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lundi 30 décembre 2013

Fin d'année



Voici les tous derniers jours de l’année. Il est temps de souhaiter le meilleur à toutes celles, tous ceux qui passent par ici, vieux complices de blogosphère, visiteurs anciens ou nouveaux ou passant(e)s de hasard. Et occasion aussi d’un petit billet sur ce blog trop délaissé… 

C’est la première fois que nous fêtons Noël ici depuis notre installation. Nous avons eu cette envie et avons renoncé à l’habituel réveillon familial chez la mère de D. en banlieue parisienne. D’autant que nos garçons avaient envie de venir passer quelques jours ici de même que mon père. On s’est donc retrouvé ici à six, nous deux, fils aîné et sa compagne, fils cadet, mon père, une tablée bien plus restreinte que la grosse vingtaine que nous sommes lorsque nous nous réunissons avec la famille de D. Je préfère quant à moi ces assemblées plus intimes où la parole circule mieux. Et pour mon père aussi c’est beaucoup mieux. Il est bien moins gêné par ses difficultés d’audition lorsqu’on est en petit comité que dans le brouhaha de trop grandes tablées. Il discute beaucoup avec ses petits-enfants, sur leur travail, sur leurs intérêts scientifiques et sur les avancées de la recherche, sujet qui le passionne, et c’est pour moi un grand plaisir d’assister à ces échanges générationnels, de me sentir l’entre-deux et le lien entre la génération qui me précède et celle qui me suit. 
 Deux soirs de suite aussi on s’est amusé à ressortir de vieux films super-huit. Cela faisait des années qu’on ne les avait pas visionnés. Le vieux projecteur fonctionnerait-il encore ? Les films se seraient-ils bien conservés ? Les collages faits au montage tiendraient-ils ? Le prétexte de départ était de montrer les garçons petits à l’amie de S., mais on a été bien au-delà, on a retrouvé quelques bobines très anciennes, lorsque j’étais moi-même enfant. On a fait quelques plongées début des années 60 au moment où mon père avait acquis sa première caméra double-huit et début des années 90. Vertiges à saisir les ressemblances, des expressions, des attitudes corporelles de mon père année 60 que je retrouve sur moi années 90, mes expressions d’enfant années 60 dans celle de S. années 90. Les visages aussi de ma mère, de mes grands parents. On avait eu bien sûr de temps en temps l’occasion de revoir des photos de ces époques là dans des albums mais il est sûr que les images animées portent d’autres choses, plus fortement évocatrices. Ces films ne sont pas archivés, il y a juste sur la bobine l’année et le lieu sans précision, on ne se souvient plus des contenus précis. Donc on a eu quelques surprises en les regardant. Il faudrait peut-être prendre le temps de revisualiser l’ensemble, de noter les contenus de façon plus détaillée, voire aussi envisager d’en numériser au moins quelques-uns.

Le temps a été parfois agité mais a ménagé aussi de beaux moments d’éclaircie qui ont permis quelques agréables promenades. Là encore c’était plaisir de pouvoir les faire à trois générations. Mon père vieillit. Il devient plus lent en tout et notamment pour marcher. Mais tout de même, il marche et il grimpe, disons que nous mettons trois heurs à faire des promenades que nous aurions faites en deux il y a peu d’années. Mais il faut en profiter, prendre conscience du précieux de ces moments, les accumuler en soi en tâchant de ne pas les colorer de trop de nostalgie du temps qui passe, du temps qui est passé. Impossible cependant, faisant avec lui le tour du lac, de ne pas m’y revoir avec mon grand père, à peu près au même âge, mais c’était les derniers mois où il était encore vaillant, j’ai l’impression que c’était hier et c’était il y a vingt-cinq ans. 
Hier nos garçons sont repartis. Nous les avons conduits à Toulouse. Avant qu’ils ne reprennent leur train nous avons eu le temps de faire un joli tour du centre qu’ils ne connaissaient pas, tour classique depuis la gare où nous nous étions garé jusqu’aux berges de la Garonne avec les arrêts emblématiques à Saint-Sernin et aux Jacobins. Là encore belles lumières, entre averses et éclaircies, ciel mouvant, ciel bleu, ciel noir, beau soleil du soir, dorant les pierres roses des façades et faisant étinceler, depuis le milieu du Pont Neuf, une Garonne haute et tumultueuse.

Cet après-midi nous ferons un petit saut à la Mairie pour nous inscrire sur les listes électorales. Cela me fait drôle, moi qui suis resté un vieil électeur fidèle au 13° arrondissement, même pendant les quelques périodes où je n’y ai pas habité. On a hésité dans la mesure où on garde un pied à Paris mais il n’y a pas de doute qu’on sera désormais bien plus souvent ici et que donc cela fait sens d’accomplir ce basculement.

A l’année prochaine, en commençant par mon rituel bilan cinéma, qui ne saurait tarder. Belle année à toutes et tous !

samedi 7 décembre 2013

Paris, d'H-J.D. à Salgado



Je ne voudrais pas encore une fois faire ma litanie sur le temps qui passe si vite, sur toutes ces choses que je voudrais évoquer dans mon blog et que je ne fais pas et pourtant…

