Dans le train qui me ramène
vers Toulouse je repasse en mémoire ma semaine parisienne…
Encore une fois je reviens
avec un certain sentiment de bousculade, d’incomplétude. J’ai été très envahi,
trop, par mes activités pour l’APA. C’est la contrepartie de mon départ en
province, quand je viens à Paris on groupe de multiples activités ou
rendez-vous qui occupent mon temps et du coup me frustrent un peu côté sorties
ou flâneries.
On a arrêté en comité de
rédaction le contenu du prochain numéro de La Faute à Rousseau, ne reste plus
maintenant qu’à faire le montage ; on a tenu plusieurs réunions pour
organiser divers événements, comme la Table-ronde que nous consacrerons à Ego numericus au mois de mars ; j’ai
rencontré une réalisatrice qui prépare un documentaire sur le journal en ligne ;
etc…
Plusieurs moments famille aussi
avec mes fils, avec mon père. Je sens qu’il vieillit ces temps-ci, je le trouve
plus lent en tout, moins optimiste, laissant percer ses anxiétés, souvent sur
de toutes petites choses. Cela dit, il est tout de même en très bonne forme, sa
conversation reste vive, il entretient sa forme physique, ainsi nous sommes
allés nager dans la piscine sur le toit de son immeuble, il tient toujours à
monter et descendre à pied les sept étages qui séparent son appartement de la
piscine. Mais il ne rajeunira pas et donc je me dis qu’il faut profiter de lui,
de sa présence, et lui offrir la mienne, autant que je peux.
J’ai eu le plaisir aussi de
dîner avec une amie du web d’autrefois. J’étais content de revoir « chère
brune », gaie, très en forme, bien plus qu’en d’autres occasions. Mais là
aussi le temps est passé et ce n’est plus pareil, il n’y a plus en moi ce
frémissement, ce battement de cœur, cette espérance d’autre chose qui, un temps,
ont électrisé mes rencontres avec elle.
Plus beaucoup de temps alors
pour le reste. Deux expositions qui ne m’ont qu’à moitié accrochées. Astérix,
à la BnF, j’ai regardé ça un peu de loin, me promener entre les planches
originales des albums n’a pas ravivé en moi de multiples madeleines, comme
l’aurait fait Tintin ou Mortimer. Les Kanak, quai Branly, là aussi je
suis resté assez extérieur, me regardant regarder. C’est assez fréquent ça avec
moi, pour les expos ethnologiques ou d’art premiers. Soit j’entre en réelle communication avec les œuvres et alors je
peux me sentir ravi au sens propre, embarqué, soit je n’y entre pas. Ça n’a pas
forcément à voir avec la qualité intrinsèque de l’exposition, ça tient plutôt à
ma propre disposition d’esprit du moment sans que je sache trop ce qui l’explique.
Côté cinéma trois films. Suzanne
qui m’a beaucoup plu. Un film sombre mais plein d’amour et qui du coup rend
heureux malgré les drames et les deuils. Le montage est rapide, voire brutal,
ce qui renforce l’intensité émotionnelle. Les acteurs sont excellents,
spécialement Sara Forestier. On pense à Pialat et à Sandrine Bonnaire dans A nos
amours. La réminiscence qui se crée en nous est sans doute voulue, le
titre et le prénom Suzanne ne sont certainement pas là par hasard. The Lunchbox,
bien aussi, plaisant, savoureux (quasiment au sens propre), à la fois gai et
triste. Que la femme est belle ! Que les sentiments sont délicats. C’est
un joli conte avec une happy end fortement suggérée. Mais ce n’est qu’un conte,
tout est fait pour qu’on le ressente ainsi ce qui laisse au spectateur, ou du
moins m’a laissé à moi, une impression dominante de douce mélancolie. J’ai été
par contre très déçu par Mére et fils. C’est intéressant sur
des rapports assez pathologiques à l’intérieur d’une famille comme aussi en
tant que document sur la Roumanie contemporaine et ses fractures. Mais je me
suis ennuyé face à ces accumulations de paroles et d’images au plus près des
personnages, portées par une caméra ultra mobile qui épuise le regard, interdit
toute mise à distance. C’est qu’on ne ressent aucune empathie envers les
personnages, il n’y a donc aucune identification possible, on reste extérieur,
c’est cela je pense qui fait la différence fondamentale avec les deux premiers
films évoqués. (Je reconnais cependant que la dernière scène, la confrontation
entre les deux familles, celle du responsable de l’accident et celle de la
victime est très forte et parvient enfin à émouvoir, sans doute justement parce
que les personnages laissent percer leurs faiblesses ce qui les humanisent).
Le paysage défile. Jolie
lumière changeante. Passage dans des nappes de brouillard puis moments de
soleil, parfois net, parfois voilé. Beaucoup d’eau dans les champs et les
fossés. Le TGV n’est pas très plein. Je suis en première, j’ai de la place, personne
en face de moi, je peux étendre les jambes, j’ai pu me mettre dans le sens de
la marche, ce qui est plaisant pour laisser le regard errer au fil du paysage.
J’aperçois dans le sas entre les deux voitures une jeune femme qui tente de
bercer un bébé qu’elle tient dans une poche kangourou sur son ventre. Une jolie
brunette aux cheveux bouclés, un visage un peu rond et très mobile, elle sourit
beaucoup malgré l’enfant qui pleure, elle lui parle, je crois même que par
moments elle lui chantonne quelque chose que je n’entends pas, dans ses
girations, tantôt elle me fait face, tantôt elle me tourne le dos. Il y a quelque
chose dans la façon dont elle se déplace, dans son visage, dans la courbe de sa
nuque qui m’émeut très fort. Je passe de mon carnet, au paysage, à l’attirante jeune
femme et puis, de temps à autre aussi, je reviens à mon livre, qui lui me fait
voyager entre Afrique et Suède, L’œil du léopard, de Mankell qui est
décidément un auteur excellent. J’aime ces temps de flottements
ferroviaires !
Ecrit sur mon carnet dans le train hier, mis en forme et en ligne ce matin