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mardi 27 novembre 2012

Parisien



Me voici de nouveau parisien pour une dizaine de jours. Et pour la première fois en mode inversé. J’ai quitté ma désormais résidence principale pour ma désormais résidence secondaire. Toutes nos affaires sont maintenant là-bas et c’est ici que je m’aperçois que j’en ai oublié certaines dont j’aurais eu besoin. Certaines paperasse nécessaires pour des démarches que je comptais faire, mon chargeur de téléphone portable et le voici déjà en rade, tant pis je m’en passerai, enfin mon manteau, nous baignions encore là-bas tellement dans une période de temps clément, que même si l’idée de la nécessité de prendre ce manteau m’a traversé, finalement, à la dernière minute, je l’ai oublié ! 

Nous revenons surtout pour dorloter fils ainé qui se fait opérer du genou (à l’heure qu’il est il doit être sur le billard) et qui va revenir habiter un moment ici dans notre rez-de-chaussée, tant qu’il ne pourra pas accéder à son appartement, perché à un quatrième étage sans ascenseur. Du coup la maison se retrouve très remplie entre fils ainé, fils cadet et son coloc, nous, sans compter les petites amies de ces jeunes gens qui viennent dîner et dormir ici de temps en temps. Nous avons été emprunter des matelas à nos voisins et nous voici donc en situation de quasi camping. Bref l’appartement va être tout ce qu’il y a de vivant, ce qui est plutôt sympathique, pour quelques jours en tout cas.
Pour ma part je reviens aussi pour diverses activités de l’APA, diverses réunions internes, notamment pour préparer un recueil de textes, à partir de notre fonds, sur le monde des cheminots ainsi qu’une table-ronde sur Cinéma et autobiographie prévue au mois de mars prochain. Et pour assister à une table ronde publique ce samedi 1° décembre à l’ENS autour des textes de notre fonds sur le Maghreb. Cela devrait être intéressant et si quelques uns de mes lecteurs avaient envie d’y assister, n’hésitez pas, voir la présentation de la manifestation ici.
 Et puis bien sûr je compte profiter de mon séjour pour me faire quelques toiles et/ou expositions, j’espère que je trouverai le temps et l’énergie pour en rendre-compte à la fois pour en faire des souvenirs pour moi-même et pour mes lecteurs.

vendredi 23 novembre 2012

ça prend tournure...



On progresse dans notre réinstallation. Le plus gros est fait maintenant. Il ne reste que quelques cartons pas encore ouverts dans la bibliothèque, des cadres à mettre au mur, certains bibelots qui nous parlent, qu’on veut présents dans notre cadre de vie et auxquels il faut trouver une place. Comme il faudra se préoccuper un jour de rideaux, ne serait-ce que pour améliorer l’isolation thermique de la maison. Mais tout cela n’urge pas, c’est une phase où il faut se laisser le temps de sentir les choses, donc là on ralentit un peu nos activités d’emménagement, on commence à prendre plus de temps pour autre chose.
On a invité ce soir nos voisins à un apéro de bienvenue. Ce qui était aussi une façon de se donner une date butoir pour avoir une maison présentable et entrer dans le concret d’une présence sociale ici.

Le temps la semaine dernière a été très clément. On a pu déjeuner à plusieurs reprises dans le jardin. Quelle merveille ! Sous un soleil doux d’automne. Avec des chants d’oiseaux certains jours très présents, d’autres moins, je me demande à quoi ça tient, en tout cas avec certaines variétés de chants que l’on ne connaissait pas, certains oiseaux que l’on n’entend pas l’été. Quelques promenades aussi, à pied ou en vélo, dans les milieux d’après-midi, pour profiter des heures les plus douces et sortir la tête des cartons.

Hier nous avons eu le ramoneur, la cheminée est maintenant tout à fait opérationnelle dans notre grande cuisine du rez-de-chaussée, qui est la pièce où nous dînons, c’est si agréable de le faire devant un vrai feu de bois vivant, cela nous parait incongru à nous, vieux parisiens, cela nous parait, pour l’instant du moins, un peu magique, comme si nous étions dans une carte postale.

Je prends du plaisir au rangement des livres. Je ne suis plus dans ce moment désagréable où je menais de laborieuses négociations intérieures pour savoir ce que je gardais et ce que j’éliminais. Je me rends compte que, dans l’espace prévu, tout ce que j’ai apporté de Paris va rentrer à l’aise. Je fusionne les livres déjà présents ici avec ce nouvel apport. Je fais les regroupements thématiques à mon idée, je classe approximativement, selon un critère alphabétique d’auteurs pour la littérature et plutôt selon des critères chronologiques pour les livres d’histoire et par sous thématiques pour les essais, la psycho, la socio, j’ai quelques sections spécifiques aussi, correspondant à des intérêts particuliers à certains moments de ma vie, ce qui reste de mon temps militant par exemple, ou bien la section autour de la gastronomie et de l’histoire de l’alimentation, enfin, en lien avec mes préoccupations plus actuelles, ma bibliothèques autour de l’autobiographie et tous les documents de l’APA. Je peux organiser tout ça correctement, avec une certaine souplesse d’espace, en laissant des respirations sur certaines étagères. Du coup j’ai l’impression que ma bibliothèque, qui me semblait morte à Paris, complètement étouffante, écrasante, redevient vivante. D’ailleurs je lis beaucoup en ce moment, plus exactement je parcours beaucoup de livres, je remets le nez dans des choses que je redécouvre et puis aussi je découvre purement et simplement des choses qui étaient ici et que je n’avais jamais lues.

