Jusqu’à ce jour, je
n’appréciais que très modérément la muséographie du Musée du Quai Branly. J’y
ai aimé bien certaines expositions temporaires mais je sortais toujours déçu de
mes parcours dans les collections permanentes.
Samedi, j’y suis allé pour
parcourir l’exposition Charles Ratton, l’invention des Arts primitifs, brève
exposition mais intéressante et montrant de belles pièces. L’exposition est
assez courte, j’avais du temps, j’en ai profité après pour déambuler dans le musée.
C’était samedi, en milieu d’après-midi. Je craignais qu’il n’y ait du monde.
Mais pas du tout, accès absolument fluide à la billetterie puis au Musée, sans
aucune queue. Je me demande si cette faible fréquentation était un fait du
hasard ou s’il s’agit d’une désaffection plus générale et ce qui alors l’explique.
Toujours est-il que j’ai profité du lieu dans une grande tranquillité. Les
circulations étroites, les espaces exigus, les recoins, si pénibles quand il y
a du monde, n’étaient plus gênants, ils contribuaient même au plaisir de la
déambulation. Avec la pénombre qui règne de surcroît dans ce lieu j’ai eu
l’impression d’être comme dans une forêt d’objets, percevant à la fois leur
singularité mais aussi leur intime parenté, nous ramenant à quelque chose de nous-mêmes d’avant la
civilisation technique, l’uniformisation, la virtualisation du monde. La longue
montée par le plan incliné qui serpente jusqu’à l’espace d’exposition prenait
alors sa véritable fonction, comme un sas, comme une sorte de traversée pour
nous mettre à l’écart de la rumeur de la ville et du monde moderne. Je
n’effectuais pas évidemment une visite systématique ou savante, pour laquelle
les défauts liés à l’étroitesse et au manque de lisibilité des parcours et des
notices restent très gênants. Je ne me suis pas attardé sur les cartels, sur la
fonction des objets, à peine un coup d’œil sur leur provenance. J’étais bien
plus dans leur aspect esthétique et dans l’émotion que créait en moi de subtils
échos ou correspondances entre eux. J’allais de l’un à l’autre, parce que, depuis
celui-ci, j’en apercevais un autre, plus loin, dans une autre vitrine, voire
dans une autre aire culturelle, qui me faisait de l’œil. Pour une telle
déambulation, dès lors qu’il n’y a pas grand monde, ce lieu paisible,
silencieux, sombre et tortueux, peut contribuer à nous mettre dans un état
réceptif et on trouve alors un sens au parti-pris muséographique des
concepteurs du musée.
Il reste que pour les pièces
les plus grandes, les totems notamment, l’espace est trop restreint, les objets
ne respirent pas assez (je n’ai pas oublié la façon dont ils vivaient dans la
grande salle océanienne du Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie de la Porte
Dorée) mais à l’exception de cette réserve j’ai cette fois eu un plaisir très
fort à ma déambulation, je me suis senti profondément ému, ravi, au sens
propre.
Je me suis amusé du coup à
rechercher mes impressions passées telles que j’avais pu les déposer dans
d’autres avatars de ma vie blogosphérique. Ici d’abord, lors de ma première
visite à ce qui était alors un nouveau musée. Et puis, d’un lien à l’autre,
ici. Vertige ! Ces sauts de puce dans l’épaisseur du temps c’est le Temps
immobile cher à Claude Mauriac. Sauf que le temps n’est pas immobile ! Au-delà
de l’évocation du MAAO j’ai fait défiler les pages de ce tout début de mon
journal en ligne, bien avant les blogs, bien avant les réseaux. Ayant changé de
support et même d’identité je ne m’étais même pas aperçu que j’avais déjà
franchi, même si je suis désormais un blogueur bien moins actif, le cap des 10
années de journal connecté. Et puis, amusant aussi, de retrouver des noms de
diaristes disparus depuis belle lurette, de tenter de suivre quelques liens qui
pour la plupart mènent désormais au vide (mais Eva, mais Pierre sont toujours
là). Le paysage a tant changé (aspect visuel des productions, banalisation de
la connexion et de la communication internet sous toutes sortes de forme) qu’on
peut dire tout autant : « ça ne fait que 10 ans ! »
que « Quoi, déjà 10 ans ! ». Curieuse impression en tout cas à
cette plongée, mi plaisante, mi mélancolique.
Allez, pour revenir à
aujourd'hui, quelques mots de cinéma. J’ai profité de ce séjour parisien pour
faire, comme à l’habitude, une petite cure de salles obscures. Grand central, mouais,
pas mal sans plus, Vic + Flo ont vu un ours, curieux, parfois pesant, un peu
bancal, mais une façon de filmer originale ; Tirez la langue,
Mademoiselle : plaisant, vif, piquant, un récit et des personnages un peu
fantasques et moyennement réalistes mais suscitant par moment une véritable
émotion, un lieu de tournage qui n’est pas un décor interchangeable (la partie
du 13° autour de la dalle des Olympiades, c’est un lieu que je connais
particulièrement bien, y ayant un temps habité), enfin une Louise Bourgoin d'une beauté époustouflante et
au jeu magnifique ; et puis enfin la superbe Trilogie Bill Douglas, ça c’est
un film qui sort du commun, un chef d’œuvre récemment redécouvert. Il méritait
un commentaire plus développé, ce que j’ai fait et que vous trouverez sur le site de l’APA ici. Courrez voir ces films dont la présence sur les écrans est
certainement fragile.
10 ans, déjà ? ;)
RépondreSupprimerJe me souviens du lecteur qui hésitait à franchir le pas de l'écriture publique...
Le musée Branly, c'est vrai que je n'y ai jamais vu grand monde alors que l'architecture du muséee est extraordinaire.
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé aussi les films "Grand Central" et "Tirez la langue". Je vous recommande pour ma part "Magic, Magic" et "Tip, Top".
Carmilla