Pages

dimanche 30 décembre 2012

Ici-Paris



Non, pas vraiment Ici-Paris comme le canard vaguement graveleux de faits divers de notre enfance (est-ce que ça existe toujours, ce truc, dans les profondeurs de la presse ?), plutôt Ici et Paris.

Ici, car hier a encore été une superbe journée. Un coup d’Autan en fin de nuit et en début de journée, les craquements de la maison et du jardin et les étals secoués des commerçants au marché. Mais le vent n’a pas duré. Ciel pur, dégagé. Dans l’après-midi l’air était frais, juste ce qu’il faut, et au soleil, il faisait délicieusement doux. J’ai enfourché mon vélo et suis parti le long de la Rigole. Magnifique lumière tout du long, éclairant de biais entre les arbres, faisant se succéder les plages d’ombre et de soleil. Je filais sud, sud-ouest, donc le soleil plutôt devant moi. Comment ne pas vouloir le suivre ! Le tout accompagné en plus du doux chuchotement de l’eau. Plusieurs fois je me suis arrêté pour contempler brièvement quelques aperçus de campagne particulièrement harmonieux et qui auraient fait de belles images du genre de celles qu’affectionne et que réussit si bien l’ami Nuages dans les campagnes ardennaises. Ainsi ce champ, avec les courbes très marquées des lignes de labourage, derrière et légèrement en hauteur sur le coteau, une ferme et les bouquets d’arbre qui l’entourent, quelques pins et quelques cyprès, donnant de la verticalité, une lumière presque rasante, accusant les ombres, un ciel clair d’un côté et sombre de l’autre où une barre de nuages s’était formée et où s’annonçait la nuit. J’ai regretté de ne pas avoir mon appareil photo. Je reviendrai à cet endroit pour le photographier mais retrouverais-je une aussi belle lumière ? Pour l’instant je mets l’image dans ma tête, à défaut de la mettre dans la boîte et ce n’est pas forcément moins bien. En tout cas, porté par mon exaltation, je me suis laissé entraîner plus loin que ce que j’avais prévu, je crois que j’aurais pu pédaler jusqu’au Seuil de Naurouze à la poursuite du soleil déclinant ! Bon, j’ai tourné avant tout de même, je suis revenu par les routes au pied des collines, en ayant un peu froid dès le soleil couché, un peu tendu aussi, car je n’ai pas d’équipement de nuit et je ne devais pas être très visible entre chien et loup !

Et Paris donc, puisque je l’ai promis, mais en quelques lignes…
Une semaine riche, famille, cinés, expos …

Côté famille, ce fut un bon cru. Je redoute toujours un peu ces réunions festives qui ont tendance à s’éterniser, où certains ne sont là que par obligation et où passent d’inévitables tensions, même si elles restent discrètes, à l’effectif trop nombreux et qui n’est guère favorable aux rencontres et échanges en profondeur. Là tout s’est bien passé. Une chose était très plaisante. Les cousins et cousines de la génération de mes fils sont tous à Paris, après avoir été, qui à Cambridge, qui en Californie, qui en Finlande et qui en Chine les précédentes années, cela faisait donc longtemps qu’ils ne s’étaient pas retrouvés tous ensemble, c’étaient des ados, les voici jeunes adultes, ils avaient l’air vraiment ravis et dans une immédiate complicité qui faisait plaisir à voir et j’ai eu l’impression que leur tonicité se communiquait un peu à toute l’assemblée. S. est venu avec son amie taïwanaise, certes elle n’a aucune famille ici et il était assez logique qu’elle se rattache à nous un soir comme celui-ci, mais je crois que ça dit un peu plus, comme aussi le fait que S. se soit mis à l’apprentissage du chinois avec énergie. Voir cette relation qui semble se construire dans la durée n’est pas pour nous déplaire, même si là-dessus nous n’avons rien à dire et nul pouvoir évidemment. 

