Me voici à Paris pour
quelques jours en mode connecté avant de repartir une quinzaine en Bretagne, de
nouveau sans connexion (et oui, je suis un être d’autrefois, mon téléphone
portable d’ancienne génération ne me permet pas de connexion, mais j’aime ça
aussi, ces temps de mise à distance de l’internet, de son grésillement continu
et de ses sollicitations multipolaires).
J’ai bien aimé ce séjour
suisse. Comme je le craignais il n’a pas été toujours facile de s’organiser
pour fonctionner au mieux des envies et possibilités de chacun avec nos
« anciens », mais finalement ça s’est bien passé, chacun a pu se
faire plaisir à son niveau et moi aussi, même si j’aurais sans doute aimé faire
aussi quelques randonnées un peu plus engagées. Le temps est resté superbe
pendant presque tout le séjour, sauf les trois derniers jours.
Il y a un certain charme
spécial au fait d’être en Suisse, même par rapport à nos Alpes du Nord
l’ambiance est différente. Il y a d’abord l’ampleur de ces montagnes des Alpes
valaisannes, à côté le massif du Mont-Blanc même s’il culmine plus haut est
presque riquiqui, ici les vallées sont profondes, on s’enfonce au cœur même du
massif, les 4000 ne sont pas juste devant soi comme lorsqu’on est à Chamonix
mais tout autour de nous, à droite, à gauche, devant… Et puis il y a ce côté
très léché, très carte postale, les chalets, les enclos derrière leur barrières
en bois, les potagers et les nains de jardin, les géraniums aux balcons, les
drapeaux suisses et les drapeaux valaisans à tout bout de champ, les chapelles,
les calvaires, les psaumes sur des panneaux de bois au détour des chemins, la
profusion des fleurs dans les prairies, le charme particulier des mélèzes avec
ce dessin élégant et léger de leurs ramures d’aiguilles, avec cette lumière
particulièrement douce sous leur couvert. Il y a là quelque chose qui me fait
remonter très fort les souvenirs de lecture de La Montagne magique.
La montagne est très
équipée. Avantage : on monte d’emblée très haut, cela permet de bénéficier
d’ambiances hautes montagne sans avoir à grimper mille mètres de dénivelée,
c’était spécialement appréciable pour les parents, pour mon père en particulier
qui a pu ainsi faire quelques belles balades pas trop longues au-dessus de la
montagne à vaches. Inconvénient : la montagne est un peu dénaturée par la
multiplicité de ces équipements, par les chemins d’accès pour les véhicules
d’exploitation, par les pistes de ski un peu partout, tout cela sans doute plus
perceptible au mois d’Aout lorsque le déneigement est très avancé. La région
doit être encore plus belle en juin, lorsque la neige recouvre une partie de ces terres abimées ainsi que les zones de recul des glaciers, pas spécialement esthétiques lorsqu'elles ne sont que grises caillasses comme en cette fin d'été.
La vallée de Saas-Fee où
nous avons résidé cette année est moins sauvage que celle d’Arolla où nous
étions il y a trois ans. Mais il reste tout de même des espaces libres, de
vastes prairies entre les maisons, bref cela respire. Impression toute
différente à Zermatt où nous avons fait un tour tout de même, histoire de voir
le Cervin (raté d’ailleurs, ce jour là les nuages sont restés accrochés à
mi-pente des sommets), la vallée est entièrement construite jusque sur les
pentes raides qui la bordent, les chalets anciens et les hôtels belle-époque
sont totalement noyés au milieu des constructions disgracieuses et les grues
sont en action sur les moindres parcelles restées libres. La foule est partout,
très cosmopolite, sur les parkings, dans la navette, dans les rues et cela
donne, malgré l’absence de voitures dans la station elle-même, un aspect très
urbain et très étouffant à l’ensemble.
Une autre curiosité de la
vallée de Saas-Fee est qu’elle est manifestement un lieu de vacances très
prisée de nombreuses communautés de juifs orthodoxes, venus de toute l’Europe,
qui s’y retrouvent. On les voyait en grand nombre, bien plus que Rue des
Rosiers à Paris. C’était tout à fait étrange de les voir déambuler dans cette
ambiance de chalets suisses et ça rajoutait un petit côté décalé, désuet, au
lieu, c’était comme si soudain Isaac Bashevis Singer se mêlait à Thomas Mann. Les
costumes ou l’allure pouvaient subtilement varier, selon, j’imagine, les
origines géographiques ou des courants religieux spécifiques, mais on
retrouvait toujours les chapeaux (grand chapeaux à larges bords mais aussi
chapkas), les chemises blanches et les habits noirs, les jeunes femmes brunes
en jupe sombre suivi de leur ribambelle de jeunes enfants. On les voyait
surtout dans la vallée mais certains randonnaient également et l’on pouvait en
croiser, toujours en costume traditionnel mais portant cependant de bonnes
chaussures de marche, le plus souvent également en famille. J’ai cherché sur
internet s’il y avait une cause particulière à cette présence étonnante,
historique peut-être (la vallée a-t-elle été un refuge pendant les années
noires ? des personnalités du judaïsme orthodoxe y ont-elles vécu ?)
mais je n’ai rien trouvé.
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Saas-Fee, Saas Grund et la chaîne depuis Kreuzboden |
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L'Allalinhorn et le Dom |
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Le village de Saas-Fee |
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Dans la douce lumière des mélèzes |
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L'Allalinhorn depuis Brittanica Hutt |
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La chaîne depuis Hohass |
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Sur le névé |
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Chapelle à Trifalp |
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Quelques fleurs |
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Cœur d'arnica |
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