Un autre bonheur du lieu est qu’ici D. et moi avons vraiment chacun notre espace propre, indépendamment de notre chambre commune et situés à deux extrémités opposées de la maison. C’est la fameuse « chambre à soi » dont à plusieurs reprises par le passé, j’avais dit combien elle me manquait. D. peut avoir tout le foutoir qu’elle veut dans sa pièce, alors qu’il m’agaçait dans notre bureau commun à Paris qui était aussi notre chambre, elle peut faire ce qu’elle a à faire en écoutant la radio, téléphoner ou converser sur Skype sans me déranger. Moi, je peux naviguer sur internet, je peux lire, écrire, rester immobile ou m’agiter, hors sa présence qui parfois me déconcentre et qui, même sans être en rien inquisitrice, parfois me gêne et me bloque. En cas d’insomnie ou de réveil très matinal, je peux venir ici et ne pas risquer de déranger en allumant la lumière et en m’agitant. Je peux me mettre à mon bureau ou m’affaler sur le canapé, selon l’envie et la vivacité de mon réveil.

Bref, pour l’instant, tout baigne, on se sent décidément très bien ici et on ne voit pas ce qui pourrait nous faire regretter notre décision.

mercredi 14 novembre 2012

Les tensions de la transition



Nous avons voyagé avant-hier et sommes donc arrivés dans notre maison. Nous achevons aujourd'hui, par quelques jeux supplémentaires de chaises musicales, de faire de la place aux endroits stratégiques pour pouvoir accueillir demain les contenus du camion de déménagement venu de Paris.
Cette transition n’a rien à voir avec un déménagement radical, lorsqu’on quitte un lieu pour ne plus y revenir. L’émotion alors de la porte refermée sur la maison entièrement vidée est plus violente. Et pourtant même avec cette transition douce les choses n’ont pas été si faciles et je n’ai pas très bien vécu, à mon grand regret, ma « dernière » journée parisienne, signe qu’il y a tout de même à l’œuvre dans notre décision de départ des éléments et ressentis contradictoires, certains négatifs, même si le positif l’emporte largement.
J’avais envisagé lors de cette dernière journée, tous nos travaux préparatoires étant terminés, outre une invitation à déjeuner de mon père et de ma belle mère, diverses activités, un plongeon dans une piscine pour activer et délasser le corps qui en a besoin, une sortie cinéma, je voulais voir « Augustine », film que j’aurai sinon peu de chance de voir dans l’immédiat. La journée s’est mal emmanchée à cause de divers retards et micro-contrariétés sur lesquels je passe et d’un manque de réactivité de ma part, bref au final je n’ai rien fait de tout ça. En soi et à distance, cela n’a vraiment pas d’importance. Mais la mauvaise humeur intense et persistante qui en a résulté, elle, était vraiment débile. Elle a donné à toute cette journée, que j’escomptais légère et plaisante, une tonalité d’ensemble plus que grise. Elle est signe sûrement de tensions et d’inquiétudes sous-jacentes que je me masque. Je me dis en particulier que l’agacement disproportionné que j’ai ressenti d’avoir raté la séance du film que je voulais voir montre une certaine résistance, quoique j’en dise, à m’éloigner de l’offre culturelle pléthorique de la capitale et de sa consommation facile.
Ma première nuit ici a été agitée. Je me suis réveillé à plusieurs reprises, traversé de lambeaux d’angoisses. Je dis lambeaux car ça ne ressemblait pas à une véritable angoisse, qui serre la poitrine et envahit tout, c’était un mal-être plus diffus et plus mobile, des inquiétudes sans objets repérés, allant et venant dans mon espace mental et se mêlant, entre veille et sommeil, à des rêves pénibles. Au dernier réveil, vers six et heures et demi, je me suis secoué et me suis levé. J’ai transcrit le rêve dans lequel la maison dans laquelle je venais d’arriver tenait une place considérable. Je suis content en tout cas d’avoir pu transcrire le rêve avant qu’il ne s’échappe. Qu’au moins, si les fantômes nocturnes me visitent désagréablement, j’en garde trace, une fois sorti de leur nasse, pour m’amuser de leur toujours surprenante inventivité.