Côté culture surtout dire ce qui est sorti du lot…
Tabou, côté cinéma. La première partie est sans doute un peu longue et un peu appuyée dans la caractérisation des personnages spécialement de Madame Santa. Mais elle est indispensable et contribue à nous mettre dans un état de réceptivité maximale pour accueillir la seconde partie qui est une pure merveille, on est totalement absorbé dans une sorte de bulle poétique et mélancolique qui parle avec force et à chacun du temps passé et des amours défuntes. En même temps le film, sans avoir l’air d’y toucher, dit beaucoup sur la société coloniale, sur son délitement, sur ce qui en survit dans le Portugal d’aujourd'hui. Et puis que la langue portugaise est belle ! À nos oreilles en tout cas elle semble porteuse de poésie par sa seule musicalité.
Raphaël, côté exposition. Là encore j’ai été saisi d’émotion face à certaines toiles, de cette sorte d’émotion qui vous sort littéralement de vous-même comme je l’avais évoqué pour la Sainte-Anne de Vinci. Ici ce sont les portraits qui m’ont bouleversé. Je ne sais plus qui a dit quelque chose comme « l’art du portrait c’est de rendre l’absent présent ». C’est tout à fait ça. Regardez-les, regardez particulièrement les regards, les personnages, les personnes plutôt sortent de la toile, elles sont là, près de vous, avec vous, et pourtant elles ne sont que poussière depuis plusieurs siècles, ça a quelque chose de bouleversant.
Le reste ne manquait pas d’intérêt mais sans offrir ce plus que confère l’émotion. L’expo sur les Cartes marines (intéressant mais bof !) à la BNF, l’expo sur les 100 photos du siècle (ensemble trop hétéroclite), Six siècles d'art du livre au MLM (très jolie expo dans un espace un peu trop resserré), le film Les bêtes du Sud sauvage, pas mal, spectaculaire, un peu pesant parfois et qui s’oublie, Anna Karénine (première demi-heure difficile, il faut accepter de rentrer dans la convention de théâtralisation, l’heure qui suit, ça va, on est dedans, belles images, belle passion, la fin, ça s’éternise, ça déborde, on n’en peut plus, l'artificialité de l'ensemble nous rattrape. Heureusement il y a Keira Knightley, bon Dieu qu’elle est belle, regardez son sourire, le léger défaut de sa dentition, cette canine légèrement mal plantée, tout est là, c’est ce qui l’humanise, outre la qualité de son jeu naturellement, ce n’est pas juste une icône glamour).


 Donna Velata de Raphaël, juste pour mémoire, parmi beaucoup d'autres portraits, à la présence aussi intense. Mais comme d'habitude la reproduction ne rend pas la magie de l'original. En allant chercher sur internet il y avait au moins 20 images de ce tableau, toutes dans des teintes différentes, j'ai choisi celle-ci aux teintes assez douces mais je suis incapable de dire si c'est la plus fidèle à l'original!

vendredi 28 décembre 2012

De retour



Me voici de nouveau « à la maison ».
J’y suis seul. D. s’est rendue dans une autre province pour les obsèques d’un de ses oncles, elle reviendra ici pour le 31 accompagnée de sa mère qui passera le réveillon avec nous.
Je réalise que c’est la toute première fois que je suis seul dans cette grande maison. L’impression n’est pas pour me déplaire, dès lors sans doute que ça ne dure pas trop. Mais il y a une vraie différence d’ambiance avec les moments seuls dans un appartement parisien. Les échos des pas ne sonnent pas de la même façon dans les vastes pièces. Les « autres », les voisins, semblent bien plus lointains même si ce n’est en vérité qu’une impression puisque la maison est au cœur de la petite ville. N’empêche je pense aussi à mon grand père qui lui a vécu seul pendant plusieurs années dans cette vaste bâtisse, de surcroît nettement moins confortable à l’époque.

Je suis arrivé à la nuit tombante hier soir, par un temps pluvieux et venteux, à vrai dire assez sinistre. Même s’il a fait plutôt doux pour la saison ces derniers jours, la maison s’était bien refroidie et il faut plus d’une soirée pour que le chauffage relancé ramène une température agréable. Mais j’ai fait un feu dans la cheminée de la cuisine en bas et j’y ai pris mes quartiers pour la soirée. J’ai fait chauffer une soupe, en pack mais pas mauvaise tout de même, ouvert une conserve locale de lentilles aux saucisses, le tout arrosé de deux bons verres de vin, et j’étais bien, paisible et absorbé par la danse des flammes dans l’âtre. Puis j’ai bouquiné un moment à la chaleur du feu déclinant. Je ne suis remonté que pour gagner ma chambre et pour me glisser entre les draps froids mais sous une couette épaisse où l’on peut rapidement réchauffer de sa propre chaleur corporelle le petit cocon douillet qui nous accueille. J’ai senti remonter, et ce n’était pas désagréable, des souvenirs du temps d’avant le chauffage central généralisé, lorsque les maisons étaient moins chauffées et qu’il était banal d’avoir un peu froid dans les chambres. 

