Je suis rentré de Genève où je viens de participer aux
Journées annuelles de l’APA consacrées cette année, tricentenaire oblige, à
Jean-Jacques Rousseau.
Nos Journées se tenaient dans la maison municipale de
Plainpalais, mise à notre disposition par la ville, une grande bâtisse 1900 aux
plaisants décors Art Nouveau, offrant à la fois une salle de théâtre
traditionnelle pour conférences et spectacles et d’autres espaces plus petits
adaptés aux ateliers. A toutes ces activités s’ajoutaient comme chaque fois les
nombreux moments conviviaux permis par les repas pris ensemble sur place.
Les conférences étaient intéressantes ; Philippe
Lejeune a montré, avec sa verve habituelle comment Rousseau avait non pas fondé
le genre autobiographique mais l’avait profondément révolutionné. Louis
Vannieuwenborg (par la voix de Francine Meurice car il était retenu à Bruxelles
par un souci de santé) s’est intéressé à Amiel, cet autre grand autobiographe
genevois, comme juge de Jean-Jacques. Il a montré plus largement en s’appuyant
sur les péripéties de la célébration du centième anniversaire de la mort de
Rousseau, à quel point celui-ci restait source de clivages violents dans la
société genevoise de la fin du19°. Enfin Huguette Junod a insisté sur le
caractère réactionnaire de Rousseau à l’égard des femmes tant dans son
comportement que dans ses écrits, notamment le livre V de l’Emile. Sans doute
aurait-il fallu aborder cette question de façon plus nuancée en évoquant
d’autres aspects de la création de Rousseau comme le personnage de Julie dans
La Nouvelle Héloïse ainsi que les données complexes de la psychologie
personnelle de Jean-Jacques comme l’ont souligné plusieurs interventions dans
le riche débat qui a suivi. En tout cas, résultat des courses, tout ça m’a
donné envie de lire La Nouvelle Héloïse que je ne connais que par quelques
extraits scolaires, lus il y a bien longtemps !
Les ateliers obligeaient comme chaque fois à des choix
cornéliens. A quoi renoncer ? J’ai participé à deux intéressantes
présentations, l’une sur la vision rousseauiste du Paradis telle qu’elle se
dessine dans la V° Promenade, une autre animée par sa biographe Anne Noschis,
sur le personnage extraordinaire et formidablement romanesque de Madame de
Warens. Mais d’autres m’auraient fort attirés comme la visite commentée de la
Bibliothèque de Genève et la présentation des manuscrits de Rousseau qu’elle
détient ou, parmi les ateliers d’écriture, celui organisé à partir d’un travail
sur les listes, une thématique qui me titille dans mes propres écritures.
Et puis il y a eu les spectacles théâtraux. William
della Rocca nous a donné en deux séances deux soirs successifs, les Livres I et
II des Confessions. William arrive en effet au terme de son extraordinaire
projet théâtral consistant à apprendre, mettre en scène et en voix, le texte
(presque) intégral des XII Livres des Confessions soit une intégrale d’environ
24 heures de spectacles en douze épisodes (treize même, il donne le Livre IX
très long en deux séances). J’avais déjà eu le plaisir de découvrir certains
épisodes au moment de leur création dans le cadre intime de théâtre
d’appartement. Contrairement à ce qu’on pourrait craindre ce n’est absolument
pas ennuyeux. Certaines parties du texte qui font passer des considérations
psychologiques très fines sont forcément complexes avec des phrases parfois
alambiquées mais que la diction de William della Rocca rend parfaitement
accessibles. Il fait aussi excellemment ressentir la vitalité du texte, la
variété de ses registres, sa drôlerie souvent. Bref il rend Les Confessions
magnifiquement vivantes, c’est vraiment Jean-Jacques que l’on croit avoir
devant soi. Pour la première fois il donnait ce spectacle dans une salle de
théâtre, devant un auditoire plus important. C’est parfaitement passé et m’a
paru même plus percutant si c’est possible qu’en appartement. Lorsque ce second
Livre s’est terminé, j’aurais aimé que l’on continue encore, que l’on tourne la
page, que l’on suive Jean-Jacques rentrant de Turin, s’installant à nouveau
chez Madame de Warens…
Bien sûr le week-end a été aussi l’occasion de
nombreuses promenades dans Genève favorisées par le beau temps et aussi par une
extension à la journée du lundi. Je n’avais de la ville que de vagues souvenirs
d’enfance, j’y allais lorsque je séjournais chez mes grands parents à Annecy,
nous allions déjeuner au bord du lac, faire des excursions en bateau ou monter
au Salève mais je ne me souvenais pas de la ville elle-même. Là nous avons
découvert la vieille ville et le quartier Saint-Gervais sur les traces de
Rousseau, avec les commentaires avisés de membres genevois de l’association.
Mais aussi, outre ces promenades partagées, j’ai déambulé en solitaire. Cela
m’est indispensable, j’ai besoin de marcher longuement et absolument à mon pas
dans une ville pour m’en pénétrer, je veux pouvoir aller, obliquer ici plutôt
que là sur l’impulsion du moment, forcer la marche ou m’attarder au contraire,
voire de revenir en arrière. Je suis moi aussi Promeneur solitaire…
PS: Ceux que ça amuse, peuvent retrouver le reportage photo complet que j'ai réalisé de ces Journées à partir du blog de l'APA ici
solitaire, ou pas...
RépondreSupprimerJe me souviens il y a quelques années
RépondreSupprimerLes journées de l'Apa sont l’occasion de rencontres fortes
Je me souviens de Charles Juliet... il est depuis resté dans mon coeur
(coucou Telle... tu vas bien...?)