Décidément je ne viens plus
guère écrire ici. C’est que mes écritures se dispersent sur d’autres lieux,
celui-ci étant devenu, presque, la dernière roue du carrosse.
Lorsque j’ai abandonné mon
précédent blog qui déjà végétait, pour démarrer celui-ci, j’avais l’idée, pour
effectuer cette relance, de regrouper à peu près tout ce que je comptais
produire en un même lieu, sous une même bannière : mémentos et brèves
notes juste pour se souvenir ; écritures sur le motif pour évoquer l’ambiance
d’un lieu ou d’un moment ; ressentis ou réflexions plus intimes ;
petites fictions qu’il m’arrive de commettre ; notes
« culturelles » développées à propos de livres ou de films, aussi
bien celles écrites directement ici que celles que je donne à l’extérieur pour
le site de l’APA ou la revue La Faute à
Rousseau.
Il me semblait pouvoir en
partageant à partir d’un lieu unifié plusieurs facettes de mon expression,
donner une forme plus substantielle et diversifiée à cette identité numérique
qui se dessine au travers de mon blog, bref à la rapprocher de ma personne dans
sa globalité et son unité.
Mais en réalité ça ne s’est
pas passé comme ça. Je ne suis pas parvenu à mettre à jour régulièrement les
pages annexes, censées servir de mémentos. Mes articles extérieurs ne m’ont pas
parus très adaptés pour une publication ici. Ce blog qui n’est plus anonyme ne
pouvait guère non plus accueillir des réflexions très impliquantes sur le plan
intime ou relationnel. Celles-ci, qui s’étaient déjà fortement réduites sur
l’ancien blog au fur et à mesure que mon anonymat se délitait, ont totalement
disparu de celui-ci. Ça, bien sûr, c’est dommage. Car force est de constater
que c’était tout de même l’implication intime qui avait généré le plus de
dialogue et de vie sur le blog et donc de motivation à y écrire. Autre temps
des blogs ? Autre temps pour moi ? Un peu des deux sûrement.
Bref je ne suis pas parvenu
à cette unification et désormais je ne la souhaite plus. Les couches de
lectorat potentiels sont si différentes et, de même, les formes, approches,
tonalités d’écriture, qu’il parait difficile de tout regrouper. En unifiant le
lieu de l’expression on a tendance à ramener celle-ci au plus petit
dénominateur commun, à gommer, à raboter ce qu’on se permettrait en d’autres
lieux. Et donc j’effectue le mouvement inverse. Je tends à déconstruire, à
séparer : il y a ce que je publie dans les divers lieux et divers cercles où
je les publie, ce que peux éventuellement partager de façon privée, ce que je
garde pour moi seul.
La constellation de mes
écritures actuellement se présente à peu près comme ceci :
J’ai démarré depuis le début
de l’année un journal quotidien, ce que je n’avais jamais fait jusque là. Il
s’agit de brèves notes telles qu’on pourrait les trouver dans un agenda. Deux,
trois lignes par jour mais pas un jour sans ses lignes. Le livre lu, la
promenade effectuée, le film ou l’émission de télévision vue. Quelques mots,
quelques annotations en style télégraphique, des appréciations lapidaires, rien
de construit ou de travaillé, éventuellement une notation d’humeur ou de
couleur dominante de la journée. Ça doit aller très vite. Ça va très vite.
C’est la fonction memento pour soi-même du journal, sans autre prétention.
Peut-être est-ce un peu névrotique cette façon de vouloir tout consigner ou
retenir. Mais bon, comme c’est vite et facilement fait, je ne m’en prive pas.
C’est devenu une sorte de rituel, soit le soir avant le coucher, soit en
ouvrant l’ordinateur le matin. Ça n’a peut-être pas beaucoup d’intérêt.
Utiliserais-je ce mémento ? Je le survolerai peut-être de temps en
temps pour y chercher une référence mais sans plus. En tout cas, à ma surprise,
je m’y tiens. Mais un tel mémento ne présente aucun intérêt pour un lecteur
extérieur et donc il n’a pas sa place en ligne.
J’écris plusieurs articles
pour chaque numéro de La Faute à Rousseau
plus quelques notes de lecture pour le site de l’association. Ainsi dans le
prochain numéro sur le thème Ego numericus
je signe pas moins de cinq articles, certains un peu complexes à rédiger et qui
m’ont donné pas mal de fil à retordre. A cela s’ajoutent les activités non
strictement d’écriture autour de la revue, les temps de coordination avec
l’équipe et la réalisation de la maquette (dont je me charge avec l’amie
Elizabeth).
J’ai ouvert aussi un nouveau
chantier d’écriture en lien avec mes activités dans le groupe APA de Toulouse.