Aujourd'hui je vaque à diverses occupations. J’attends pour l’heure une livraison, j’espère qu’ils viendront assez tôt car je profiterais bien du soleil qui semble vouloir percer les nuages, pour faire une petite marche. Je voulais écrire aussi quelques lignes sur mes activités de la semaine passée à Paris, tant que le souvenir en est assez vif, mais je ne suis pas sûr d’en avoir suffisamment l’envie pour en trouver le temps.

lundi 24 décembre 2012

Mort!



Cette nuit j’ai rêvé que j’étais mort !
Pourquoi étais-je mort, dans quelles circonstances, cela le rêve ne le disait pas mais j’étais mort, incontestablement mort. Pas désespéré de l’être, juste triste et résigné.
Et continuant donc à avoir des perceptions, des pensées et des souvenirs, plus ou moins vifs ou au contraire amortis selon les phases du rêve mais l’essentiel du songe, ce qui le traversait tout entier c’était l’étonnement, la stupéfaction que tout cela continue.
Se sont succédées de multiples scènes qui pour l’essentiel hélas m’échappent au réveil mais dans lesquelles je naviguais, sans pouvoir bouger, sans pouvoir parler, sans pouvoir agir. Il y avait ma très ancienne amie D. de Bordeaux qui discourait, il y avait un type genre sdf mal en point allongé sur un trottoir, il y avait l’Express, non pas l’Express d’aujourd'hui mais celui de mon enfance et des titres d’articles qui s’égrenaient er des gens qui les commentaient, il y avait l’impression qu’il se mettait à faire très froid et moi qui pensais, c’est parce que nous sommes au Canada et que c’est l’hiver et une voix disait : pourtant l’hiver n’est pas très froid cette année…
Et tout cela en étant mort, en ayant conscience d’être mort, en me demandant comment il se faisait que j’avais ces perceptions, ces pensées, pensant d’abord que c’était juste une persistance, comme une persistance rétinienne et que ça allait s’éteindre mais ça ne le faisait pas, au contraire et je me demandais combien de temps ça allait durer. A aucun moment ne m’est venue une hypothèse liée aux religions, comme celle d’une autre vie après la vie, non il y avait juste cet étonnement renouvelé voire accentué à chacune des scènes, le sentiment d’une incongruité. Tout cela dans une ambiance triste, mais pas cauchemardesque ou angoissante, plutôt douce et paisible en fait.
Jusqu’à ce que je perçoive ce carré de ciel plus clair au-dessus de ma tête à l’endroit du velux, dont hier je n’avais pas tiré le rideau, jusqu’à ce que je lève mon bras et constate qu’il obéissait à la commande de mon esprit, jusqu’à ce que je me dise avec un certain soulagement mais sans non plus l’impression de m’arracher à un rêve monstrueux : « ah mais tout s’explique, c’est juste que je n’étais pas mort ! »
Bon ce n’était pas un conte de fées, mon affaire, j’aurais pu vous trouver plus plaisant en cette veille de Noël, mais bon c’est bien cela qui est venu me visiter, les rêves ça ne se commande pas et celui-ci me paraissait si inhabituel, si particulier que je me suis empressé de le noter…

lundi 17 décembre 2012

Jours tranquilles...



