Aujourd'hui temps gris et pluvieux.
Mais hier, quelle journée ! Dès le matin, cette lumière, ce soleil qui
coule entre les branches des arbres du jardin, la fenêtre de notre chambre que nous
avons laissé pour la première fois depuis pas mal de temps grande ouverte
pendant un long moment, cet air sec et vif, cette lumière dorée, ces rayons
directs du soleil qui se déversent sur le lit, les meubles, le tapis, les
cadres suspendus aux murs. Quel bonheur ! Dans le jardin, sur l’herbe
intensément verte après les pluies répétées des dernières semaines, un
déploiement de petites violettes et quelques perce-neige dans les plates-bandes.
Et pourtant, il y avait
comme un flottement au fond de moi qui m’a empêché d’être dans la pure jouissance
du moment. Quelque chose qui avait à voir certainement avec cette ligne grise
que j’ai évoquée il n’y a pas longtemps sur un billet de Pierre. Mais plus
prosaïquement, plus immédiatement, il y a d’autres éléments et qui finalement
méritent plus de considération puisque, sur eux, je peux agir. En sortant hier dans
l’air vif du matin j’ai été saisi d’une vive envie d’ailleurs. Une envie de
ciel bleu et de froid, une envie de montagne, de marche dans la neige ou de
glissement silencieux entre les sapins sur des skis. Plus largement, une envie
de voyage et de dépaysement. L’impression, même si je suis très heureux du lieu
où je me suis installé, d’en être aussi un peu prisonnier. Dans les balades récentes que nous avons fait ces derniers jours,
toutes en grande proximité vu le temps, de petites sorties d’une heure à deux
heures juste pour s’aérer, pour la première fois j’ai senti peser la
répétitivité, une certaine lassitude à refaire ces mêmes petits tours ultra
connus. Je sais bien, ce n’est jamais pareil, il y aura toujours une lumière,
un vent, une pluie qui ne seront pas tout à fait semblables mais quand même
j’ai eu un peu l’impression de tourner en rond, de m’assoupir dans ma bourgade
provinciale. Envie d’autres lieux, d’autres espaces, d’autres ciels. Partir
pour revenir. Je réalise que, paradoxalement, nous voyageons moins depuis que
nous sommes à la retraite. Aucun voyage lointain depuis notre séjour au Sénégal
il y a deux ans. Sans doute est-ce lié à cet équilibre pas encore parfaitement
trouvé entre notre lieu ici avec les activités et les liens que l’on veut y
développer, Paris où je vais souvent, les parents vieillissants avec lesquels
il nous faut organiser des choses tant qu’ils peuvent encore. Dans tout ça il
faut trouver moyen de préserver des fenêtres pour d’autres choses. Plutôt il
faut les poser et s’y tenir. Je repense à ce projet envisagé avec un de mes
beaux-frères d’aller en fin d’hiver chez sa sœur qui vit dans une ferme en
Finlande. Ski, nature et sauna. Ça m’aurait bien plu. Ça n’a pas pu se faire
l’an dernier et cette année on n’en a pas vraiment reparlé mais je garde ça en
perspective pour l’an prochain. Et puis donc, en attendant, ce printemps ou cet
été il sera bon de trouver un moment et un lieu où s’évader quelles que soient les
occupations et contraintes diverses par ailleurs.
Je comprends cette sensation de besoin d'un ailleurs. Et cependant, j'ai appris a décoder en moi ce besoin: il n'est que l'émanation d'une lassitude intérieure. D'un mal être qui n'a rien a voir avec l'extérieur, la météo ou le paysage.
RépondreSupprimerCes fenêtres dont tu parles a juste titre, nous avons la capacité de les ouvrir à l'intérieur de nous même. Et de chercher ce qui nous manque. Et d'interroger nos désirs profonds. Sinon, nous ne faisons que transporter ailleurs le même mal-être.
Mais, si tout va bien a l'intérieur de nous même, alors changer de décor fait un bien fou...un peu comme les premiers balbutiements du printemps nous mettent dans un état second...
