L’Autan a soufflé de façon
continue pendant trois jours, avec des pointes à 100, 110 km à l’heure. On ne
bouge pas tellement pendant ces périodes, on ne sort que pour ce qui est
indispensable. Nous avons deux côtés à la maison. La façade qui donne sur la
place est moins exposée, c’est là que nous avons le séjour ainsi que bureau et bibliothèque
et c’est là qu’on se tient de préférence par ces temps venteux. Par contre la
façade côté jardin reçoit l’Autan de plein fouet. C’est là que sont les
chambres, alors pendant la nuit, c’est un peu comme si on était sur un bateau
en pleine tempête. Même volet fermé le vent se glisse sous nos vieilles
fenêtres pas très étanches et ça craque de partout. C’est plaisant un moment
mais quand ça dure ça finit par taper sérieusement sur les nerfs et ça ferait
même un peu peur lorsqu’on voit les grandes branches du cèdre qui domine la
maison ployer sous les rafales. Le crochet d’un volet hier soir a même été
descellé et, du coup, avec les chocs violents du volet battant avant qu’on ne
vienne le refixer, un carreau a volé en éclat.
J’ai profité de ces temps où
je suis resté calfeutré pour me consacrer, maintenant que sont terminés aussi
bien mes articles pour la prochaine Faute
à Rousseau que la mise en page du numéro, à diverses écritures plus
personnelles. J’ai pas mal avancé le travail de retranscription et de
commentaire de mon journal d’adolescent. Je suis partagé sur l’intérêt de faire
ça mais bon, cahin-caha, j’avance. Et surtout j’ai enfin ressorti une nouvelle,
commencée il y a plus d’un an et abandonnée au milieu du gué. Là je l’ai
terminée et je suis content. Je l’ai intégrée dans un petit recueil avec
quelques unes de ses semblables. Je n’en fais rien mais ça ne m’embête pas plus
que ça. Elle vaut surtout par le plaisir que j’ai eu à l’écrire. Une fois de
plus je me suis confirmé que j’aimais bien m’aventurer sur le terrain de la fiction. Dans
un article de revue ou même dans un billet ici, je sais où je vais, il n’y a
nulle surprise à attendre. Tandis que lorsqu’on est dans du fictionnel, même si
on a une idée, un schéma de départ, on se laisse entraîner, on se laisse porter
par les mots eux-mêmes qui enclenchent le processus de l’imagination et qui
nous conduisent parfois ailleurs que là où l’on pensait aller. Et rien de plus
plaisant, de plus jouissif même, que de se retrouver soi-même surpris par ce
qu’on a écrit.
Ce matin le vent était
presque complètement tombé. Grand beau ciel clair. Bonheur d’ouvrir en grand
volets et fenêtres et de laisser la lumière envahir la maison. Petit tour au
jardin pour ramasser les branches brisées, couper les roses qui ont perdu la
plupart de leurs pétales et les tiges qui ont été cassées, certaines riches de
boutons qui n’écloront pas, redresser des plantes malmenées. La glycine a bien
souffert et perdu une grande partie de ses feuilles (mais cette année du moins,
mieux accrochée au mur, elle a tenu, contrairement à ce qui s’était passé lors
d’un précédent épisode où il avait fallu la tailler ensuite de façon assez
radicale). Nous arrosons aussi. Ce vent est terriblement asséchant et il tend à
retenir les nuages. La pluie était annoncée ce matin mais manifestement elle ne
viendra pas si vite. Sortir dans ce jardin, ouvrir portes et fenêtres c’était
comme une renaissance. Et plaisir ensuite le midi de remettre la table dehors
et de déjeuner sur la terrasse, mi ombre mi soleil.
Sur le rebord d’une fenêtre
côté place j’ai trouvé tout à l’heure un oiseau, c’est une jeune colombe, je
crois, dont le nid est dans un des réverbères de la place. Elle parait vive,
elle se déplace d’un point à l’autre du rebord de fenêtre mais elle ne s’envole
pas même si je m’approche et tape au carreau. Je crains qu’elle n’ait une aile
cassée, peut-être a-t-elle été malmenée pendant la tempête. Je ne sais ce qu’il
faudrait faire pour lui porter secours. Je pourrai la porter dans le jardin où
elle trouverait sans doute à picorer mais j’imagine que si elle ne parvient pas
à voler, elle va se faire dévorer par des chats. Finalement je lui ai porté une
soucoupe avec de l’eau et de la mie de pain. A ma surprise et à ma joie, lorsque
j’ai ouvert la fenêtre elle s’est ébrouée et est parvenue à s’envoler pour
rejoindre à deux mètres l’arbre le plus proche. Ainsi donc elle n’était pas
blessée, simplement elle commençait sa vie dans les airs et peut-être était-ce son
tout premier vol hors du nid natal qui l’avait conduit sur le rebord de notre fenêtre. C’est fou ce qu’il m’a fait
plaisir cet envol, c’était force de la vie, résilience de la nature, alors que
j’avais l’esprit encore tout encombré des dégâts causés par la tempête.
Qui ne connait pas le vent d'Autan ne sait pas ce qu'est un vent ;)
RépondreSupprimerEn te lisant je me disais qu'il manquait quelque chose à cette entré. Des photos! Et oui, parce qu'en te lisant, j'imaginais la vieille pierre de ta maison, je sens que c'est une maison que j'aimerai. Mais je suppose que cela t’embêterai de mettre des photos d'un endroit qu'on risque de reconnaître!
Bravo pour tes écrits, peut-être que tu te décideras à publier un jour, et nous pourrons lire .
Bises Bernard
Ton récit est très émouvant, et d'une grande authenticité.
RépondreSupprimerJ'aime cette écriture fluide, qui coule comme un ruisseau de printemps au soleil.
Même si la nature est une source inépuisable d'inspiration, c'est aussi le piège car on tombe vite dans les poncifs. Et toi tu parles du vent avec tes mots à toi, qui ne ressemblent à aucun autre.
J'aimerais bien lire tes fictions. Du coup.
Sinon, petit détail je me demande pourquoi ce sont les chambres qui sont côté jardin et pas les pièces a vivre. Il me semble que je n'aimerais pas ne pas voir mon jardin quand j'écris ( ce qui est mon activité principale quand je suis chez moi) je dis ça, je dis rien... ;-)
Merci encore une fois de vos appréciations.
RépondreSupprimerC'est vrai que maintenant que la publication peut être très aisée grâce aux éditeurs internet, je commence à songer à faire une sélection de nouvelles pour publication.
Quant à ma maison, oui, elle est belle, je ne peux pas me plaindre, côté jardin pour les chambres c'est un peu une évidence, le calme (enfin sauf quand il fait vent d'autan), le soleil du matin et, au contraire, depuis le séjour et le bureau, la vue sur le vie de la petite ville, le beffroi, le soleil du couchant...