Les jours se succèdent ici et se ressemblent… Plutôt agréables !
Les matins en général, travail à nos bureaux respectifs (ah ce plaisir du lieu à soi), lectures, écritures, préparation notamment des articles que je dois envoyer pour le prochain numéro de La Faute à Rousseau.
Chaque après-midi promenade à pied ou en vélo pour profiter des heures douces, en gros entre 14h et 17h. A part deux jours qui ont été un peu froids, il fait extrêmement doux, samedi par exemple j’ai pu cheminer un bon moment en simple chemise, face à un soleil bas mais doux sur la crête d’une colline, face à Saint Félix, aux maisons étincelantes de soleil mais devant un ciel qui était très noir, magnifique contraste. En vélo on n’en a pas fini de l’exploration des petites routes locales, elles s’insinuent partout en un réseau dense, dans la plaine et dans les collines, entre les fermes et les maisons retapées. Cette campagne est vraiment belle et vivante, peu de bâtisses ou de champs à l’abandon, et même beaucoup de constructions neuves, presque trop, les lotissements se multiplient entraînant à certains endroits un relatif mitage de la campagne.
Plaisir du jardin aussi. A vrai dire pas grand-chose à y faire pour l’instant, maintenant que nos plantations sont faites. On va leur jeter un coup d’œil, s’imaginant je ne sais quelle poussée, bien sûr c’est la dormance pour l’instant, mais les néophytes que nous sommes ne peuvent s’empêcher d’espérer quelques signes. On s’est fait nos premières châtaignes grillées dans le feu, dans notre poêle ad-hoc achetée à la brocante la semaine dernière, avec un bon verre de vin, devant la flamme dansante et douce, une pointe de sel sur le sucré du fruit, quel délice. Et puis nous continuons tranquillement l’aménagement de la maison, sans hâte d’autant que mon père qui devait nous faire visite pour le premier de l’an a repoussé son voyage au début du printemps. Et on s’est même acheté une télévision, pour les longues soirées d’hiver. De vrais petits retraités, quoi !

Deux films aussi au petit ciné au bout de la rue (pas besoin du métro ici, quelques pas nous suffisent). Bien sûr il n’y a pas la même offre et bien des films passent en séance unique. Mais enfin rares sont les semaines où il n’y aurait rien à voir. On a vu Populaire, j’ai bien aimé, rien de bouleversant évidemment mais c’est un divertissement très plaisant, au début on craint que ça ne soit un peu lourd et on peine un peu à entrer dedans, mais ensuite on est pris, c’est rapide, enjoué, souvent drôle, et Déborah François est vraiment craquante. Et on a vu aussi Traviata et nous, un documentaire qui suit au plus près la préparation d’une Traviata pour le festival d’Aix, avec Nathalie Dessay. C’est très chouette, il y a la musique mais aussi tout le reste, la construction du jeu et de la mise en scène, les tensions d’une telle préparation mais aussi ce bonheur manifeste que ressentent les protagonistes à travailler ensemble et qui fait une grande part de l’émotion de ce beau film. Et voilà un des avantages d’une offre moins pléthorique qu’à Paris : il y a peu de chance que là-bas j’aurais été voir ce film car il y en aurait eu pleins d’autres qui m’auraient plus sollicités. 

Jours tranquilles mais plus pour longtemps. On repart à Paris cette après-midi même. J’ai avancé notre retour pour participer au repas de fin d’année à mon (ex)-bureau, ça me fait plaisir de les revoir tous et d’autant plus maintenant que c’est à distance. On part en train cette fois, chargé entre autres d’un plein sac à dos de magrets de canards, de foies gras et charcutailles diverses, notre localisation oblige, c’est nous qui fournissons pour la réunion de famille de Noël. Et donc en route pour ces moments toujours ambivalents, entre plaisirs et tensions, dans la dite « Magie-de-Noël », souvent bien peu magique et par trop surconsommatrice, mais bon, porteuse de bons moments aussi.

lundi 10 décembre 2012

Décade parisienne



Nous voici rentrés « chez nous » (encore du mal  à dire ce « chez nous »). Je ressens encore un peu cet éclatement entre mes deux lieux. Avant de partir de Paris, impression qu’il y avait encore mille choses que j’aurais voulu faire, expos ou films cochés sur Télérama. En même temps envie d’être ici. Le voyage est long et on n’est pas des fans, c’est un euphémisme, des longs trajets en voiture. Ensuite on privilégiera sûrement le train mais pour le moment on a encore pas mal de bricoles à trimballer. Ah je rêve de téléportation ! Etre ici, être là-bas, le temps d’un clin d’œil !

