Me voici revenu dans mes
pénates provinciales après une dizaine de jours parisiens très occupés et un
peu tourbillonnants. Pas mal d’occupations familiales, certaines fort
agréables, d’autres nettement moins. Un peu de cinéma, deux films, deux bonnes
pioches dans des genres on ne peut plus différents ! The Grand Budapest Hotel, délicieux, plein d’humour acidulé et de
réminiscences de nos Tintin d’adolescence, avec cependant un arrière-fond grave
sur cette fin d’un monde qu’a été l’entre deux guerres. J’y ai pris un vrai
plaisir comme pour chaque opus de Wes Anderson que j’ai vu ; Only lovers left alive de Jim Jarmush,
somptueuse mise en scène et en image d’un opéra baroque et nocturne, entre Detroit
et Tanger, avec des vampires portés par leur amour indestructible mais fatigués
aussi de leurs vies qui s’éternisent, tout ça assez lyrique mais aussi, fort
heureusement, mâtiné d’humour, un film j’imagine qui a dû réjouir aussi notre vampire blogueuse.
Quelques expositions aussi :
Cartier-Bresson : pas mal, c’est intéressant de voir l’œuvre et ses
diverses facettes dans son déroulé chronologique, faisant découvrir certains
aspects moins connus que d’autres. Mais cependant on a déjà vu l’essentiel ici
ou là, à de multiples occasions. Plus médiatisé et reproduit que
Cartier-Bresson il n’y a pas ! Donc ce n’est pas le même choc qu’en découvrant par exemple il y a peu le formidable travail de Salgado, une œuvre
que je trouve bien plus puissante. Cela dit c’était aussi le plaisir d’un pot
sur la terrasse supérieure du centre Pompidou, soleil mais fraîcheur, ciel
mouvant et venteux, belle lumière sur les toits de Paris…
Au Musée d’Orsay, très belle
expo Van Gogh-Artaud, beaux échanges entre toiles et textes hallucinés. Mais
surtout plaisir de découvrir pas mal de tableaux de Van Gogh que je n’avais
jamais vu même en reproduction, certains très beaux, quelle puissance de
lumière et de mouvement. On a fait un tour ensuite dans l’exposition Gustave Doré.
Bon, il a d’excellentes qualités d’illustrateur mais tout ça paraît, en
comparaison, bien plat, bien terne, très daté, même les compositions les plus
échevelées. Les grandes toiles en particulier ne passent plus du tout. Évidemment
comparer n’a aucun sens mais, à voir les deux expos l’une derrière l’autre, on
s’y trouve immanquablement conduit.
Cela dit mon séjour parisien
était également largement consacré à l’APA avec moult activités internes puis
aussi une table-ronde publique dont j’ai assuré la présentation et qui portait sur
un thème qui ne peut que chatouiller notre intérêt, à nous blogueurs, celui d’Ego
numericus.
Je ne vais pas faire un
compte-rendu de contenu, il y a aura un sur le site de l’APA d’ici ce week-end,
rédigée par l’amie Elizabeth, blogueuse de longue date elle aussi.
J’ai juste envie de donner
quelques impressions rapides. Je suis peut-être un peu mal placé car juge et
partie mais j’ai personnellement trouvé l’ensemble très intéressant avec des
interventions qui se complétaient bien. Les auditeurs m’ont paru dans
l’ensemble attentifs et intéressés bien que pour beaucoup d’entre eux très
éloignés des pratiques numériques, voire assez effrayés par elles. Il y a bien
eu quelques dodelinements de tête, surtout dans la première partie, mais enfin,
pas trop. J’ai regretté qu’on ne soit pas très nombreux, entre 70 et 80 et
surtout avec peu de personnes issues de nos blogosphères, ça c’est un peu
dommage, ça avait été différent, aussi bien en 2007 lorsqu’on avait pour la
première fois évoqué la question « Internet et moi » (avec Pierre,
entre autres, déjà) qu’en 2009 lorsqu’on avait disserté sur intime/privé/public
et qu’un certain Valclair avait fait son coming out de blogueur. Signe là
encore qu’il y a une certaine démobilisation de la blogosphère, enfin, du moins,
de notre blogosphère.
La première partie était
centrée sur des témoignages sur ce que l’émergence et l’accélération des
pratiques numériques avait transformé dans l’expression et dans le rapport à
eux-mêmes et aux autres de deux blogueurs, l’un l’ami Pierre, à partir d’une
pratique de diariste, l’autre Christophe Grossi, à partir d’une pratique
professionnelle de libraire, d’éditeur et d’écrivain. Les interventions de ce
premier temps, ont été un peu longues, surtout celle de Pierre. Mais cette
longueur même était le signe de la complexité des ressentis, de la difficulté à
la dire, les hésitations ou les redites portaient un sens en elles-mêmes, me
semblaient signe d’authenticité. Il n’empêche, c’est dommage, surtout dans la
mesure où cela a limité le temps laissé à la discussion générale à la fin de la
table-ronde. La seconde partie prenait du recul par rapport aux expériences
personnelles. Dominique Cardon s’est brillamment penché en sociologue sur la
construction des identités numériques en fonction de ses divers publics tandis
que Christine Genin nous a parlé, à partir notamment de l’expérience
d’archivage du web à la BnF, de la mémoire d’ego numericus avant de donner, en
s’appuyant sur quelques ouvrages de science fiction et de philosophie, un
aperçu de perspectives vertigineuses, tout autant exaltantes qu’effrayantes,
que la révolution numérique offre à l’humanité.
Bref tout ceci était d’un
contenu très riche. On pourra le retrouver, avec bien d’autres approches et
réflexions dans le dossier que La Faute à Rousseau à paraître en juin
consacrera à Ego numericus. Notre petite pierre dans une réflexion qui ne fait
que commencer.
Tiens, mon traitement de
texte soulignait énergiquement le « provinciales » de la première
ligne de ce texte. Renseignement pris dans les meilleurs dictionnaires, je
constate que pénates est en effet masculin. Je maintiens l'erreur comme trace de mon ignorance passée, je dois faire la faute depuis que
je connais l’expression mais je viens donc d’apprendre quelquechose. Merci
numericus !
Edit complément du 05/04 : Le compte rendu de la table ronde par Elizabeth est maintenant en ligne sur le site de l'APA ici
Edit complément du 05/04 : Le compte rendu de la table ronde par Elizabeth est maintenant en ligne sur le site de l'APA ici