Paris depuis plus d’une semaine déjà ! Paris tourbillon comme toujours, amis, familles, choses diverses à régler tant à l’égard des anciens, la mère de D., mon père, qu’avec nos deux fils auxquels nous cherchons à donner des coups de main pour leur installation dans une phase nouvelle de leur vie. Les allées et retours en métro, ces odeurs et cette promiscuité qui maintenant me pèsent comme ces pauvres gens qui font la manche, pas un trajet sans un voire deux quémandeurs, auxquels je donne la pièce ou pas, selon l’impulsion du moment mais dont la présence, de toute façon, me met mal à l’aise. Activités pour l’APA, mardi toute la journée un stage pour apprendre à quelques uns de nos adhérents à utiliser Publisher afin d’élargir le cercle de ceux qui peuvent contribuer à la réalisation de nos productions, et surtout, samedi dernier, cette journée de présentation du diariste Henri-Jacques Dupuy qui m’avait donné beaucoup de travail de préparation. Mais franchement je crois que ça a été réussi. Nous étions dans une petite salle où nous allions pour la première fois, qui sert pour des ateliers théâtre ou d’écriture, une salle chaleureuse avec des livres, des tentures, une estrade, une salle bien pleine, un peu bondée même (pour un même effectif c’est toujours mieux de se sentir serrés dans une petite salle que de se retrouver dispersés dans un vaste amphi), un public attentif et même plutôt réactif. J’ai eu l’impression que tant les présentations de ma « collègue » que les lectures d’extraits de textes que j’ai faites moi passaient bien. C’est un peu banal à dire mais j’avais vraiment l’impression qu’en lisant j’incarnais l’auteur au sens propre, que je le faisais un petit peu revivre, j’avais l’impression que Sylvette, sa fille qui a collationné le journal et l’a déposé à l’APA, le ressentais aussi ainsi et ça m’a fait un grand plaisir, comme d’entendre le fils de Sylvette dire que de m’avoir écouté, lui avait pour la première fois donné envie d’aller lire ce journal de son grand père. Je sais que je lis assez bien. J’ai toujours un grand plaisir à cette activité, il y a vraiment une jouissance à faire passer les mots imprimés, comme assoupis, endormis dans leur gangue de papier, à la vie que leur confère la voix et le souffle. Et j’ai plaisir aussi bien sûr au retour positif que les auditeurs me font. (découverte assez récente de ce plaisir, pas plus d’une dizaine années, c’était en prenant conscience en atelier d’écriture qu’après le plaisir d’avoir écrit il y avait l’encore plus grand plaisir de faire entendre au groupe ce qu’on avait écrit, souvenir de premiers ateliers d’écriture à l’APA puis ensuite d’un certain à l’abbaye d’Hurtebise au cours de week-end d’écriture animés par Coumarine). Bref plaisir toujours à faire des lectures mais là, il y avait peut-être un petit quelque chose en plus, le sentiment de contribuer à une transmission.

Avec tout ça je n’ai pas eu tellement de temps pour profiter de Paris. Un seul film jusqu’à présent (Inside Llewin Davis des frères Coen, pas mauvais mais sans plus, les Coen font du Coen) et une seule expo mais quelle expo ! Genesis du photographe Sébastiao Salgado à la Maison Européenne de la Photographie. Une merveille. Dès photos ramenées de huit années de voyage dans diverses contrées encore à l’écart de la civilisation moderne qui évoquent la terre originelle, montrent sa fragilité et sa stupéfiante beauté. Il y a des paysages absolument superbes mais pas seulement, il y aussi la faune, la flore et des hommes, ces derniers peuples qui occupent ces lieux. Salgado, plus que quiconque sait tirer des effets merveilleux de l’usage exclusif du noir et blanc. Magnifique lumière sous des ciels souvent tourmentés, ampleur et profondeur des paysages avec une intense présence des figures mises en avant, netteté des détails et des portraits sur les fonds plus évanescents. L’exposition est très importante, plus de deux cent cinquante photos, occupant les trois étages de la MEP. Les tirages, évidemment de magnifique qualité, sont en grand format. L’ensemble est très fort par ce qu’il dit et montre de notre terre mais beaucoup de ces photographies vous scotchent aussi par leur puissance esthétique individuelle. J’ai feuilleté les livres en sortant, me disant même que ce pourrait être une bonne idée cadeau pour mon père pour Noël. Mais évidemment la taille et la qualité des tirages n’ont rien à voir et l’on préfère rester sur l’impression forte que l’on vient d’avoir. Tant mieux d’une certaine façon. Cela justifie d’aller aux œuvres même, ça rappelle que c’est dans le moment seul de la visite que l’on est véritablement en présence et que c’est de cela qu’il faudra garder souvenir.
L’œuvre de Salgado est d’abord esthétique mais elle aussi un témoignage, attirant notre attention sur la nécessité de préserver la terre. Salgado joint d’ailleurs l’action à l’image. Il a créé une fondation l’Instituto Terra qui a fait revivre la forêt sur le site de la ferme familiale où il a vécu dans son enfance. Les images de la régénérescence de l’endroit sont impressionnantes et plus qu’encourageantes. Tout ça malheureusement pèse peu par rapport à la crise écologique généralisée que nous vivons. La seule autre exposition à la MEP en même temps que Salgado montre quelques images d’Alain Buu autour de la crise de l’eau en Inde, il y a des images hallucinantes sur la pollution du Gange ou sur la ville de Mumbaï, ça vous ramène à d’autres réalités qui hélas pèsent bien plus que les terres préservées qu’évoquent les images paradisiaques de Salgado.
Bien sûr j’ai lu l’article du Monde aussi sur le sponsoring douteux qu’apporte le groupe minier Vale aux entreprises de Salgado. Typique greenwashing. Ça attriste un peu mais bon, mieux vaut un peu de greenwashing que rien du tout et surtout ça ne remet en cause ni la portée du travail de Salgado ni, surtout, la somptuosité de ses images et le bonheur que l’on prend à les voir.
Cet après-midi Heimat sans doute, je vais essayer de voir les deux épisodes à la suite, demain encore un petit repas familial, lundi retour vers notre paisible province…