Ma décade parisienne a en tout cas été très occupée. Beaucoup de choses liées à l’opération du fiston (qui s’est bien passée), beaucoup de moments à se retrouver comme on avait rarement eu l’occasion de le faire depuis plusieurs années, ce qui est très agréable. Mes activités en lien avec l’APA aussi que j’ai évoquées dans mon précédent billet. Et puis aussi bien sûr une bonne pilée d’activités culturelles diverses.

J’ai pas mal été au cinéma notamment. Voici pour mémoire mes films vus avec mes brefs commentaires non dans l’ordre où je les ai vus mais du moins au plus marquant :

Augustine : intéressant d’un point de vue documentaire, mais assez plat dans la façon de filmer. Les clairs-obscurs sont sans doute voulus mais leur présence excessive épuise le regard et contribue à l’ambiance sinistre du film. Les interviews de malades trop pesamment démonstratives sont en trop. Soko en Augustine est excellente, c’est l’atout principal du film, par contre Chiara Mastroianni et Vincent Lindon me paraissent peu convaincants comme l’ensemble des seconds rôles d’ailleurs. 

Paperboy : moi, ça m’a plu alors que ce film a été très décrié par beaucoup. Il y a un climat très bien rendu, on ressent cette ambiance sensuelle, moite et délétère. L’Amérique des grands espaces et de la nature profonde recèle aussi ces paumés frustes et hyper-violents, hors-la-loi sans foi ni loi et figures récurrentes de la littérature et du cinéma américain, je pense en particulier à l’effrayant Délivrance. Il y a certes ici dans les scènes de bayou une complaisance dans le sanguinolent gratuite et inutile, tant qu’à faire j’aurais volontiers troqué un part de cette violence pour un peu plus d’aguicheuse Kidmann, laquelle ne m’a pas laissé insensible.

Au-delà des collines : c’est un film intéressant, loin de tout manichéisme, la description de la Roumanie rurale post Ceausescu est convaincante, le pope et ses nonnes croient bien faire. Mais la psychologie des jeunes femmes, leurs besoins et enfermements respectifs sont cependant si évidentes d’emblée, la progression régulière vers l’issue tragique est tellement sans surprise, que le film malgré ses qualités est assez ennuyeux, d’autant qu’il est un peu long.

Après Mai : j’ai beaucoup aimé. C’est un film parfaitement « juste » qui ramène avec conviction dans l’époque. Les visages, les façons d’être, de se mouvoir, de parler des jeunes acteurs m’ont paru exactement ça, le casting est vraiment réussi car les looks d’aujourd'hui sont sacrément différents, il fallait les trouver ces jeunes qui colleraient à ce point. Tous les détails et décors collent excellemment, (ah la « bavasse » qui tourne au fond d’un local du PSU), mais aussi les émois adolescents, la façon dont se nouent ou se dénouent les idylles amoureuses, comme les discussions tant politiques qu’existentielles. On pouvait être ailleurs ces années là (à Lyon pour moi), dans des histoires groupusculaires différentes, avoir forcément des vécus (et des névroses) personnelles différentes (pour moi plus apparatchik coincé, genre Michel Recanati, pour ceux qui ont vu Mourir à trente ans) mais n’empêche on s’y retrouve.
J’ai entendu beaucoup de critiques négatives parlant d’artificialité, de fausseté, de dialogues irréels auxquels on ne pouvait croire. Pourtant il y avait bien ce genre de débat entre révolution sociale et politique et/ou personnelle, Vive la révolution et la Ligue ou les Marxistes-Léninistes comme il y a eu beaucoup de ces grandes fêtes tristes et beaucoup de voyageurs, sur place ou à l’autre bout du monde, qui ne revenaient pas. C’est qu’on est en 71, pas fin 68 ou en 69, et le climat avait foncièrement changé. C’est peut-être ce qui a surpris et désarçonnés certains. Ces débats ne sont pas tous explicités, heureusement sinon c’aurait été affreusement ennuyeux, mais c’est ce qui en rend la perception pas évidente pour les gens qui n’ont pas traversé cette période. J’aimerais bien que mes fils aillent voir et que je puisse parler avec eux de ce qu’ils en ressentiront.
Cela dit, sur ce fond excellemment recréé, il y aussi un effet de distance voulue, qui est donné, il me semble, par un certain traitement de l’image, de la lumière, ces lumières par exemple souvent mordorées. C’est l’époque mais c’est aussi l’époque telle qu’elle perdure en Olivier Assayas, quarante ans plus tard, dans la lumière et/ou derrière le voile du souvenir (c’est pareil !). La longue séquence dans la fête, l’errance douloureuse de Gilles, celle plus tragique de Laure est particulièrement significative, elle est manifestement recréée dans l’esprit de l’homme mûr d’aujourd'hui et constitue à mon sens le point d’orgue du film même si celui-ci  se poursuit un long moment encore. 