Nous arrivons dans notre maison, avec la voiture très chargée et comptons déposer tout cela dans le garage qui donne sur une petite rue latérale. En ouvrant le garage je constate qu’il est totalement encombré. Impossible d’ y rentrer la voiture. Derrière le conducteur d’une camionnette s’impatiente. D. est au volant mais reste scotchée sur place avec l’homme derrière de plus en plus vociférant. Je sors de la voiture en ayant conscience de ma lâcheté à laisser D. seule face au problème et cours vers l’entrée principale de la maison, sur la place, en trainant une grosse valise.
Dans le hall commun de la maison je constate que les dalles au sol sont soulevées, voire, pour certaines, brisées. J’ouvre la porte de notre propre appartement et seulement à cet instant je prends conscience de la présence dans le hall de Monsieur I., l’artisan peintre qui est effectivement intervenu dans la rénovation de notre maison. Il est occupé à repeindre les murs, ce qui me surprend et me dépite car je croyais tout terminé. Cependant je m’excuse d’être passé devant lui sans le voir et le questionne sur ce qui passe. Il me dit que les dalles cassées ne sont pas de son fait, que ce sont des dégâts faits par les ouvriers polonais qui s’occupent du gros œuvre et qui travaillent comme des sagouins. Je monte dans les étages à leur recherche, complètement furieux. Au premier il y a quantité d’ouvriers en effet qui vont et viennent et qui manifestement s’apprêtent à partir, leur journée finie. Je leur parle mais ça tombe dans le vide comme si je n’étais pas là.
Je monte au second par une échelle de meunier et débouche dans un immense grenier. Il y a là également de nombreux ouvriers mais aussi toutes sortes de gens, de tous styles et de tous âges, il y a des matelas par terre, des bibliothèques aux murs, des gens discutent entre eux en feuilletant des bouquins, d’autres sont allongés sur les matelas, ainsi cette jolie jeune femme à la pose langoureuse dont je m’approche et qui me fait un sourire engageant. Plus loin un type est couché aussi, mais lui est terriblement agité, il crie, c’est un délirium tremens ou une crise de manque, la jeune femme me dit qu’il faudrait aller chercher des provisions pour lui, elle me demande si on peut payer par chèque, je lui réponds oui car j’ai envie de lui complaire, elle me plait bien, je redescends par l’échelle de meunier en me demandant avec anxiété comment je vais me débarrasser de cet envahissement de squatters, d’autant que je voudrais bien que tous partent mais que la jeune femme reste. J’atteins le bas de l’échelle de meunier quand je vois apparaître en haut des marches, un type qui n’a pas de tête, je suis terrorisé d’autant qu’il me domine de toute la hauteur de l’échelle et semble me menacer. Je réalise qu’il porte sa tête au creux de son bras et prend l’aspect d’une statue de Saint-Denis. De me retrouver face à cette figure connue apaise un peu ma terreur et je m’éveille entre panique et relatif soulagement…

vendredi 9 novembre 2012

Entre deux



Ça y est. C’est parti ! Dégagé ! Les déménageurs sont venus hier. Impressionnante rapidité de l’embarquement (trois grosses heures) quand on compare au temps de préparation qu’il nous a fallu en amont. Travail à deux pendant plusieurs heures chaque jour depuis deux semaines. Et la veille, alors que l’on pensait que tout presque était prêt et qu’on en aurait terminé à midi, qu’on serait bon ensuite pour une petite sortie revigorante, et bien finalement on n’a quasiment pas dételé de huit heures du matin à onze heures du soir !
Impression étrange et plaisante au fond de se retrouver dans une maison allégée d’une grande part de ce qui l’encombrait, la plupart des étagères de livres, les cartons d’archives, certains meubles, une bonne partie de ce qui était accroché au mur. L’espace, qui était devenu étouffant, respire à nouveau. On se croît, quelques fissures et peintures dégradées en plus, revenu au moment où l’on s’est installé dans cet endroit, il y a plus de vingt ans, quand nous étions jeunes, légers, moins possesseurs, nanti d’un seul garçon et d’un autre encore dans le ventre de sa maman. D. me dit, par manière de plaisanterie : Tiens, finalement, maintenant que la maison respire à nouveau, si on restait ! En tout cas ça me confirme dans l’idée que là-bas, même si c’est beaucoup plus grand, il ne faudra pas se laisser écraser par les objets et les livres et que, sans doute, il faudra trancher encore, éliminer encore…
Nous savourons cette maison allégée deux jours encore et puis en route pour là-bas, où nous réceptionnerons le déménagement en milieu de semaine prochaine. Alors viendra le temps du déballage et de la réinstallation. On n’en a pas fini ! Le tout sera de ne pas s’éterniser au milieu de cartons à moitié défaits.
Mais, au-delà du charme de la maison dans laquelle on s’installe et de l’attrait de la région, l’aventure de ce changement me plait, j’ai l’impression de marquer ainsi avec plus de force le basculement entre la vie salariée et celle qui la suit, de rompre avec mes routines parisiennes et notamment avec une consommation culturelle relativement intensive mais souvent trop passive, d’oser introduire dans cette phase nouvelle, le souci du renouvellement y compris en me coltinant à ce qu’il peut avoir de difficile.