capacités aussi d’entrain, d’enthousiasme, et même de sérénité. (c’est
paradoxal, on se dit qu’en vieillissant au moins on devrait accéder plus
facilement à l’acceptation, à la quiétude, à la sérénité : pas si sûr que
ça, au-delà des fariboles que l’on se raconte justement pour essayer de faire
passer la pilule !) Et puis donc aussi peut-être qu’a participé à ce
malaise de l’été (non je ne dirai pas malaise, c’est beaucoup trop fort, disons
plutôt incomplétude) ce sentiment de n’avoir pas encore tout à fait trouvé mes
marques entre l’ici et le là-bas que j’évoquais en commençant ce billet, en
songeant à mes voyages programmés trop nombreux vers la capitale. Oui il y a
encore du rééquilibrage à faire et je vais m’y employer…
Il faut toujours du temps au jeune retraité pour qu'il trouve ses nouvelles marques !… je dirais un an et demi à 2 ans… Au moins…
RépondreSupprimerQuant à la sérénité : j'ai toujours pensé que c'était quelque chose qui se préparait quand on est en activité professionnelle. Quand on a aimé son métier, sa vie active, ses engagements, etc.
je vérifie un peu ça dans mon entourage. Je n'en fais pas une loi absolue, évidemment !
Quand on a beaucoup moins d'activité « obligées » (sauf celles que l'on se met sur le dos… Mais alors il ne faut s'en prendre qu'à soi-même…), Il y a nettement moins de besoins de décompresser dans des vacances qui ne dureront qu'un temps. Cela peut parfois donner le sentiment que l'on ne retrouve pas le grand bien-être de ces instants privilégiés d'antan, de ces parenthèses de la vie active.
En revanche, on peut gagner beaucoup dans une sérénité au quotidien…
Ce qui suppose d'accepter l'inévitable vieillissement… Et d'en faire un atout de vie…
Disons que, bien faiblement et modestement, c'est un peu ce que j'essaie de vivre…
C'est amusant (mais pas tellement surprenant) il se trouve que j'ai pensé à toi, Alain, pendant que je rédigeais cette note. Il y a là des problèmes, des thématiques que tu abordes souvent et vis à vis desquelles tu donnes le sentiment d'avoir, grâce au travail que tu as mené sur toi-même, été capable d'avancer plus que la plupart d'entre nous.
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