J’ai aussi été voir l’exposition à la Cinémathèque sur Les Enfants du Paradis, excellente exposition. Plaisir à revoir en contexte quelques extraits du film. Les acteurs ont tendance à surjouer par rapport à ce que sont les modes de jeux dominants aujourd'hui. Mais ça fait partie du charme et de l’aura de poésie qui entoure le film, créant une espèce de mise à distance, comme les décors et les décors dans les décors. Et Arletty et Barrault sont magiques !
D’autres expos aussi pendant ce séjour et l’occasion de percevoir combien conditions de visite et état personnel d’attente jouent. On entre ou on n’entre pas en communion.
Je ne suis pas du tout rentré dans Hokusaï à Guimet contrairement à Elizabeth. Sans doute est-ce parce que j’ai eu la mauvaise idée d’y aller dimanche sans réaliser que c’était jour de gratuité et qu’il y aurait un monde fou. Ces petites pièces nécessitent particulièrement qu’on puisse les approcher et s’en pénétrer dans un relatif silence et concentration : là je n’ai pas eu l’impression de voir beaucoup mieux que ce que m’aurait apporté une bonne reproduction, il n’y a pas eu la magie de ce contact direct avec la puissance de l’œuvre elle-même dont parle Elizabeth et que j’avais pour ma part ressenti avec une intensité merveilleuse devant la Sainte-Anne de Léonard.
Par contre j’ai beaucoup apprécié l’exposition Bohèmes. Je partage l’impression de Guillaume selon lequel il y en a en vérité deux expositions en une. Mais c’est très stimulant. Et si le fil qui les relie est ténu, il existe cependant. Il y a des œuvres vraiment très belles certaines que l’on a plaisir à revoir, d’autres que l’on découvre. Et c’est vraiment plaisant d’être confronté en un relativement petit nombre d’œuvres à tant de styles picturaux, c’est l’avantage des expos thématiques. Enfin j’ai été voir cette expo mercredi dans la soirée, il y avait relativement peu de monde, ça change tout, il faut profiter des nocturnes en général plus tranquilles pour visiter les expositions.

Et puis voilà, nous sommes repartis. J’espérais aller voir Tabou mais une visite impromptue dans notre dernier jour parisien m’en a empêché, mais je ne m’en plains pas, plaisir des visites.
Et nous voici à nouveau ici.
Temps frais et clair, vif et revigorant.
Samedi marché puis achats de pieds de vigne, de framboisiers, de cassisiers, de groseillers. Puis une bonne partie de l’après-midi occupée aux plantations dans le jardin. C’est vraiment exotique pour moi ça (à Paris c’était D. qui s’occupait des quelques plantes de notre mini jardin). J’y ai choppé un certain mal de dos, par maladresse sans doute, il faut faire les choses en douceur plus qu’en force mais j’apprendrai et puis que ça fait du bien aussi d’avoir les mains dans la terre !
Hier dimanche brocante sur la place. J’ai craqué pour une poêle à châtaignes et pour une chaise qui renversée se transforme en escabeau, idéal pour accéder aux rayons les plus hauts de ma bibliothèque. Aïe, si maintenant je me mets à chiner, moi qui veux m’alléger ! L’après-midi presque trois heures de marche revigorante sur les pentes de la Montagne noire, dans l’ombre froide de la forêt d’abord puis sous le soleil d’hiver, bas déjà, sur le plateau, les Pyrénées au loin noyées dans la brume et le contrejour mais les collines du Lauraguais au pied dans une belle lumière mordorée. Retour à la voiture, très rafraichis, à la nuit tombée mais ensuite à la maison une soupe devant un feu de bois !
Autre lieu, autres mœurs !