Nous avons décidé en début d’année de travailler chacun sur un projet de
création personnelle, de tenir journal des avancées, difficultés, détours de nos
projets et de confronter dans le groupe ces journaux de création. Je me suis
lancé dans la retranscription et le commentaire, avec mes yeux d’aujourd'hui,
de mes journaux d’adolescence et de jeune adulte. C’était une vieille envie,
mais ambivalente (envie d’aller y voir ; mais gêne face à l’aspect
narcissique et tourné vers le passé de la démarche), l’articuler à des échanges
et à une réflexion collective m’a paru une bonne façon de m’y engager. J’ai
commencé, j’avance, pour l’instant ça m’amuse de me replonger dans ces
vieilleries, les commentaires à partir de la relecture du texte ancien
bourgeonnent tandis que le journal de l’avancée du projet s’étend lui aussi.
Et j’ai aussi quelques pages
en chantier d’un projet fictionnel d’une certaine ampleur mais je ne sais pas
s’il finira par voir le jour. Honnêtement je dois dire que je n’y ai pas
travaillé depuis un bon moment mais c’est là, présent, comme une invite, et
j’aimerais m’y remettre. Si le blog est la quatrième roue du carrosse, ça, ça
doit être la cinquième !
Bref, ça fait pas mal de
choses. Et comme la vie heureusement, ce n’est pas que l’écriture, que celle-ci
ne doit pas réduire par trop le temps consacré au reste, se crée alors forcément
un phénomène de vases communicants, écrire plus ici, c’est écrire moins là et
le blog en l’occurrence se trouve très délaissé.
Je ne le ferme pas. Je ne
dis même pas « blog en pause ». Car je sais qu’à l’occasion je peux
avoir envie de venir y déposer un texte : une note sur un livre ou un
film, une « chose vue » qui m’interpelle, une évocation d’un ressenti
ou d’une promenade. Sans obligation et sans régularité. Quand l’envie m’en viendra.
Alors je n’y manquerai pas et j’aurai plaisir à donner ces mots en partage. Car
je sais que certain(e)s aiment me lire. Certain(e)s même me le disent, ici ou
ailleurs. Je les en remercie. Qu’ils sachent bien que leurs appréciations
bienveillantes sont précieuses et m’encouragent à ne pas laisser ce blog tout à
fait à l’abandon. Mais, ce sera quand ce sera, peut être demain, peut être dans
un mois, je ne m’obligerai pas.
Que voila un billet comme je les aime : il provoque une multitude de résonances en moi !
RépondreSupprimerJ'énumère les principaux :
Cette question de vouloir "unifier" une identité et se rendre compte de l'impossibilité de la démarche tant il y a de facettes à cette identité qui nous (me) compose. Tu le décris très bien : cela tend à réduire au plus petit dénominateur commun. Au lieu d'exprimer la diversité d'une identité on tend à l'appauvrir. C'est dommage.
Ce travail de relecture d'écrits intimes anciens, dont "l'utilité" ouvre vers la plus grande perplexité : à quoi, à qui, cela peut-il bien servir ? Que faire de milliers de pages tout à la fois périmées et "vivantes" en Soi, constitutives de l'être que l'on est devenu ?
À quoi bon "garder trace" si c'est pour n'y jamais revenir ?
Jusqu'à la difficulté d'aborder cette entité qu'est "l'ego numericus", sur lequel j'ai eu les plus grandes difficultés à analyser une ébauche des ramifications et interactions avec "ego analogicus", ou plutôt "ego sensibilis"…
Oui, ce billet me réveille, me stimule. Me donne envie d'écrire… ;)
Quant au devenir de ce blog, dans lequel tu te propose d'intervenir « quand l'envie [te] viendra », je crois que c'est ta sagesse qui s'exprime : ne pas se forcer, mais écrire avec plaisir.
Pierre, ça me fait bien plaisir de réactiver des réflexions en toi. C'est la vraie force des blogs de nous permettre de nous enrichir mutuellement et la raison pour laquelle je garderai ce lieu ouvert et j'espère un tout petit peu vivant et que je continuerai à venir vous lire, les uns et les autres, même si c’est moins souvent.
SupprimerCe serait bien triste si je n'avais plus la possibilité de te lire... Même si tu te fais (trop) rare !
RépondreSupprimerCe que tu deviens en tant qu'homme m'intéresse. La dimension personnelle m'importe plus que les actes et engagements, sauf bien entendu si la relation des faits, actions, projets, s'accompagne de leur motivation profonde (ce que tu fais le plus souvent).
A propos des "vieux écrits" :
Il y a une petite dizaine d'années, je me suis plongé dans mes écrits du passé. J'ai tenu un journal dès la pré-adolescence (dans la foulée de mon accident de santé). Je n'ai pas tout relu, mais j'ai relu beaucoup ! j'ai gardé quelques pages. Pour le reste j'ai fait confiance à l'alchimie intérieure que cette relecture produirait et a produit. Puis, j'ai tout détruit ! A ce jour je ne regrette rien. Au contraire. Bizarrement ce qui était "écriture oubliée", mais existant matériellement sur papier, le fait de détruire après relecture à rendu plus "vivant" intérieurement. Cela s'est intégré à ma vie, sous forme mémorielle corporée (si je puis dire ainsi).
