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jeudi 31 juillet 2014

Point final



Depuis un bon moment j’avais deux billets dans le sas. Des amorces de billets plutôt, pas complètement rédigés. Un « Point final » commencé il y a plus d’un mois puis abandonné, un « Paresse » démarré plus récemment où je parlais de mes semaines parisiennes puis sur la Côte d’azur, du retour ici, des trois semaines que nous y passons avec les parents, de certains jolis moments que l’on saisit mais aussi de l’âge qui étend son ombre, une préfiguration de ce que nous serons, si vite (même si je suis toujours admiratif de l’activité et de l’élan de mon père et souhaiterais être comme lui à son âge !). J’avais commencé aussi d’y évoquer une sorte de langueur estivale m’empêchant de me mettre sérieusement à quoi que ce soit, m’empêchant justement d’écrire, une langueur qui m’a fait papillonner et qui m’a désagréablement plombé.
Et puis non, je laisse tomber « Paresse ». Et je reviens à « Point final ». Comme si « Paresse » était un remord, comme une tentative à demi consciente de retarder l’échéance, comme une petite voix venue du blog lui-même qui me dirait : encore un moment, Monsieur le bourreau.
J’ai toujours eu du mal à tourner des pages, à dire « c’est fini », pour les grandes choses comme pour les petites. Cela a été vrai pour tout, dans ma vie amoureuse, comme dans ma vie professionnelle. Je suis un homme de fidélité, de stabilité, de conservation. Avec excès sûrement, c’est la rançon de ma difficulté à affronter le risque et le changement. Plus profondément même c’est sans doute le signe d’une certaine peur de la vie. C’est ainsi.

Mais il faut que je dise « c’est fini » pour ce qui est de ces Chroniques. Des chroniques certes ce n’est pas un journal, ça n’implique pas une fréquence élevée, mais il y faut tout de même un minimum de régularité temporelle. Ce n’est plus le cas. J’oublie le blog pendant des semaines, je ne l’ouvre même pas, sans parler d’y écrire. Tout de même je clique de temps en temps sur les avis de mises à jour que m’envoie mon agrégateur et suis ainsi à peu près mes plus proches amis de la blogosphère (le peu qu’il en reste). Mais je ne fais plus de promenades de liens en liens, de découvertes en découvertes, je n’interviens plus dans les commentaires. Par moments certes des envies d’écriture sur le blog me passent par la tête, à partir d’une réflexion, d’un ressenti, mais ce sont comme des bulles légères, sans que je ne pose le moindre mot. Parfois aussi je me dis que puisque j’ai un blog il me faut un minimum l’entretenir et je me force pour produire un billet, pour passer d’une idée qui trotte à des mots posés sur l’écran. Ainsi en a-t-il été pour plusieurs des entrées au cours de ces derniers mois. Une fois que je m’y attelle, il est vrai que j’y prends un certain plaisir comme j’ai plaisir aussi à voir le billet terminé, à sentir qu’il est bien tourné, agréable à lire. Plaisir encore d’avoir un retour ou un autre, une appréciation positive. Savoir qu’il y a des lecteurs, fussent-ils une poignée, qui se retrouvent et prennent plaisir à mes mots partagés est toujours un bonheur. Ces échos amicaux ont largement contribué à ce que je continue, cahin-caha. Mais il n’empêche désormais je ressens mes interventions sur ce blog comme vraiment trop artificielles. En vérité c’est le cas depuis longtemps. En fait depuis le début de ce nouveau blog. Plus de deux ans déjà mais moins de cent billets. Ces Chroniques étaient d’ailleurs elles-mêmes une tentative de reprise, avec une ligne d’écriture un peu différente, après que j’ai eu décidé d’en terminer avec Valclair (2003-2012). En fait la mayonnaise (si j’ose dire !) entre ce nouveau blog et moi n’a jamais pris. Je n’ai pas trouvé la bonne formule, celle dans laquelle je me serais trouvé à l’aise. Sans doute sans me l’avouer aurais-je voulu retrouver les élans, les enthousiasmes qui avaient porté Valclair dans les temps les plus riches de l’aventure relationnelle et d’écriture de ma blogosphère vers le milieu de la précédente décennie et cela évidemment c’était impossible, parce que le temps est passé et que tout bouge, tout change…

Alors il vaut mieux finir vraiment plutôt que de laisser ce blog s’effilocher de plus en plus au gré de billets de plus en plus rares et, je le crains, de plus en plus tirés au forceps. C’est mieux. C’est plus clair. En tout cas ça me dégage l’esprit des questionnements autour du blog, continuer ou pas, faire ou non un billet de ceci ou de cela. Ça dégage, ne serait-ce que psychologiquement, de l’espace mental pour d’autres choses.

Ce n’est pas sans hésitation ni sans regret que je m’arrête. Il en fallu du temps à ce billet pour mûrir. Puis encore un peu de temps, une fois qu’il a été prêt, pour faire le clic le mettant en ligne. Mais voilà, c’est fait. Il faut voir cela en positif. C’est bien de tourner des pages. Cette fois c’est définitif. Enfin je pense. Il ne faut jurer de rien. On en connaît de ces vieux chanteurs ou vieux acteurs qui multiplient les dernières et puis qui la saison d’après reviennent mais force est de constater que c’est en général assez pathétique. On va tâcher d’éviter.

J’écrirai toujours bien sûr. Des choses très diversifiées. Mes articles dans La Faute à Rousseau, mon rapide journal memento, parfois quelques pages plus intimes pour moi seul quand le besoin s’en fait sentir, des petites nouvelles plaisir (et maintenant qu’il est devenu aisé et pas trop couteux d’éditer à la carte, j’en ferai sans doute un ou deux recueils publics), enfin ce travail en cours autour de la saisie de mes journaux manuscrits d’autrefois et de tout ce que cette démarche fait remonter, un travail qui pour l’heure me plaît bien. Mais, sans doute, au total écrirais-je moins. Il faut garder le temps de vivre et de savourer, avec ce qu’il y faut de lenteur, ce qui passe à notre portée. La vie désormais passe trop vite pour qu’on passe trop de temps à l’écrire. 

Peut-être réactiverais-je aussi un peu mon compte Facebook dormant. Non naturellement pour l’abreuver sans cesse d’infos ou photos en tout genre, ce serait parfaitement contradictoire avec ce que j’ai écrit plus haut, mais juste pour donner ici ou là un coup de cœur de lecture ou de cinéma, pour relayer quelques actions ou publications de l’APA et pour donner quelques nouvelles à ceux de mes lecteurs qui pratiquent le réseau. Mais ce n’est même pas sûr et resteront alors, pour ceux qui voudront bien, quelques mails à l’occasion et puis, avec les plus proches, les rencontres In Real Life. 

A toutes celles, tous ceux, qui m’ont suivi, de très longue date ou plus récemment, je dis merci de leur présence exprimée ou silencieuse et j’adresse mes pensées amicales, chargé pour chacun(e) de toutes les nuances ou sentiments particuliers en lien avec ce que nous avons partagé au cours de ces plus de dix années.