Je coïncide volontiers avec la teneur des propos de Célestine.
RépondreSupprimerSans doute n'as-tu pas encore trouvé ce que j'appellerai « un ancrage d'activité localement », quelque chose qui donne du sens à ta vie, là où elle est désormais. Après le temps d'installation et d'apprivoisement du nouvel environnement, il faut trouver des intérêts nouveaux « sur place ».
Tu parles d'évasion… Je te parle d'enracinement… C'est je crois ce qui peut te rendre heureux.
Mes parents avaient pris leur retraite dans un village perdu d'Ardèche.
Mon père y vécut des passions nouvelles :
— l'agriculture biologique (c'est par lui que j'ai entendu prononcer ce nom pour la première fois au début des années 70)
— la recherche généalogique et historique concernant tous les gens du village qu'il a contacté, et s'est fait ainsi un nouveau réseau relationnel passionnant, si bien qu'on le suscita pour être maire du patelin, ce qu'il refusa toujours, préférant un maire du terroir, mais assistant celui-ci pour de multiples démarches administratives et obtentions de subventions diverses qui amenèrent bien des améliorations de voirie et autres structures.
Je crois que ce fut une des plus belles périodes de sa vie.
Pardon d'évoquer ma famille, c'est pour illustrer…
Merci de vos commentaires développés.
RépondreSupprimerBien sûr, Célestine, il y a un lien avec d'autres aspects bien plus intérieurs, je ne l'oublie jamais.
Et je suis d'accord aussi, Alain, avec la nécessité de l'enracinement local. Je m'en préoccupe et j'agis dans ce sens au travers de diverses activités. Je sais que l'essentiel de ce qui structure doit être sur place. ( Je ne voulais pas quant à moi du mode de fonctionnement choisi par certains de mes amis six mois parisiens et six mois dans un lieu campagnard et méridional, ça me semble la meilleure façon de n'être finalement de nulle part). Cependant je ne pense pas qu'il faille opposer enracinement et évasions. Je les juge précieuses, riches, permettant de savourer le bonheur des retours. Ce que je disais dans ce billet c'est seulement que je n'avais pas encore trouvé l'équilibre entre l'ici et l'ailleurs et que j'étais pour l'instant dans un certain manque d'ailleurs.
Un voyage, où qu'il soit, est quand même toujours bénéfique. Ca permet de sortir de ses habitudes, de ses torpeurs. C'est une remise en cause de soi-même. Essayez donc de vous choisir une destination inhabituelle. Après, vous aurez l'impression d'avoir vaincu quelque chose, d'être allé au-delà de vous-même.
RépondreSupprimerCarmilla
Quand on souhaite s'évader, de voyager au milieu d'un ailleurs, qu'on a des envies de ciel bleu, de froid, de montagne, de marche dans la neige ou de glissement silencieux entre les sapins sur des skis, ne souhaite t on pas au fond de soi être seul(e), libre et sans contraintes. Tant que l'on travaillait, notre temps était occupé. Maintenant que l'on se retrouve à la retraite, il faut s'occuper et on prend vite des habitudes certes agréables lorsqu'elles se font à deux comme les ballades du matin par exemple, mais on devient vite prisonnier des lieux et certains rituels s'installent et deviennent routines. Pas facile d'ouvrir de nouvelles fenêtres où on se sentira libre d'aller et venir en toute liberté. Faire partie d'association ou de club, cela demande un engagement, même si on vous dit : tu peux t'absenter quand tu veux ". Il faut toujours se justifier. Alors oui, on s'évade en voyage car il est bon de se changer les idées, mais si on voyageait toujours, on voudrait devenir sédentaire car se déraciner sans arrêt deviendrait épuisant. Effectivement trouver un équilibre lorsqu'on prend sa retraite n'est pas facile cela fait 10 ans que je le cherche et pourtant je me sens heureuse. Je crois qu'il faut accepter bien des choses et se remettre en cause, mais il ne faut pas nier l'évidence, on vieillit ..........
RépondreSupprimerBienvenue ici Lauriza. C'est en effet un peu tout ça.
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