Alain, je peux comprendre ta démarche de destruction, éventuellement l'envier (ça me semble assez juste ce que tu dis de cette sublimation, sous une nouvelle forme intériorisée, de ce dont tu t’es débarrassé). En même temps je m’en sais tout à fait incapable, cela va bien au-delà des écrits ou des souvenirs, une difficulté, sans doute une peur, à se détacher, à rompre à quelque niveau que ce soit.
SupprimerNe fermez pas !! On aime vous lire de tps en temps... comme vous aimez y écrire de temps en temps... pourquoi se forcer; n'est ce pas un rythme que nous avons avec nos amis, nos proches, notre famille : donner des nouvelles de temps en temps ? Moi même j'ai un blog intermittent que peu viennent lire, mais j'aime bien y recevoir par ci par là un commentaire, et je suis très attachée à l'un (y écrire) comme à l'autre (y découvrir une petite réponse). Je suis contente de lire cela, et ne suis pas du tout inquiète de voir que chez certains blogamis, les posts deviennent plus rares, alors que ceux que je vois fermer, cela me fait finalement assez mal....
RépondreSupprimerAmicalement,
Suze, sans fil ...
Suze, bonjour et bienvenue ici, premier passage je crois. Du coup j’ai découvert votre blog. Belles réalisations plastiques et amusant de voir que l’on partage le goût de certains lieux, merveilleux souvenirs de ballades à ski dans le Val Clarée et Pays Bigouden, bien que le mien soit un peu plus au sud, entre Quimper et Pont Labbé.
SupprimerIl y avait des textes que j'aimais beaucoup dans ton ancien blogue.
RépondreSupprimerLe quotidien, les promenades au travers de Paris... Les commentaires d'expo, et puis, les nouvelles qui font qu'on aime bien suivre l'évolution d'un ami blogueur.
Mais il est vrai que tout cela évolue. Mon ancienne blogosphère est un peu éclatée, et puis aussi, je ne sais jamais commenter sur blogspot (sauf en mettant en route internet explorer, mais je suis habituée à Firefox).
Bonne continuation dans les mots - quels qu'ils soient et où qu'ils se gravent...
(Pivoine)
J’ai toujours plaisir, chère Pivoine, à te voir passer et suis content d’avoir découvert ton nouveau blog que je lis avec plaisir (Bizarre que tu aies du mal à commenter avec Firefox, moi j’utilise ce navigateur et n’ai aucun souci). Allez, j’en ferai encore, de temps en temps, des commentaires de lecture ou de ballades…
SupprimerVoilà un billet qui entre en résonance avec celui que j'ai écrit jeudi: l'impermanence des gens et des choses fait que la blogosphère évolue sans cesse.
RépondreSupprimerJe te découvre depuis peu, je sens une intérirorité très riche. je m'amuse de constater que tu provoques l'envie d'écrire chez Pierre en parlant de faire une pause chez toi...
Ce doit être aussi un peu ça, les vases communiquants...
Tu as parfaitement raison sur le côté difficile de tout concentrer en un même lieu. J'écris beaucoup sur mon blog, mais il y a des choses que j'écris à côté, sur d'autres blogs, ou d'autres supports.
j'ai quand même trente ans de journaux intimes chez moi, entassés dans des cartons...névrotique? peut-être, faudrait demander au psy de service.
Mais très riche en tous cas, et procédant d'une façon particulière de concevoir l'existence...
Bonne route, et laisse toi guider par le désir, c'est le plus fertile des engrais.
Waouh, Célestine, alors ce n’est que la partie visible de l’iceberg ! D’autres lieux, il faudrait les découvrir… Et 30 ans de journaux intimes, mais c’est de la vraie graine apaïste ça… Cette impermanence des blogueurs oui, il faut faire avec, j’apprends au cours de ma petite tournée que l’amie Elizabeth de Sédiments s’arrête à son tour mais resteront nos désormais fréquents contacts IRL autour de nos activités communes et nous n’oublierons pas que c’est par les blogs que nous nous sommes rencontrés.
SupprimerAprès un week-end assez prolongé autour du premier mai me voici de retour et je fais un petit tour de ma blogo et donc un petit tour chez vous qui êtes amicalement passés ici.
RépondreSupprimerEt puis, tiens, ce n’est pas dans mes habitudes, une fois n’est pas coutume, mais je vais répondre individuellement à chacun.
tu sais bien, Bernard que je te lis depuis trèèèèèèèèèèès longtemps
RépondreSupprimerSans forcément commenter
J'aime les nouvelles que tu donnes de toi...
J'aime aussi quand tu parles d'écrire des nouvelles... curieuse je suis!
Je n'aimerais pas que tu quittes la blogo...;-))
Je sais que tu continues à me lire de même que tu es l'une des rares personnes que je continue à lire vraiment régulièrement.
SupprimerL'existence de ces liens anciens contribue pour beaucoup à ce que je continue ce blog même si c'est à petite vitesse.
Et tiens, à propos de nouvelles, justement hier j'ai eu le plaisir d'en terminer une.